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jueves, 12 de septiembre de 2019

Les zapotèques en résistance contre les mégaprojets éoliens

RISQUE DE SIMULATION JURIDIQUE
Consultation éolienne à Unión Hidalgo, Oaxaca

Par Josefa Sánchez Contreras et Adrea Manzo
Diffusé dans @Auto Media Enervé
Paru dans Ojarasca, complément de la Jornada, Mexique. Traduction autogérée par M et G.

La consultation des peuples indigènes, selon la convention 169 de l’OIT, a lieu dans un entrelacement de relations capitalistes extractivistes. Cette consultation se présente comme une opportunité juridique dans l’échafaudage de réformes structurales approuvées ces dernières années en matière d’hydrocarbure, d’énergie, de produits miniers et de sécurité interne. La municipalité binnizá d’Union Hidalgo avec ses 11 mille 317 ha de terres communales se trouve au centre de ce scénario. Déjà la moitié de ses terres ont été laissées à des entreprises d’aérogénérateurs.



Actuellement, le parc d’éoliennes Piedra Larga de Demex (Développement aéro-énergétique de Mexico), filiale de l’entreprise espagnole Renovalia Energy, est en activité, alors même qu’EDF Énergies Nouvelles a l’intention de construire le parc d’éoliennes « Gunaa Sicaru » sur 4 mille 400 ha de la plaine qui se trouve au nord de l’estuaire avec une inversion de 600 millions de dollars annuels.
Ils sont pressés de construire le parc éolien ; nous le discernons à travers la consulta qu’ils veulent réaliser au sein de Ranchu Gubina, malgré l’absence de conditions, physiques, politiques et économiques, permettant qu’elle soit libre, préalable, informée et culturellement adéquate, ceci, malgré le fait que la situation de la population binnizá, suite au séisme de magnitude 8.2 du 7 septembre 2017, a accentué et aggravé la crise économique et politique de la région.

Les investissements d'EDF ont entraîné une violence génocidaire contre le peuple Binniza au Mexique"


Les comuneros (liste des membres actifs participants aux assemblées agraires liées aux terres communales), les femmes de Gubiña en défense du territoire, les organisations indépendantes et divers collectifs ont fait savoir lors de la réunion du 12 février 2018 avec le directeur général des impacts sociaux qu’il n’existait pas de conditions pour la consultation, étant donné l’urgence de la reconstruction des logements et les conditions de travail difficiles.

La situation est tendue et complexe face à l’empressement que manifestent les petits propriétaires et les autorités municipales pour la réalisation de la consulta et l’installation du parc éolien.

Les comuneros signalent que la procédure de consultation n’a pas respecté le caractère « préalable » qu’elle doit avoir, dans la mesure où cela fait deux ans que EDF s’accapare des terres communales sans le consentement de leur assemblée, et qu’elle a consolidé et renforcé ses relations avec les petits propriétaires, passant sous silence le caractère communal du territoire : un mépris de plus envers les droits concernant les terres communales et la libre détermination.

Ce désaccord entre comuneros et petits propriétaires est grave et connaît des antécédents. En 1964, la Résolution Présidentielle concernant la Titulation de Biens Communaux reconnaît et attribue 68.112 ha à la municipalité zapotèque de Juchitán de Zaragoza et ses annexes : Xadani, La Ventosa, El Espinal, Chicapa de Castro et Unión Hidalgo.

La vie de la communauté agraire via l’assemblée populaire n’a duré que 14 années. La dernière session s’est déroulée en 1978 et le changement des autorités a eu lieu au sein de conflits importants traversant le mouvement national des paysans s’opposant au régime corporatiste du Parti Révolutionnaire Institutionnel.

Ces années ont vu la naissance de la Coalition Ouvrière Paysanne Estudiantine de l’Isthme (COCEI). Son projet politique était lié au pouvoir municipal, alors que la question agraire avait été mise de côté.

La violence a atteint son apogée avec la disparition forcée de Victor Pineda Henestrosa, le massacre d’enfants, jeunes et paysans, dans les alentours de Juchitán, ainsi que les affrontements entre paysans et propriétaires terriens, faisant partie de la répression systématique de la population paysanne, de cette guerra sucia , de cette sale guerre, initiée par l’État mexicain.

