jueves, 28 de junio de 2012

Attaque contre adherents de l autre campagne a Puebla


Des voisins de la Communauté Autonome Ernesto Guevara en Ayotoxco sont
agressés.
Article de Martín Hernández Alcántara, La Jornada Puebla, 26 juin 2012.
 
 
Des voisins de Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna, de la  municipalité d’Ayotoxco (Puebla), ont été agressés la semaine précédente par un groupe identifié par les victimes comme des “paramilitaires”. Une personne fut blessée a coups de machette durant l attaque. La situation reste tendue dans cette region de la Sierra Norte.

La Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna est située dans la communauté de Copales, municipalité d’Ayotoxco de Guerrero. Ses membres appartiennent a l’organisation los Dorados de Villa, adhérents a la Sixième Déclaration de la Selva Lacandona portée par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN).
Le fait que ces habitants de Copales se soient déclarés Commune Autonome a  dérangé le groupe des caciques de la région, qui cherchent à les déposséder de leurs terres. C’est pour cela qu’ils ont mis sur pied une sorte d’encerclement au travers d’un groupe paramilitaire dirigé par Antonio Esteban Cruz et son fils Rodrigo Esteban.
Au debut de la semaine dernière, les paramilitaires bloquèrent la Communaute Autonome Ernesto Guevara de la Serna: “ils empechent la fourniture dáliments, d’eau ou de médicaments; les paramilitaires disposent d’armes a feu et portent des machettes, et sont dirigés par Antonio Esteban Cruz et son fils Rodrigo Esteban”, exprimèrent-ils dans un communiqué auquel notre officine éditoriale a eu accès. Il y eut une confrontation ayant pour résultat un blessé, José Cabrera, “qui recut un coup de machette sur la tete”. Il a été depuis emmené a l´hopital de Teziutlán ou il fut remis sur pied.
Les faits ont été rendus publics auprès de la mairie et de la maitre Diana Cabrea Jiménez du Commissariat d’Ayotoxco, ou se sont rendues des organisations des droits de l´homme, nous la responsabilisons donc elle et le gouvernement municipal de ce qui pourrait advenir contre nos compagnons et compagnes”, exprimèrent les concernés dans un communiqué diffusé jeudi dernier. Le week-end précédent une reunion des représentants de la Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna avec leurs agresseurs au sein de la présidence municipale d’Ayotoxco.
“Ils tentent de fabriquer des ordres d’arrestation contre nos compagnons, et nous demandons la solidarité nationale et internationale afin de rédiger des documents et des prises de position publiques en faveur de nos compagnons. Nous responsabilisons Felipe Calderón Hinojosa, le gouverneur de Puebla Rafael Moreno Valle, le Président municipal Antonio Bonilla Gamboa et Diana Cabrera Jiménez du Commissariat d’Ayotoxco, car ils sont au courant de la situation et ne font rien pour freiner la situation”, ont-ils dénoncé.
La situation a engendré que la Commune Autonome Ollin Alexis Benhumea Hernández, Los Dorados de Villa, le Secteur National Ouvrier et les Travailleurs de la Ville, de la Campagne, de la Mer et de l’Air de l’Autre Campagne, la Coordination Inter-organisationnelle des Droits Humains de Totonacapan et de la Sierra Nord-Est de Puebla, le Mouvement pour l’Autonomie Autochtone et le Centre Autonome d’Apprentissage et de formation politique des travailleuses et travaileurs de l’Autre Campagne ont mis en place une caravane humanitaire afin d’amener de la nourriture, de l’eau et des médicaments a la Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna, qui devrait partir aujourd´hui de la Faculté d Économie de l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM).
Source:http://www.lajornadadeoriente.com.mx/noticia/puebla/agreden-a-vecinos-de-la-comunidad-autonoma-ernesto-guevara-en-ayotoxco_id_9729.html 
 
--ACTION URGENTE-- MERCI D ENVOYER VOS CARTES DE PROTESTATION AUX LIENS SUIVANTS
 
COMUNICADO DEL VEINTE SEIS DE JUNIO. 
 
