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jueves, 8 de febrero de 2018

Rencontre sans frontières avec le Conseil Indigène de Gouvernement (CIG) et sa porte-parole, Marichuy


Une rencontre inédite a eu lieu le samedi 20 janvier lorsque le CIG est entré en communication « virtuelle » avec la communauté internationale dans une vingtaine de villes dans le monde.




La visioconférence a été organisée par le réseau Con Marichuy Sin Fronteras (Avec Marichuy Sans Frontières), intégré par plus de 70 auxiliaires du CIG. Il s’agit de mexicain.e.s résidant à l’étranger s’étant donné comme tâche la collecte de signatures auprès de la communauté mexicaine dans le monde pour que la candidature indépendante de la porte-parole, Marichuy, soit enregistrée. Mais illes cherchent aussi à tisser des liens avec la communauté internationale dans les différentes géographies où illes se trouvent « avec ces personnes qui luttent et résistent contre les mêmes maux et les différentes formes du capitalisme.»


Les villes présentes à l’évènement étaient : Bruxelles-Belgique, Barcelone-Catalogne, Valence-Espagne, Séville-Espagne, Saragosse-Espagne, Madrid-Espagne, Santiago-Chili, La Haye-Pays Bas, Lyon-France, Marseille-France, Montréal-Canadá, Guatemala-Guatemala, Quito-Equateur, Rio de Janeiro-Brésil, Sao Paulo-Brésil, région Cauca-Colombie, Hambourg-Allemagne, Dortmund-Bochum-Allemagne, Londres-Royaume-Uni, Exeter-Royaume-Uni , Michigan-Etats-Unis.


Pendant l’échange, les auxiliaires ont expliqué les difficultés rencontrées pour la collecte des signatures : « nos communautés ne possèdent pas de carte d’électeur.rice ou elle n’est plus valide, nous rencontrons aussi des attitudes indifférentes et démobilisées face à ce qu’il se passe actuellement au Mexique »



Les auxiliaires en ont profité pour poser des questions sur la proposition du CIG et pour exprimer leurs inquiétudes et leur volonté de participer au projet du CIG même en dehors de la conjoncture électorale.« les difficultés, ne font autre que réaffirmer notre conviction qu’on a besoin d’ouvrir des espaces afin de rendre visible votre proposition et vous accompagner sur le chemin que vous êtes en train de tracer, avec ou sans signatures. »




À la ville et à la campagne, écouter et organiser les douleurs



Depuis Tuxpan, la ville natale de Marichuy, les conseiller.es et bases d’appui réunis pour l’occasion étaient : Lizbeth Nayeli Morán Fabián, conseillère de la communauté nahua de Tuxpan, Jalisco; Magdalena García Durán, conseillère mazahua, Etat de Mexico, résidant à Mexico; Juan Bobadilla Macario, conseiller purépecha résidant à Mexico; Santiago Moran Bautista, conseiller de Tuxpan, Jalisco; Juan Santiago Hernández, rapeur nahua, en soutien à la collecte de signatures, et la porte-parole, Marichuy.



Une des premières questions des auxiliaires avait pour but celui de connaître des détails sur le parcours du CIG et de la porte-parole à travers le Mexique d’en bas, les communautés rencontrées, la réaction de la population, leurs difficultés. Les conseiller.es ont décrit le parcours comme « un espace d’écoute des douleurs de nos peuples » et de présentation de l’initiative du CIG. Marichuy a souligné le fait que les problèmes de spoliation et destruction sont identiques dans toutes les communauté indigènes qu’illes ont visitées : destruction du territoire, pollution des eaux, déforestation massive, etc. « Nous avons également visité des villes où nous nous sommes réunis avec des personnes défenseures des ressources naturelles, des organisations de femmes, des travailleurs de la campagne et de la ville, des frères et sœurs migrant.e.s. » Illes ont expliqué que ces communautés « se sont senties reconnues avec la proposition du Conseil Indigène de Gouvernement qui englobe toutes ces problématiques et parce qu’il ne s’agit pas d’une proposition d’arriver là haut, au pouvoir, il s’agit d’articuler ce pouvoir d’en bas. Il s’agit d’une organisation qui appelle tout le monde, les peuples indigènes et non-indigènes (…) il s’agit d’une construction qui va au-delà de la période électorale. » Illes ont expliqué que la participation du CIG dans cette conjoncture « est un prétexte pour rendre visibles les communautés et les quartiers, leurs problématiques et leurs luttes. Ils ont souligné qu’il est important de rappeler et mettre en pratique les formes d’organisation autonomes, « nous sommes très peu à nous gouverner par us et coutumes.»