Ces années de troubles et de conflits expliquent l’instabilité agraire actuelle avec une assemblée qui n’a pas été convoquée depuis 1978 et l’absence d’un commissaire de biens communaux.
Avec la COCEI au pouvoir municipal, la communauté agraire ne s’est pas reconstituée ce, qui a entraîné la fragmentation des terres communales, occasionnant ainsi un déferlement de petites propriétés nées des dynamiques agraires arbitraires et tyranniques.

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Archive : El Imparcial de Oaxaca, le 3 septembre 2017 « Ensemble nous serons victorieux ; Ne vend pas mon future ; Femmes indigènes en défense de la vie. »

Quarante années se sont écoulées depuis la dernière assemblée et le dernier commissaire de biens communaux. Les terres de Juchitán ont été démantelées et 12 parcs éoliens sont implantés au sein d’un vaste territoire plat et venté.

A la lumière de cette situation désavantageuse pour les peuples, l’annexe agraire que forme Unión Hidalgo a rétabli son assemblée communale et nommé le représentant des biens communaux, exerçant ainsi son autonomie et sa libre détermination. Chaque mois a lieu l’assemblée ordinaire durant laquelle les participant.e.s sont informé.e.s des litiges qui ont débuté avec la défense du territoire :
  • Un procès contre DEMEX : nous soutenons que les contrats signés avec DEMEX sont illégaux puisqu’ils concernent des terres communales et non des terres privées.
  • Un litige depuis trois ans ayant pour cause un conflit territorial avec Niltepec et San Miguel Chimalapas, au bout duquel le Tribunal Unitaire Agraire de Tuxtepec, Oaxaca, a émis une sentence en faveur d’Unión Hidalgo durant le mois d’octobre dernier.
  • Un autre conflit limitrophe avec San Dionisio del Mar, où le problème central se concentre sur l’existence d’une concession minière de la Coopérative La Cruz Azul (marque de ciment) s’étendant sur 2.660 ha, et qui prévoit de s’agrandir étant donné la hausse des demandes en ciment suite à la reconstruction après le séisme dévastateur de septembre 2019.
Dans ce contexte général, la consultation n’est en fait qu’un prétexte protocolaire qui accompagne l’installation des parcs éoliens. La fragmentation de la communauté due à la sale guerre paraît préparer le terrain pour la mise en place des éoliennes. Les comuneros et organisations sociales dénoncent la non-viabilité du processus de consultation étant donné le manque de conditions juridiques, politiques, sociales et matérielles qui respecteraient les accords et normes nationales et internationales.

Malgré les efforts afin de reconstruire le territoire communal, et face à l’inertie des partis politiques à la veille des élections municipales et fédérales, l’idée de profit liée à la violence du crime organisé et à celle du séisme, à la militarisation aussi, convertit ce processus de consultation favorisant les intérêts des entreprises à un pillage du territoire.

L’assemblée des comuneros se souvient de la consultation concernant l’installation Éolicos del Sur qui eut lieu Juchitán en 2013, et qui a violé tous ses principes et bafoué les droits du peuple binnizá en faveur des propriétaires terriens.

A tout cela s’ajoute la violation du droit à la libre détermination avec l’imposition des parcs éoliens sur des territoires communaux exploités par Demex sans aucune consultation anticipée. Par ailleurs un permis administratif est attribué à Éolica d’Oaxaca avec des dates précises concernant les débuts de la construction, avant même de réaliser le processus de la consultation.

D’autres antécédents ont été dénoncés par l’avocate Silvia Rui suite à son enquête sur les consultations appliquées auprès de la tribu yaqui, concernant l’aqueduc Independencia, l’hydroélectrique Agua Zarca en Honduras, le barrage Choxoy au Guatemala, le barrage hydroélectrique Maranon au Pérou, la centrale hydroélectrique Neltume au Chili et le barrage Belo Monte au Brésil. Tous ces cas ont démontré que la mise en application de la consultation des peuples indigènes est une composante de cette simulation juridique qui légitime la spoliation des territoires associés aux peuples d’Amérique Latine.

Cette enquête ne nie pas la défense du territoire, bien au contraire. Elle trace les limites et possibilités juridiques face à l’accumulation basée sur l’exploitation, dont la poursuite conditionne le cadre légal de l’économie capitaliste du XXIème siècle, convertissant en simulation juridique une pratique où devaient s’exercer les droits à l’autonomie et la libre détermination des peuples indigènes.

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