 A la Otra Campaña 
A la Zezta Internacinal
 A la Sociedad Civil Las Abejas
 
 En estos momentos los compañeros Dorados de Villa de la Comunidad
Autónoma Ernesto Guevara de la Serna están siendo rodeados por los grupos
paramilitares, esto a un día de la caravana que saldrá de CU de la
Facultad de Economía, y después de que el día de ayer no se cumplió la
audiencia que se tenía prevista donde participarían representantes del
gobierno estatal, municipal y federal, esto porque no llegó la comisión de
la Dependencia de Tenencia de la Tierra.
 
 Los compañeros de la Comunidad Autónoma piden el apoyo solidario, en
estos momentos se está realizando una protesta en la casa de
representación de Puebla que ahora está cerrada, la manifestación se
traslada a gobernación, pedimos que refuercen esta actividad, además de
reenviar, publicar y hacer llegar al gobierno mexicano las cartas de
Protesta ante la actual situación de represión. 
 
 Se teme por la vida de los compañeros pues hay amenazas de muerte. 
 
 Favor de dirigir sus protestas a: 
 Felipe Calderón Hinojosa Presidente de la República 
Alejandro Poire Romero Secretario de Gobernación 
en las siguientes direcciones
:http://www.segob.gob.mx/es/SEGOB/Contacto 
 https://twitter.com/#!/FelipeCalderon
https://twitter.com/#!/FelipeCalderon 
 https://twitter.com/#!/AlejandroPoire 
 https://twitter.com/#!/DanAlonso/gobierno-de-puebla 
 https://twitter.com/#!/profeismael 
 
Telefonos de la Presidencia Municipal de Ayotoxco:
(233)331-0664
233)331-0669

ATENTAMENTE 
Sector Nacional Obrero y de Trabajadores de la Ciudad, el Campo, el Mar y
el Aire de la Otra Campaña

Comunicarse con ellos a los correos:
doradosdevilla@yahoo.com.mx y aaoc2010@gmail.com

Video de desinformemonos sur l action AMELI

Les Comp@s de Desinformemonos ont presente la semaine derniere un photoreportage sur l action de solidarite AMELI -Action mondiale exigeant la liberte immediate- pour Alberto Patishtan et Francisco Santiz Lopez. Vous pourrez ainsi voir la video ci-dessous et consulter les autres photos en cliquant sur les albums.

Los Compp@s de Desinformemonos presentaron la semana pasada un fotoreportaje sobre la acción de solidaridad AMELI -Acción Mundial exigiendo la libertad inmediata- para Alberto Patishtan y Francisco Santiz Lopez. Este martes, Patishtan cumple 12 años en la cárcel. Podrán descubrirla ahí bajito y consultar las demás fotos con los enlaces de los álbum.

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miércoles, 27 de junio de 2012

L'autre démocratie zapatiste


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Zapatisme, pouvoir et démocratie

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1/Le système des cargos dans la tradition indigène et le mouvement zapatiste

Depuis 1994, les indigènes zapatistes se sont soulevés, dressés face à un système qui les privait de tout : terre, nourriture, logements décents, santé, travail, éducation, et construisent une société autonome et originale dans ce coin perdu, pourtant très beau, du sud-est mexicain.



Ces gens, que l'on appelle des « indiens » se reconnaissent, eux, comme « indigènes ». Ils se distinguent du reste de la population (du Mexique, par exemple), par le fait qu'ils vivent dans des communautés (villages) sur un même territoire. La propriété privée de la terre n'existe pas pour eux (c'est une aberration, la terre-mère est sacrée... on dit souvent, et eux-mêmes le disent, mais pas pour la galerie, que c'est nous qui appartenons à la terre). 

Le territoire fait l'objet d'une gestion collective, dans le cadre d'une organisation horizontale, démocratique, très précise, qui s'appuie également sur des tâches effectuées collectivement de manière régulière. La conservation de la pratique de leurs langues (au Chiapas on parle encore une dizaine de langues mayas, plus le zoque), le fait de partager une vision du monde et des traditions culturelles communes, sont, enfin, les autres éléments qui caractérisent ces populations indigènes.

