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domingo, 17 de marzo de 2013

DOSSIER : “L’électricité : un service public !”




Essor du processus de Résistance Civile contre les tarifs surélevés de l´électricité au Chiapas

Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile :« stop aux coupures d’électricité et à la répression de la CFE » © SIPAZ
Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile :« stop aux coupures d’électricité et à la répression de la CFE » © SIPAZ
Depuis un autre front de lutte, selon l'article du Journal "La Jornada" de juin, les mouvements sociaux de résistance aux tarifs appliqués par la Commission Fédérale d'Electricité (CFE) ont augmenté au Chiapas : aujourd´hui 40% des usagers refusent de payer. Le total des dettes accumulées du fait de ce non paiement dépassa les 780 millions de pesos (environ 40 millions d'Euros) en mai dernier.

Les raisons du non paiement

Ceux qui se refusent à payer peuvent le décider à titre individuel ou du fait de leur appartenance à une organisation ou une autre (certaines d'entre elles ont beau être en conflit, elles partagent pourtant cette même bannière de lutte). Les bases de soutien zapatistes ne payent pas l'électricité depuis 1994, comme un élément de leur mouvement de résistance générale face au gouvernement. Ils la revendiquent comme propriété collective de la nation et en exigent donc une redistribution publique.
Dans d'autres cas, les principales raisons avancées pour ne pas payer sont les suivantes :
  • Les principaux barrages hydroélectriques du pays se trouvent au Chiapas qui produit 50% de ce type d'énergie au Mexique. Il existe cependant des milliers de communautés indiennes qui n'ont pas l'électricité, ou qui payent des quantités excessives pour l'avoir.
  • Au Chiapas, la CFE peut facturer de 120 à 300 pesos voire plus à un foyer dans une communauté indienne (ce qui représente de 13 à plus de 100 dollars par mois environ, bien plus que ce qu'un foyer urbain paie), alors qu'il n'utilise que 3 à 5 ampoules. En s'accumulant, les factures atteignent des quantités tout simplement impossibles à payer pour beaucoup.
  • De fréquentes irrégularités dans la tension de l'électricité fournie endommagent les appareils électroménagers. De plus la mesure de la consommation électrique ne s'effectue pas dans les communautés, ce qui empêche toute vérification et peut expliquer les différences de montant entre voisins.

Répression et programmes d'aide du gouvernement

Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile :« stop aux coupures d’électricité et à la répression de la CFE » © SIPAZ
Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile : « Une vie meilleure : pour qui ? (facture d'une entreprise / facture des communautés indigènes et paysannes) » © SIPAZ
Lorsqu'elles décident de ne plus payer, les communautés doivent souvent faire face à des situations de harcèlement de la part de la CFE ou de la police. Par exemple, on dénonçait récemment "dans les municipalités de Venustiano Carranza, Villa las Rosas, Amatenango del Valle, Comitán, Chanal, Tzimol, Socoltenango et Teopisca, on a enregistré au cours des derniers mois une escalade de la répression et un harcèlement intensif qui se traduit par de nombreuses coupures d'électricité et le démantèlement des poteaux électriques et appareils de mesure, ainsi que par des menaces de la part de la police et des autorités municipales". Au-delà du thème de l'électricité, les personnes en résistance dans ces municipalités unissent aussi leurs forces autour de la défense de leurs terres et territoires, le rejet des partis politiques et l'opposition aux méga-projets qui pourraient les affecter.
D'un autre côté, les gouvernements fédéral et du Chiapas ont eu beau répondre au mécontentement populaire vis-à-vis des tarifs de l'électricité en mettant en place des programmes qui accordent des moratoires et des subventions pour faire face aux dettes, ils n'ont à ce jour pas réussi à résoudre la problématique.
Dans le cas du Chiapas, le gouvernement de l'état a lancé en 1995 le programme « Una Luz Amiga » (Une Lumière Amie). De 2003 à septembre 2008, c'est le programme "Vida Mejor" (Une Vie Meilleure) qui a été appliqué, et suite à sa clôture le gouvernement actuel a annoncé une prolongation des subventions pour 280 millions de pesos, par le biais du programme « Luz Solidaria » (Lumière Solidaire).
La suspension ou menace de suspension de programmes d'aide sociale promus par le gouvernement comme « Oportunidades » (Opportunités, programme destiné aux mères) faute de présenter les factures d'électricité dûment payées ont aussi été dénoncées de manière récurrente.