Dans leur parcours, ils ont observé comment, aussi bien à la ville qu’à la campagne, les gens sont aliéné.e.s et divisé.e.s par les partis politiques tandis que tous les problèmes restent invisibles. Malgré cette aliénation, ils se sont réconforté.e.s « nous avons trouvé des frères et sœurs qui ont une forte envie de reconstruire ces communautés et ils ont trouvé [dans notre proposition] un espace qui peut aider à cette reconstruction »


Le conseiller Juan a annoncé qu’il reste encore à parcourir une bonne partie du pays et que « après ce parcours, nous devrons systématiser toutes ces douleurs, toutes ces formes d’organisation. Nous allons les présenter et ensuite nous allons générer un projet plus grand. Nous sommes encore dans la première étape, ce sont de petits pas que nous faisons et à la fin du trajet nous aurons une cartographie générale de la situation du pays (...) »


Pour Marichuy « il est nécessaire de tisser et de renforcer ces réseaux d’organisation afin de construire le pouvoir de tous les peuples, en bas et à gauche.»



Marichuy : « nous avons vu de grandes souffrances mais nous retrouvons la force de façon collective »



Un des auxiliaires a demandé à Marichuy quel était son ressenti en tant que porte-parole du CIG, la praticienne de la médecine traditionnelle a répondu : « [Pendant la rencontre avec toutes ces communautés], je me suis sentie comme un parapluie car sur ma personne est tombé le sentir de toutes ces personnes, ce racisme contre les peuples originaires, cet abandon depuis des années, les peuples ont subi beaucoup de choses et on est en train de les exterminer (…) Nous avons vu de grandes souffrances là où nous avons marché mais il y a aussi un espoir. (…) Il faut trouver les moyens d’intégrer plus de frères et sœurs, de tisser des liens, car l’organisation est la seule force que nous avons pour réaliser le changement que nous désirons.»





Elle a expliqué qu’en tant que porte-parole, elle a été soutenue par tout.e.s les conseiller.es du CIG pour qui « il s’agit d’une grande responsabilité parce qu’illes sont les voix des peuples. Nous avons travaillé en équipe, et ça nous donne la force pour avancer et construire une autonomie dans chaque endroit, la renforcer et la consolider là où ça existe déjà, et commencer les bases de cette construction là où ça n’existe pas. »





Marichuy a souligné qu’elle ne se sent pas comme « une représentante » mais plutôt « avec une grande responsabilité de ne pas trahir la confiance des personnes rendues invisibles ou qui ne sont plus là et qui sentent que nous répandons leur voix partout, et surtout parmi les personnes qui continuent de nous ignorer, qui continuent de penser que les peuples originaires n’ont pas cette capacité ou cette condition de s’en sortir tous seuls. »




La démobilisation de la société mexicaine face à la proposition du CIG



Après que le EZLN et le Congrès National Indigène ont annoncé la constitution du CIG et l’initiative de participer dans les élections présidentielles de 2018, les critiques et les calomnies ne se sont pas fait attendre. Des « intellectuels », des politiciens, des chefs d’opinion, des militant.e,s de la gauche institutionnelle et d’autres secteurs ont participé à ces attaques en ignorant la voix des peuples.


Lors de l’enregistrement de Marichuy en tant que pré-candidate aux campagnes électorales, elle a dénoncé l’élitisme du pouvoir d’en haut, et le dysfonctionnement de l’application de l’Institut National Electoral (INE) pour la collecte de signatures (il faut 866 mille signatures récoltées dans au moins 17 états du Mexique). L’utilisation de cette plateforme informatique a été très critiquée car les communautés visitées par le CIG, sont souvent des endroits où il n’y a pas de réseau Internet, ou même d’électricité et les personnes ne possèdent pas de téléphones intelligents pour devenir auxiliaires et capturer des signatures. Face aux dénonciations réalisées par le CIG, l’INE a dû prolonger la date limite de collecte de signatures d’une semaine et a accepté la collecte de signatures sur papier. En plus, cette application n’est pas compatible avec tous les téléphones intelligents.


Les conseiller.e.s ont ajouté d’autres raisons qui expliquaient la démobilisation de la société mexicaine, métisse, appauvrie et traumatisée. Illes ont dénoncé qu’ « il existe des candidats indépendants qui achètent des signatures et les volontés des personnes. Il s’agit d’une très mauvaise habitude. Nous, on n’achète pas des signatures.»


Une autre raison c’est « le manque d’information, il existe des réalités qui ne sont pas visibles, connues de peu de personnes.»



Illes ont rajouté que les gens ont peur de s’exprimer : « Le pouvoir n’aime pas qu’on le critique et il y a des personnes du peuple qui le protègent car on leur a appris comme ça, elles ont l’habitude de faire ainsi. Nous, notre proposition c’est de casser cette habitude : c’est le peuple qui doit commander et le gouvernement doit obéir. Pour cela, nous devons tout.e.s répondre à l’appel »


En plus, des communautés du CNI, des conseille.re.s du CIG et des auxiliaires ont été la cible de harcèlement, d’attaques physiques et matérielles de manière systématique. La récente agression contre les journalistes le 20 janvier et la persécution de la Caravane le 25 janvier sont des exemples flagrants de cette violence. Il est nécessaire de créer des conditions de sécurité pour que la Caravane continue son parcours à travers le Mexique d’en-bas.