Il me semble donc important de dire d'emblée un certain nombre de choses :
En premier lieu, on est saisi par la force des zapatistes, par la fermeté de leur résistance. Ceci, alors que leur situation pourrait sembler extrêmement précaire :

  • dans les régions des Altos (les Hautes Terres), l'absence de place pour cultiver et vivre est flagrante, les habitations, les champs de maïs, les troupeaux de moutons et les gens se partagent des territoires manifestement trop petits, d'autant plus qu'une bonne partie de cette région, entre 2200 et 2800 mètres d'altitude, est abrupte... vraiment pas le lieu idéal pour faire passer une charrue.

  • dans la forêt Lacandone et les vallées qui la traversent, la prolifération des installations militaires et celle des groupes paramilitaires, ainsi que la construction de routes et autoroutes, les projets touristiques (rebaptisés écotouristiques, le pouvoir n'ayant jamais peur des mots!), l'implantation de cultures industrielles, toute cette avancée du monde capitaliste moderne, dans lequel des groupes humains autonomes, non soumis au salariat ou aux lois du marché, n'ont évidemment plus leur place, tout cela semble imparable.

Pourtant, malgré cette pression économique et militaire de la « guerre de basse intensité » que lui livrent les gouvernements locaux (notamment celui de l'état du Chiapas, dirigé par le PRD, membre de l'Internationale Socialiste) et celui de la république fédérale, les zapatistes construisent ce qu'ils appellent leur « autonomie ».
Ayant coupé tout lien d'inféodation avec ceux qu'ils désignent sous le terme de « mauvais gouvernements », les zapatistes ont instauré, dans les 5 sortes de « capitales régionales » qu'ils nomment des « caracoles »(escargots), 5 structures d' auto-gouvernement, les « Conseils de Bon Gouvernement » (ou encore : Juntas de Buen Gobierno).

Ils ont mis en place leur propre système de santé autonome : des cliniques, des microcliniques, des dispensaires et des équipes de promoteurs de santé qui se rendent de communauté en communauté, aussi bien pour assurer des soins que pour renforcer la prévention, mais aussi pour recueillir les savoir des plus âgés, notamment des femmes, en matière de plantes médicinales, de suivi des grossesses et des accouchements,etc.

Ils possèdent leur système scolaire : des écoles secondaires où sont formés les promoteurs d'éducation, des jeunes gens et jeunes filles qui retournent ensuite dans leur communauté pour définir, en liaison avec les adultes et autres autorités locales, les programmes de ce qu'ils vont enseigner aux enfants dans l'école du village.
La police et la justice sont directement assurées au niveau des quelques 1400 communautés, des municipes autonomes (il y en a 38) et des Juntas de Buen Gobierno, dans les caracoles.

Enfin, au plan économique, le travail collectif pour la production alimentaire (champs de maïs, de haricots, rizières ou potagers, bétail ), pour la répartition et la commercialisation des excédents, permet une redistribution, notamment en direction des plus âgés et des malades, ainsi que pour soutenir l'effort de celles et ceux qui travaillent dans la santé, l'éducation, etc.

Cette organisation est à vrai dire assez impressionnante : malgré l'évidente pauvreté, les tensions et la violence, le travail parfois rude (en premier lieu pour les femmes), on peut voir que les populations zapatistes sont en mouvement, actives, solidaires, et que leurs constructions vont de l'avant. La tranquillité, la joie de vivre et d'être ensemble ne sont pas pour la photo. Tout cela se voit, se respire et se sent pour qui séjourne quelque temps parmi eux.

Les zapatistes n'ont pas inventé cette organisation communautaire. Le système découle d'une tradition ancienne, très probablement bien antérieure à l'arrivée des Espagnols au début du XVIème siècle, et qui a subsisté en dépit, et contre la dure oppression qu'ils ont dû subir (s'il fallait donner un chiffre, rappelons que plus de 90% des Amérindiens ont été anéantis en 150 ans de domination européenne).