Processus d'organisation au Chiapas

Logo de Peuples Unis en Défense de l’Energie Electrique - PUDEE © SIPAZ
Logo de Peuples Unis en Défense de l’Energie Electrique - PUDEE © SIPAZ
Il existe actuellement au Chiapas au moins deux grands mouvements de résistance contre les tarifs surélevés de l'électricité : Peuples Unis en Défense de l'Energie Electrique (PUDEE), principalement dans la zone Nord du Chiapas ; et le Réseau Etatique de Résistance Civile "La Voix de Notre Cœur ", avec une forte présence dans les municipalités du Centre, des Hauts Plateaux et une partie de la zone Nord du Chiapas.
Le Réseau Etatique de Résistance Civile "La Voix de Notre Coeur " s'est formé en 2006, bien que de nombreuses communautés membres de ce dernier étaient déjà en résistance depuis longtemps auparavant. Il compte parmi ses principes : lutter pour le droit à l'électricité, la défense de la terre et des territoires, l'unité et la solidarité et refuser de payer l'électricité jusqu'à ce que les Accords de San Andrés sur les Droits et la Culture des Indiens soient respectés. En tant que Réseau, il fait également partie de l'Autre Campagne, une initiative convoquée par l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) en 2005.
Les communautés membres du Réseau se réunissent en assemblée tous les deux ou trois mois via leurs représentants et représentantes qui s'informent mutuellement sur ce qu'il se passe dans leurs régions respectives, émettent des déclarations publiques ou définissent des actions conjointes (marches, participation à des journées nationales de protestation et de solidarité, ateliers).
Les ateliers permettent la formation de 'promoteurs d'électricité', qui grâce au soutien de travailleurs solidaires du Syndicat Mexicain des Electriciens (SME) se forment au " maniement du système de distribution d'électricité". Ces formations leur permettent de réaliser "des travaux de maintenance communautaire, les reconnections et les extensions du réseau électrique à partir des ressources économiques dont ils disposent et du travail communautaire. Cette situation [...] commence à offrir une solution à un problème concret qui affecte particulièrement les communautés ; le manque d´électricité du fait des coupures, les mauvais services de la part de la Commission Fédérale d'Electricité ou les installations défaillantes étant monnaie courante dans les communautés indiennes et paysannes ".

... et dans d'autres états.

Logo de Peuples Unis en Défense de l’Energie Electrique - PUDEE © SIPAZ
Logo de Peuples Unis en Défense de l’Energie Electrique - PUDEE © SIPAZ
Le Réseau Etatique du Chiapas forme également partie du Réseau National de Résistance Civile contre les tarifs surélevés de l'électricité, un mouvement qui a pris forme en mai 2009 à San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, en réunissant des organisations et communautés des états de Oaxaca, Veracruz, Campeche, Guerrero, Chihuahua, Chiapas et du District Fédéral de Mexico.
Tout comme les communautés du Chiapas, les autres membres du Réseau National de Résistance Civile ont fait face à une augmentation de leurs factures d'électricité qui les a décidés à s'organiser. Ils ont également dû affronter des tentatives d'intimidation de la part des employés de la CFE et des autorités. Mais cela va même plus loin que du harcèlement, leur lutte pour un tarif juste fait l'objet d'une criminalisation justifiée légalement.
Par exemple, des mandats d'arrêt ont été lancés contre certains membres de l'Union des Communautés Indiennes de la Zone du Nord de l'Isthme (Unión de Comunidades Indígenas de la Zona Norte del Istmo, UCIZONI). Dans un autre état, celui de Campeche, une femme et deux hommes du mouvement de résistance de Candelaria sont en prison. Les charges qui leur sont imputées sont liées à une action de résistance civile pacifique qui remonte à septembre 2008, alors que la CFE voulait leur couper l'électricité, ce qu'ils ont réussi à empêcher en négociant avec le responsable local de l'entreprise. Ils racontent "Cependant, le jour-même, le représentant légal de cette entreprise parapublique (...) a présenté une demande pénale auprès de la délégation du Bureau du Procureur Général de la République (PGR) (...) pour les délits d'entrave aux travaux ou services publics et d'autres délits à l'encontre de fonctionnaires fédéraux » impliquant 33 personnes du mouvement de résistance.
Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile :« stop aux coupures d’électricité et à la répression de la CFE » © SIPAZ
Banderole d’une manifestation du Réseau Etatique de Résistance Civile : « campagne nationale contre la CFE. Non aux mégaprojets ! Non à la privatisation de l'énergie ! » © SIPAZ
Amnesty International a dénoncé l'absence de fondement des charges présentées. Par le biais d'un Appel Urgent émis à la mi-juillet 2009, cette organisation a exigé « de mettre fin à l'usage indu du système de justice pour présenter des charges pénales non fondées ou disproportionnées contre des activistes sociaux ou des défenseurs des droits humains qui mènent des actions de protestation légitimes et pacifiques ». Plusieurs organismes des droits humains mexicains s'accordent pour dire que la résistance civile contre les tarifs surélevés de l'électricité est une lutte pour la défense d'un droit humain fondamental et se sont donc joints à l'exigence de leur libération.

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