La participation politique de la femme


Concernant les défis des femmes indigènes dans la participation politique effective avec des résultats réels dans les communautés, la conseillère Magdalena a expliqué :


« Il y a une table spécifique pour écouter directement les compañeras indigènes » Cette table a programmé une rencontre de femmes afin d’analyser la situation de la femme dans le pays. « Combien de femmes sont mortes, partout, on croyait que ça n’arrivait qu’à Ciudad Juárez mais non, c’est dans tout le pays (…) C’est important d’écouter les femmes (…) Dans notre condition de femme, indigène et pauvre, nous sommes sujets d’humiliation mais maintenant nous nous sommes rendues compte, en tant que conseillères qu’il ne s’agit pas seulement des femmes indigènes mais de toutes les femmes, même les jeunes femmes étudiantes sont assassinées, ça arrive souvent.


Nous rencontrons des femmes qui luttent pour la défense de l’eau, qui sont emprisonnées, et des femmes défenseures des Droits de l’Homme, qui sont portées disparues. C’est une grande préoccupation, c’est un problème très grand celui de la violence contre les femmes. Nous pensons que cette rencontre du CIG et la rencontre nationale et internationale des femmes qui luttent, organisée par les compañeras zapatistes, ce seront des moments d’union entre nous toutes pour raconter nos douleurs.»


Lire « Etat de Mexico, Marichuy et la douleur des femmes» dans le blog De l’autre coté du charco





Le rôle des médias et des réseaux sociaux


Magdalena Durán a expliqué que l’une des stratégies pour se rendre visibles était celle de convoquer les médias pour qu’ « ils voient toutes les problématiques que nous avons dans ce pays mais en réalité, nous nous sommes rendues compte qu’ils ne voulaient rien savoir des peuples indigènes.»


La conseillère mazahua a ajouté que grâce à l’enregistrement de Marichuy en tant que pré-candidate, le Cig a pu arriver à d’autres communautés en dehors du CNI « personne ne peut nous empêcher de rentrer dans ces territoires mexicains ». Alors « la stratégie était celle de connaître les douleurs des autres communautés, ces douleurs que personne ne voulait voir, c’est grâce à notre tâche qu’ils commencent à être connues .»



Elle a évoqué qu’il existe une autre stratégie très importante : créer des liens et des réseaux en utilisant différents moyens de communication afin de partager leurs réalités « car nous savons que partout dans le monde il y a des besoins à cause du mépris, des injustices, et alors la stratégie c’est de partager et de travailler avec nos douleurs. Depuis ici jusqu’à n’importe quel pays et alors créer des alliances organisées, où chacune connaît les problèmes des autres. En tant qu’indigène j’aime cette stratégie pour que tous les médias, les réseaux, tout ce qui existe aujourd’hui, commence à nous regarder. »




L’ « invitation du CIG » ne s’adresse pas seulement au Mexique, elle s’adresse à tout le monde



Les auxiliaires des différentes villes ont salué cette juste et nécessaire lutte des peuples organisés du Mexique face à la dévastation et les projets de mort du capitalisme et du néocolonialisme. Depuis le Chili et l’Equateur, par exemple, illes ont parlé de l’articulation avec des organisations mapuches et avec la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador.





Pour le conseiller Juan, il est important que la cartographie des douleurs et des organisations des peuples et des quartiers qui sera publique à la fin du parcours du CIG soit présentée au niveau international. Les conseille.re.s ont demandé de rester attentifs et en communication avec les médias du CNI. Cette systématisation avait été initié dans cette Carte des résistances des peuples originaires face aux mégaprojets et dans les Miroirs de la résistance.





Santiago, le conseiller de Tuxpan, a spécifié que « l’appel est à s’organiser, c’est un appel pour les gens ici au Mexique et aussi au niveau mondial, pour tou.te.s celleux qui nous écoutent, jusque là où la parole arrivera, qu’illes s’organisent, ça c’est l’invitation. Parce que la répression n’est pas un sujet propre au Mexique ça arrive partout dans le monde. Alors, on doit s’organiser là où l’on est, avec les personnes qui nous entourent. Les formes que nous encourageons sont celles de l’auto-gouvernement, nous sommes capables de créer et mettre en pratique un bon gouvernement.»





Ils ont insisté sur l’importance du travail de base dans tous les pays, dans la création de petits espaces d’autonomie et dans le tissage de toutes les luttes « plus aucune lutte ne doit rester isolée .»





À la fin de la rencontre, les auxiliaires à l’étranger ont exprimé leur volonté de « rester attentifs à la décision de continuer leur parcours indépendamment de la collecte des signatures » et « de s’articuler avec l’agenda et la tâche du Conseil Indigène de Gouvernement tout en tissant des ponts entre la communauté mexicaine à l’étranger (…) afin de vaincre l’apathie ou l’indifférence face au terrible panorama de violence dans le pays. »





La liste des auxiliaires du CIG à l’étranger organisé.e.s autour de Con Marichuy Sin Fronteras se trouve ici.

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