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domingo, 25 de enero de 2015

Ouvrir les casernes militaires, maintenant ! #Ayotzinapa

Article original: Tlachinollan
                                                                                                                                             
Article du Centre des Droits de l'Homme de la Montagne, Tlachinollan
                                                                                                                                                  


Depuis la disparition aux mains de l'Etat des 43 étudiants de l'Ecole Normale Rurale Raúl Isidro Burgos d'Ayotzinapa, perpétrée le 26 septembre 2014, les familles demandent instamment l'ouverture des casernes militaires comme un exercice élémentaire de transparence visant à l'éclaircissement des faits.


Le retard et le refus ont prévalu face à cette demande. Le retard car, bien que la demande ait été exprimée dès les premiers jours et malgré l'engagement initial pris par le Ministère de l'Intérieur (SEGOB) d'utiliser les moyens institutionnels pour répondre à cette demande, à ce jour cela ne s'est toujours pas concrétisé. Refus car, lorsque les familles ont formulé cette demande en manifestant devant les casernes constatant le retard de l'Etat, la réponse a été la répression et non pas le dialogue.



A présent, divers secteurs sociaux et certains journalistes toujours prompts à s'aligner aux côtés de l'Etat, critiquent les pères et les mères des étudiants disparus, et vocifèrent pour dire que  leur demande est irrecevable, qu'on humilie l'armée et qu'on suit un agenda caché. Cependant, et contrairement à ces accusations des médias alignés avec le gouvernement, l'exigence de mener l'equête au coeur même de l'armée dans le contexte des investigations sur la disparition des étudiants est plausible et justifiée. C'est pour cette raison que les autorités fédérales ne peuvent pas s'ériger en défenseurs officieux de l'armée alors que leur rôle est d'enquêter et de trouver la vérité concernant les faits.


Une première raison permettant de comprendre la nécessité de cette investigation tient aux travaux des journalistes qui ont réussi à mettre en question les constats de l'enquête. Le travail de la journaliste Gloria Leticia Diaz de la revue Proceso est, en ce sens, fondamental : l'hebdomadaire, créé par le très regretté Julio Scherer (décédé récemment, NDT), figure emblématique du journalisme indépendant au Mexique, a prouvé de manière indiscutable que le commandement du 27e Bataillon de l'armée de terre de l'armée mexicaine a accordé sa protection à des délinquants qui ont, par la suite, joué un rôle clé dans les événements du 26 septembre, comme César Nava. Proceso a documenté comment le policier Salvador Bravo Barcenas a déclaré devant le parquet avoir dénoncé, dès 2013, la collusion entre Guerreros Unidos et les policiers de Cocula et Iguala, déclaration déposée à l'armée qui est restée indifférente devant cette dénonciation. Si les militaires avaient informé à ce moment-là les institutions compétentes de ce qui arrivait à Iguala et Cocula, il n'y aurait probablement pas aujourd'hui 43 étudiants disparus. 


Une deuxième raison qui permet d'affirmer que la demande des parents des jeunes gens est raisonnable tient à l'histoire, non reconnue dans les récits et versions officiels, des graves violations aux droits de l'homme perpétrées par l'armée, y compris bien sûr des arrestations arbitraires dans des installations militaires, ainsi que les disparitions forcées commises elles aussi par soldats et marins. 


La pratique très répandue des détentions de civils dans des installations militaires est une réalité qui remonte à la "sale guerre", comme on peut le lire dans la Recommandation 26/2001 de la Commission Nationale de Droits de l'Homme (CNDH) qui rend compte de l'emploi massif des casernes pour la détention de civils: "la Commission Nationale de Droits de l'Homme a eu accès à l'information se rapportant à des détentions, interrogatoires, fouilles et enfermements illégaux, ainsi qu'à des listes de personnes retenues dans la Base Militaire N° 1, dans la caserne d'Atoyac, Guerrero, dans des installations militaires de plusieurs zones du pays, dans la base aérienne de Pie de la Cuesta, Guerrero, et dans les installations de la Direction Fédérale de la Sécurité, ainsi que dans des prisons clandestines.."


Le plus grave pour les citoyens du Guerrero, et surtout pour les familles des victimes, est que cette pratique n'ait jamais été éradiquée dans le cadre d'un véritable procès de justice. Il est actuellement pleinement prouvé que les détentions illégales persistent et se sont même aggravées, surtout en raison de la participation des forces armées à des tâches de sécurité publique étrangères à leur mandat constitutionnel et à leur fonctionnement institutionnel. Pour la CNDH, "la pratique des militaires qui consiste à retenir dans leurs installations des personnes arrêtées pour y formaliser leur mise à disposition et certifier leur état de santé pour ensuite les communiquer aux autorités compétentes est fréquente et problématique, dans la mesure où, dans ces installations, les personnes arrêtées font l'objet de toute sorte d'atteintes à leur intégrité physique et émotionnelle". 