Ce système ancien s'appuie sur ce que l'on appelle en espagnol les « cargos », les charges.
Il s'agit de responsabilités à caractère rotatif et révocable, non rémunérées, attribuées dès l'adolescence aux membres de la communauté. Ceci pour une durée d'un an, avec des périodes de « repos » entre deux exercices de ces « charges ».

Les charges concernent un éventail très large de tâches et d'activités, qui vont généralement du plus simple au plus complexe, par exemple de l'entretien d'un lieu de culte, d'un chemin ou des abords d'une source, à l'organisation des fêtes religieuses et à l'exercice de la justice, en passant par la police et différentes fonctions « administratives »...

L'individu qui s'est acquitté correctement des différents échelons de ces tâches fera partie, avec les années, des « anciens », des « autorités » de la communauté.

Le système colonial a bien évidemment influé, depuis 500 ans, sur l'organisation de ces « charges » (la dénomination même des cargos, leur hiérarchisation et le contrôle des responsables par l'administration et les autorités religieuses ont permis aux Espagnols, et plus tard à l'état indépendant du Mexique d'affiner leur domination sur les indiens). Ces responsabilités varient d'une région à l'autre, avec l'inclusion ou non des femmes (dans l'immense majorité des cas, écartées des responsabilités « extérieures » dans les systèmes sociaux hiérarchisés). Le pouvoir a tenté de contrôler les communautés, à travers lescaciques, quelque soit la forme employée pour leur nomination. Mais il n'est jamais parvenu à faire disparaître le principe de ce gouvernement par en bas, au niveau du village, en dehors (et souvent contre elles) des autorités d'un état sur lequel elles n'ont aucune prise.

Les zapatistes de l'EZLN n'ont fait que reprendre et perfectionner l'organisation de ces cargos, en y réintroduisant la participation des femmes, et en les débarrassant, évidemment, du contrôle de l'administration et des « mauvais gouvernements ».
Les cargos permettent la mise en marche et le fonctionnement de l'autonomie. Notons que les promoteurs de santé, d'éducation et de communication (les hommes et femmes qui participent à la circulation de l'information, à la fabrication de documentaires, etc), entrent dans ce cadre des charges.
La non rémunération, compensée par les coups de main donnés pour les travaux agricoles, ou une aide en nature rendue possible grâce au travail collectif, est toujours une des caractéristiques essentielles du système des charges. Même chose pour la révocabilité, la rotation, etc.

La désignation des responsabilités se fait par consensus, dans le cadre des assemblées de la communauté. Etre désigné pour l'une d'elles est un honneur, une reconnaissance, et l'individu se doit bien sûr d'être à la hauteur.
La communauté se dote ainsi des moyens de transmettre et d'utiliser au mieux les compétences de ses membres dans les différents domaines, en adéquation avec ses besoins, coutumes et intérêts, à la recherche d'une harmonie réelle entre ses habitants, mais aussi avec les communautés voisines.

Les zapatistes ont étendu le système des charges au fonctionnement de leur auto-gouvernement, c'est à dire à la désignation des personnes qui vont siéger, pour une période déterminée, dans les « municipes autonomes », qui regroupent chacun des dizaines de communautés, et aux « Conseils de Bon Gouvernement » des 5 régions géographiques du Chiapas indigène rebelle.
Dans ce dernier cas, celui des Conseils de Bon Gouvernement (Juntas de Buen Gobierno), les hommes et les femmes désignées pour gouverner leur région ont un « mandat » qui court sur 3 ans, mais ne siègent que par rotation, pendant des périodes de 10 jours. Une fois terminées ces périodes, chacun repart dans sa communauté, vaquer à ses occupations « ordinaires ».
Ce système permet à un maximum de personnes d'apprendre l'auto-gouvernement. Les zapatistes reconnaissent qu'ils perdent probablement en efficacité, en suivi des dossiers, etc., mais insistent sur l'énorme avantage de ce partage réel, par en bas, des responsabilités les plus importantes.

