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domingo, 17 de marzo de 2013

La démocratie zapatiste

Suite de l´article:L´autre Démocratie Zapatiste. J.P. Petitgras.






2/ L'assemblée de la communauté indigène zapatiste : son rôle et son fonctionnement

Lors des « 2èmes Rencontres avec les peuples du mondes »,organisées par les communautés zapatistes au cours de l'été 2007, celles-ci ont apporté des explications claires sur leur organisation, et le fonctionnement de leurs assemblées.
Etant collectivement propriétaires (il vaudrait mieux dire « responsables ») du territoire de leur communauté, ses membres sont placés dans une situation, comment dire, « objective » d'égalité et de co-responsabilité.

Par ailleurs, de nombreux éléments de leur culture, de leur cosmovision, y compris de la structure de leurs langues, des traditions viennent conforter ce refus de la hiérarchie, cette affirmation d'une égalité de condition et de droits entre les individus. On peut citer à ce propos, parmi bien d'autres exemples relevés par des historiens, la coutume consistant à confier à une personne qui s'était enrichie dans le cadre de son activité (commerce, etc.) la charge de mayordomo, c'est à dire de responsable de l'organisation des fêtes religieuses dans la communauté. Cette charge représentait à la fois un honneur, une reconnaissance, mais aussi beaucoup de frais, pour la personne ainsi honorée, qui devait payer de sa poche les dépenses liées aux multiples fêtes (feux d'artifice, boissons, nourriture, etc.), et se retrouvait « à sec » à la fin de l'exercice de sa charge... Une façon élégante d'empêcher que les disparités sociales s'installent dans le village, non ?

L'assemblée a pour objet l'organisation de la gestion collective de ces biens communs : des biens fonciers, c'est à dire les terres, ainsi que les bois, les cours d'eau et les sources, les ressources qui s'y trouvent. Mais également les biens immatériels : la vie culturelle, religieuse et festive, les rapports sociaux, la transmission des savoir, la santé, la sécurité, etc.

Les terres, dans les zones rebelles zapatistes, sont soit divisées en parcelles attribuées aux familles, transmissibles de père en fils ( chez les zapatistes une fille peut hériter d'une parcelle, mais ce n'est pas encore généralisé), mais bien évidemment inaliénables, c'est à dire que l'on ne peut les vendre ou les acheter, les soustraire au territoire de la comunidad. On a donc affaire à un droit d'usage, et non au droit de propriété.

Ou bien, les parcelles agricoles (les champs de maïs, de haricots, de riz ou d'autres cultures) sont cultivées collectivement, et les fruits des récoltes sont partagés au sein de la communauté. C'est le cas, généralement, dans les terres récupérées après le soulèvement de 1994.

La gestion des terres et des ressources, à laquelle il faut ajouter l'organisation du travail collectif (qui est la norme, même dans les zones où les parcelles sont individuelles), plus les questions sociales, politiques et culturelles, font donc l'objet de décisions communes, prises en assemblée pour les plus importantes.


La composition de l'assemblée :

Tous les membres de la communauté peuvent (et doivent, sauf raison particulière) y participer.
Hommes, femmes, enfants (tant qu'ils ne s'endorment pas...)

Le déroulement :

  • Tout le monde a le droit à la parole. Le principe de l'égalité entre les individus est très fort chez eux. L'idée que personne ne vaut plus qu'un autre semble l'évidence la plus élémentaire.

  • En général, c'est une « autorité », ou bien un membre de la communauté ayant un problème particulier à poser, qui présente le débat.

  • Ensuite, vient un moment où tout le monde, quasiment, parle. On peut avoir l'impression d'une confusion.

  • Puis c'est de nouveau un ancien, une autorité, qui prend la parole pour tenter d'exprimer l'avis général : « la communauté pense que... »

  • Il peut être approuvé, ou contesté dans sa synthèse. Dans le premier cas, un « accord », verbal, est pris. Cette décision fera office de loi jusqu'à la prochaine assemblée. Pas besoin de procès-verbal, de papier, d'huissier ou de caméra vidéo. La parole est sacrée.

  • Dans le deuxième cas, s'il y a contestation, la discussion reprend de plus belle. Si on arrive à un consensus, la décision est prise.