De manière générale, cette pratique est constatée dans l'information mise à disposition par la CNDH, et des cas particuliers ont été jugés devant la Cour Suprême de Justice de la Nation. 
Citons simplement le cas d'Israel Arzate Melendez, jeune homme originaire de Ciudad Juarez, Chihuahua, torturé par des membres de l'armée, défendu par le Centre des Droits de l'Homme Miguel Agustin Pro Juarez et Amnestie Internationale, dans lequel on a constaté que "... suite à l'arrestation injustifiée du plaignant, il a été établi comme un fait indiscutable qu'il a été retenu dans une caserne militaire, et non devant le ministère public comme il se doit, pendant que l'on rassemblait les faits, ce qui est manifeste au travers des informations contenues dans l'archive de l'enquête, ce qui a été confirmé par le juge des libertés suivant les considérations de la juge d'instruction"... "l'arrestation et la détention par des militaires... a été menée sans que le détenu ait été réellement et matériellement mis à la disposition des autorités compétentes au cours de l'enquête, étant donné qu'il a été retenu dans une caserne militaire".


La pratique des détentions militaires a été prouvée aussi par le verdict de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme dans le cas de Rodolfo Montiel et Teodoro Cabrera suite précisément à des violations des droits de l'homme commises dans le cadre d'une détention militaire. 


Le Centro Pro (de défense de droits de l'homme) a souligné qu'en dépit de cela, l'armée a nié l'existence de cette information, y compris devant l'Institut Fédéral pour l'Accès à l'Information (IFAI), instance qui a insisté sur le fait que l'information en question doit exister vu que l'armée et la marine nationale détiennent des civils à l'intérieur de leurs installations - et ce nonobstant les dénégations fallacieuses des forces armées. 


En somme, la pratique de détention de civils dans des installations militaires est non seulement documentée depuis des décennies, mais elle a augmentée ces dernières années comme le constate la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH), et certains de ces cas ont été jugés devant la Cour Suprême de Justice de la Nation et la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme. 

Pour cette raison, les demandes des pères et des mères des étudiants disparus ne peuvent être ignorées, encore moins délégitimées. En tant que défenseurs des droits de l'homme, notre engagement est envers les victimes et envers la vérité; nous ne saurions abonder dans le sens des conjectures, alors que c'est la douleur des familles  à la recherche de leurs enfants qui est en jeu. Suivant notre engagement, nous ne pouvons pas rester silencieux, ni approuver ceux qui exigent que les parents ainsi que la société civile signent un "chèque en blanc" à l'armée en lui accordant une confiance aveugle et acceptant telle quelle leur version des faits - comme s'il n'existait pas au Guerrero une longue histoire, très documentée, des violations des droits de l'homme perpétrées par les militaires. 


Cette exigence des parents ne saurait être disqualifiée, encore moins attaquée avec l'usage de la force et la répression. En ce moment de grande tension sociale et politique et face à l'absence de résultats indiscutables de l'état concernant la recherche des étudiants, il est indispensable de définir les mécanismes institutionnels permettant aux parents des étudiants d'accéder aux casernes pour leur inspection minutieuse afin de garantir la recherche de la vérité, droit inaliénable. L'ouverture des casernes au Guerrero est non seulement une exigence nécessaire à la résolution du cas Ayotzinapa mais aussi à la résorption d'une dette historique dans cet état marqué par la violence d'état. 


Lundi 26 janvier prochain on commémorera quatre mois depuis la disparition des 43 normaliens qui ont maintenu l'état au bord du gouffre. La société civile sortira à nouveau dans les rues pour démontrer que la conscience n'est pas engourdie par la trêve des fêtes de décembre, et que les citoyens ne reculent ni n'abandonnent la lutte malgré les intimidations et les menaces proférées par les autorités civiles et militaires. Les parents des élèves sont un rempart en acier et une source de dignité au milieu de ce chemin tortueux et ignominieux. 

La clameur nationale qui dit "C'est l'Etat (le responsable)" renvoie à d'autres luttes emblématiques comme celles de Tita Radilla, Valentina Rosendo, Ines Fernandez, Teodoro Cabrera et Rodolfo Montiel, tous paysans et indiens du Guerrero, victimes de la torture, de violences sexuelles et de disparitions forcées perpétrées par des membres de l'armée. Le Tribunal Interaméricain a démontré la responsabilité de l'état mexicain et l'a condamné aux yeux du monde entier pour de graves violations aux droits de l'homme. 
                                                                                                                                                       Les difficiles et dangereux sentiers qu'empruntent les familles des 43 disparus les situent dans la ligne de mire des agents destructeurs de la vie. Leurs coeurs généreux les ont conduit à tout donner afin d'abattre cet infranchissable mur des militaires, et par là même de leur faire payer la dette historique que ces derniers ont envers le peuple du Guerrero qui a vu ses enfants disparaître dès lors que l'armée participe, activement ou en tant que complice passif, dans des faits délictueux tels les événements du 26 septembre dernier à Iguala, Guerrero. 


Traducteur-trices pour Ayotzinapa-Mexique







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