Une dernière remarque : les zapatistes tsotsil d'Oventik appellent leur « Conseil de Bon Gouvernement » Snail tzobombail yu'un lekil J'amteletik , ce qui veut dire, à peu près, la maison de réunion pour ceux qui travaillent au bien commun...
Les mayas ont bien fait quelques emprunts à la langue espagnole, pour nommer des objets ou des animaux qu'ils ne connaissaient pas avant l'arrivée des envahisseurs : vakax, par exemple, pour désigner une vache, ou mexa, pour la table, mesaen espagnol. Mais ils n'ont jamais adopté des mots concernant des concepts leur paraissant trompeurs : le mot « démocratie », entre autres, n'est pas dans leur dictionnaire. La défense de leurs langues sert aussi à cela, ne pas se laisser manipuler.



Jean-Pierre Petit-Gras - Avril 2009

martes, 26 de junio de 2012

L'économie zapatiste



MEXIQUE - L’autonomie zapatiste, VI - L’économie

Erwan Bernier
Sommaire :
- - L’autonomie zapatiste, I - Introduction
- - L’autonomie zapatiste, II - La politique
- - L’autonomie zapatiste, III - L’éducation
- - L’autonomie zapatiste, IV - La santé
- - L’autonomie zapatiste, V - L’écologie
- - L’autonomie zapatiste, VI - L’économie

L'autre Justice
L´autre Démocratie Zapatiste. J.P. Petitgras.
Les Caracoles dans l´autonomie Zapatiste. A. Aubry


Première partie
S’il est un domaine où de sérieux progrès étaient à réaliser, c’est bien l’aspect économique. Aujourd’hui le Mexique suit les Etats-Unis dans la voie des privatisations. Mais si le Mexique s’enrichit, le peuple, lui, continue de s’appauvrir. Ainsi, en 2004, dix ans après l’entrée en vigueur de l’ALENA, le salaire minimum avait perdu 20 % de son pouvoir d’achat. Dans le même temps, symbole de l’opulence de ce pays, Carlos Slim, patron qui domine le marché des télécommunications, était classé au troisième rang des plus grande fortune du monde, mais, selon d’autres sources, il aurait pu entre temps détrôner Bill Gates au sommet de cette hiérarchie.

En moins de deux ans durant les années 1990, le Mexique a connu un grand virage libéral dans le secteur l’agriculture. Ainsi le 6 et le 28 janvier, l’article 27, un des plus progressiste de la Constitution, régulant l’exploitation des ressources et le travail de la terre est amendé, supprimant ainsi les principaux acquis de la Révolution de 1917. Deux ans plus tard, le 1er janvier 1994, c’est l’ALENA qui entrait en vigueur. Ce sont autant d’attaques contre les petits paysans qui ont de plus en plus de mal à survivre de leur travail. Il fallait pour les zapatistes rendre une dignité à ces petits producteurs, car avec la nouvelle loi en vigueur, les paysans préféraient vendre leur terre qui ne leur rapportait quasiment plus rien pour tenter ensuite sa chance en ville où ils allaient grossir encore un peu plus les rangs des travailleurs pauvres Les populations indigènes sont celles qui souffrent le plus de la pauvreté au Chiapas. Ce sont elles qui souffrent le plus de la malnutrition, qui ont le moins accès à l’eau courante, à l’électricité.


Exclues de facto de la société, elles n’étaient qu’un rouage secondaire de l’économie mexicaine condamnée à travailler toujours plus sans forcément obtenir les fruits de ces efforts supplémentaires. Ainsi la création des caracoles a permit à des petits producteurs, dans toutes sortes de domaines, de s’organiser afin de vivre un peu plus décemment du fruit de leur travail. A Oventik, par exemple, il existe trois coopératives de femmes où celles-ci vendent les produits qu’elles ont confectionnées. Comment fonctionnent ces coopératives ? Si chacune travaille de son côté, on y retrouve plus ou moins la même structure. La coopérative regroupe plusieurs femmes de différentes communes qui décident de s’unir pour vendre leur travail. Ainsi, sur l’ensemble des personnes qui appartiennent à la coopérative un certain nombre d’entre elles sont chargées de tenir la boutique, qui se situe à Oventik même, au moins une semaine à tour de rôle. Une d’entre elle explique la raison de cette organisation : « Bien qu’on travaillait toute la journée, nous n’arrivions pas à obtenir de prix juste ». Elles reconnaissent que « tisser et broder est le seul travail que nous savons faire ». A présent elles peuvent vendre leurs produits un peu plus chers. Un problème se pose cependant encore à elles : le nombre de personnes venant acheter dans leurs boutiques est encore faible, c’est pourquoi elles espèrent beaucoup de la commercialisation de leurs produits à l’étranger. Ce qui a été difficile au début car il fallait légaliser la structure ce qui a duré une année pour l’une d’entre elle.