  • Dans le cas contraire, on ne prend pas de décision, on la remet à plus tard. Il n'y a pas de vote, pour passer en force, ni à 50,01%, ni à 75%... La cohésion de la communauté demande le consensus, l'unanimité, et refuse la division, y compris celle qu'engendrerait l'imposition d'une décision de la majorité sur une minorité. 

  • Les décisions concernent quasiment tout : désignation des charges de responsabilités (les cargos dont on a parlé), organisation du travail collectif, questions de solidarité, d'éducation, plus les différends et conflits éventuels, qu'il est important de régler, et bien sûr tout ce qui concerne l'implication de la communauté dans la résistance et la construction de l'autonomie. Ceci au niveau local, à celui des « municipios » (municipalités) autonomes, et des Conseils de Bon Gouvernement.

  • La recherche de l'harmonie est une constante, à la fois au sein de la communauté et à l'échelon des relations de voisinage : le compromis est souhaité pour tout conflit interne ou externe (territoire, contestation, comportements vus comme répréhensibles ou nuisibles : par exemple coupe de bois vert, coupe de bois près d'une source, vol éventuel).

  • Tout le monde connaît tout le monde, dans des communautés assez réduites (quelques centaines d'habitants au maximum). On ne parle donc pas pour s'assurer une position dominante, ou pour épater la galerie. Répétons-le, la vision qui domine est celle de l'intérêt commun, bien réel, et qu'il faut préserver et renforcer. Dans un système où les moyens de production (les terres) ne sont pas privés, et où les responsabilités sont rotatives et peuvent faire l'objet d'une révocation, ce mode de fonctionnement paraît naturel et logique.

  • L'assemblée peut durer longtemps. Les gens sont rompus à ce genre d'exercice, car ils passent énormément de temps à parler ensemble.

  • La participation des femmes, et d'autres facteurs non négligeables, comme l'absence de consommation d'alcool, sont des éléments qui viennent renforcer leur efficacité. La gaieté cohabite avec le sérieux, dans ce genre de réunions.

  • Dans les communautés zapatistes, les activités liées à la résistance, aux conflits multiples avec les autorités officielles (l'occupation militaire, avec 60 000 soldats, et la pression policière, qui multiplie les provocations), qu'elles soient locales, régionales (l'état du Chiapas, dirigé par le gouverneur « de gauche » Juan Sabines) ou nationales (au niveau de l'état fédéral, dirigé par l'extrême droite Felipe Calderón), ou encore avec les villages non-zapatistes (priistes, perredistes, voir paramilitaires, car le conflit autour des terres est aigu, le gouvernement proposant de redistribuer les terres occupées après 1994, en parcelles privées), rendent ces palabres et ces assemblées plus qu'indispensables.

Quelques conclusions :

  • Le résultat de ces pratiques, c'est la force de la pensée collective, des questions réfléchies ensemble, et des décisions appliquées une fois prises.
  • Il est difficile de s'expliquer autrement la résistance que sont capables d'opposer les communautés et les organisations zapatistes à la guerre de basse intensité que leur livre le pouvoir depuis 15 ans.
  • Cet auto-gouvernement zapatiste, qui est certainement loin d'être parfait, représente à la fois la récupération d'une tradition (que d'autres communautés ont abandonnée ou dévoyée, sous la pression notamment des manoeuvres de division opérées par les différents pouvoirs, externes et internes, des illusions engendrées par un progrès qui n'en est pas un, de la soumission à l'état providence, qui n'a pourtant jamais raté une occasion pour les mettre au pas) et un énorme effort d'imagination et de construction. Pour refaire l'autonomie dont les indigènes ont besoin, s'ils veulent continuer à être ce qu'ils sont, à mener la vie qu'ils considèrent comme seule souhaitable, sur ce qu'ils ont de plus cher : leurs terres communes.

On pourrait conclure par quelque chose comme : la démocratie (le pouvoir du peuple) ne peut exister que si une population l'exerce réellement et directement : pour cela il lui faut partir d'en bas, ne pas déléguer, s'appuyer sur sa culture, sur une égalité concrète entre les individus, sur la gestion collective et solidaire de ses biens les plus précieux, ceux qui rendent la vie possible et belle. C'est à mon avis la leçon que l'on peut tirer de l'expérience zapatiste.








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