Et l’on essaye de multiplier ce genre d’exemple au maximum. Grâce à la coopérative de café, dans le même caracol, le kilo se vend à présents dix pesos le kilo alors qu’auparavant on ne leur en offrait que sept pesos, soit une augmentation de près de 50%. A Morelia, dans la même optique, on est justement en train de construire ce qui deviendra aussi une coopérative de café. Se pose alors le problème de la vente car le prix de ces produits n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pour écouler leurs produits, les zapatistes comptent alors énormément sur le commerce à l’étranger. C’est un aspect essentiel qui permet actuellement aux zapatistes de s’en sortir.


Les épiceries sont aussi organisées en coopératives. On y retrouve les mêmes produits qu’en ville. Certes, mais à un prix plus élevé diront certains. Plus juste diront d’autres, Car les bénéfices supplémentaires dégagés ne servent pas seulement à améliorer les conditions de vie, mais aussi à financer les projets du caracol, ce qui leur permet d’accroître dans le même temps leur autonomie.



Un des projets que tente de développer les caracoles est l’accès à Internet. Internet commence petit à petit à se développer. Si chaque junta possède sa connexion, seul Roberto Barrios et La Garrucha permettent à chacun de surfer sur le web pour 15 pesos (1 euro) par heure. Pour l’instant ces services sont encore peu utilisés. Il faut dire que peu de personnes sont formées de telle façon à pouvoir utiliser ce genre de technologies. Une façon comme une autre de s’ouvrir au monde et de sortir quelque peu de son isolement. Si d’autres tâches plus importantes doivent être développées en premier lieu dans, il ne faut pas négliger cet aspect qui reste un outil comme un autre de compréhension du monde. On n’hésite pas à Roberto Barrios à affirmer qu’Internet « est un moyen de partager nos systèmes d’économies alternatives ». S’inspirer des modèles des autres pour les appliquer chez soi, voila donc une des utilités d’Internet qui devient un outil comme un autre pour l’autonomie.

Deuxième partie
L’isolement des populations rurales est dû non seulement à leur position géographique au beau milieu des montagnes et à leur éloignement des grandes villes, mais aussi à des routes difficilement accessibles vu leur état. N’ayant évidemment pas les moyens de remettre en état les routes et afin de s’éviter de trop nombreux allers-retours dans la ville la plus proche pour se procurer ce qu’ils ne peuvent pas produire eux-mêmes, les zapatistes ont décidé de construire de grands entrepôts pour pouvoir stocker ces marchandises. A Roberto Barrios, cet entrepôt existe. On n’y trouve pêle-mêle des pommes de terres, des biscuits, de l’huile, des pâtes ou des boites de conserves en très grande quantité. Les municipes du caracol viennent ensuite s’y approvisionner.
Les zapatistes cherchent dans le même temps à pouvoir commercialiser leurs produits à un prix décent. Si cette idée n’est qu’un projet pour le moment, il est devenu réalité dans le caracol d’Oventik où le municipe de San Andres de los Pobres accueille depuis le 29 septembre le marché autonome « 1er de enero ». Ce marché, ouvert aussi aux personnes non-zapatistes, permettra aux travailleurs de vendre leurs produits à un prix qui leur permettra de vivre décemment. De même, cela évite aux paysans, qui la plupart du temps n’obtenaient pas d’autorisation pour écouler leur production sur les marchés, de vendre leurs produits à des intermédiaires qu’on nomme ici communément les « coyotes » parce qu’ils achetaient les marchandises à très bas prix, pour les revendre beaucoup plus chers. Impuissants auparavant, voila qu’ils contrôlent à présent toute la chaîne de production réussissant ainsi à n’être dépendant d’aucune personne extérieure. Mais cette initiative a eu le don de déplaire et le caracol d’Oventik a reçu plusieurs menaces de morts au cas où il ne supprimerait pas ce nouveau marché. Pour le moment les menaces sont restées lettre morte, mais elles montrent en tout cas que l’alternative proposée par les zapatistes ne fait pas l’unanimité et qu’elle entraîne de vives oppositions ce qui n’a pas empêché que, le jour de l’organisation, plus de trois milles personnes, des zapatistes comme des sympathisants du Parti Révolutionnaire Institutionnel qui connaît pourtant des relations difficiles avec ces derniers, de se réunir le jour de l’inauguration, marquant ainsi une certaine forme de réconciliation

Dans la même idée, les zapatistes possèdent maintenant leurs propres véhicules pour transporter personnes et marchandises du village à la ville et de la ville au village. Car auparavant, ces populations étaient victimes des mêmes coyotes pour l’approvisionnement de produits qu’on ne trouve qu’en ville. Elles étaient obligées d’accepter le prix auquel ces différents intermédiaires vendaient leurs produits. L’équation était fatale pour les indigènes. Vente à bas prix de leurs produits et achat de marchandises assez chères, il était donc difficile de survivre dignement dans ces conditions.
Mais tout n’est pas parfait et le capitalisme voit certaines de ses méthodes reprises. Ainsi on peut voir dans certaines boutiques différents objets estampillés EZLN, du briquet à la petite poupée zapatiste. Mais ces produits ne sont pas toujours confectionnés par les habitants des caracoles. Ces objets sont parfois achetés en ville avant d’être revendu jouant ainsi sur l’image de marque du groupe armé. De même, les caracoles participent largement à la première place du Mexique (devant les Etats-Unis) en ce qui concerne la consommation de sodas. Et la première place est sans doute tenue par Coca-Cola. Il peut paraître très paradoxal que les produits de cette marque si souvent fustigée par Marcos dans ses différents écrits. Alors pourquoi vend-on du Coca-Cola dans les caracoles ? Cette question semble être plutôt taboue et peu de gens souhaitent s’en expliquer. Seul la junta de La Realidad a daigné nous accorder une réponse dont l’argumentation peut sembler quelque peu bancale et plutôt évasive : « Il est vrai qu’il y a une polémique. Beaucoup de gens nous posent cette question. Ce que nous souhaitons, c’est que les ouvriers de Coca-Cola gèrent eux-mêmes leur entreprise pour décider ce qu’ils veulent produire. Mais pour le moment, nous ne pouvons pas nous permettre de refuser un produit si les gens nous le réclament ». En bref, les zapatistes se soumettent au diktat de l’offre et de la demande.

La rupture avec le capitalisme est encore loin d’être consumée. Les zapatistes troquent de plus en plus l’habit traditionnel pour s’habiller comme en ville. On ne souhaite pas pour autant de quitter son village conscient de ce qui attend les personnes qui veulent tenter leur aventure en ville. On reste conscient que le travail mené arrivera à transformer en profondeur le niveau de vie de chacun tant les efforts sont nombreux.

Les zapatistes bénéficient en plus d’une aide internationale pour appuyer leurs projets. Ainsi le système de santé de La Garrucha a été en large partie financée par l’association basque Paz y Solidaridad. L’associations « Schools for Chiapas » cherche à recueillir de l’argent pour pouvoir financer la construction des écoles zapatistes. Les exemples pourraient être multipliés à l’infini. Les zapatistes sont encore assez dépendants du financement des étrangers pour faire aboutir leurs projets, même s’ils commencent à dégager quelques bénéfices, notamment grâce au système des coopératives. Les zapatistes voient donc sur le long terme. Le processus d’autonomisation est une lutte de longue haleine. Et comme l’affirme un escargot peint à Oventik : « J’avance lentement, mais j’avance ». Tout un symbole du combat que mènent les zapatistes.


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