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viernes, 14 de diciembre de 2012

Message des peuples du Chiapas à la Sté Civile Canadienne


DEMANDE du Peuple croyant du Chiapas À la société civile canadienne

Près de 20 000 indigènes de différents éthnies du Chiapas se sont réunies en ce jour, 25 janvier 2013, à San Cristobal de Las Casas. Venant de différentes partie de l'état du Chiapas, des dizaines de milliers d'indigènes ont quitté leur communauté pour rejoindre différentes marche autour de San Cristobal de Las Casas, et se retrouver autour de la cathédrale pour une messe.

Ces derniers ont effectué différentes demandes durant leur marche et la messe, contre l'installation des mines dans l'état du Chiapas, pour la liberté du prisonnier politique Alberto Patishtan, pour le droit des peuples autochtones, et ont lu à la fin de la cérémonie un communiqué adressé à la Société Civile du Canada.

Ce communiqué dénonce l'emprise des sociétés minières au Chiapas et au Mexique, et en appelle aux autorités et à la Société Civile Canadienne.

Le peuple Croyant est une formation de diverses éthnies réuni autour de l'église catholique, qui fut inspiré par Samuel Ruiz, et aujourd'hui autour de Raul Vera (défenseurs de la théologie de la libération).

Diocèse de San Cristobal de las Casas, Chiapas, Mexique.


Le 25 janvier 2013.



Monsieur STEPHEN HARPER
Premier Ministre du Canada.

Madame SARA Hradecki, 
Ambassadrice du Canada au Mexique.

À la société civile canadienne.




Les communautés autochtones et rurales, les instances ecclésiales et les différentes zones pastorales de notre diocèse organisées comme « Peuple croyant » et motivées par la Lettre pastorale du Pape Benoît XVI (« Si tu veux la paix, protège la création »), en exercice du droit de pétition consacré par l’article 8 de la Constitution des États-Unis du Mexique, nous vous écrivons pour exprimer notre désaccord face aux divers projets promus par les gouvernements à différents niveaux, ainsi que par les entreprises multinationales qui portent atteinte à la « Madre Tierra » (notre Mère la Terre) et à nos territoires.
Actuellement, les peuples autochtones et les communautés rurales et paysannes du Mexique et du monde entier sont gravement menacés par différents projets. Parmi ceux-ci se trouvent les projets d’exploration et d’exploitation minières. Au cours des 15 dernières années, l’agression des entreprises minières s’est intensifiée rapidement. Dans notre seul pays, selon les statistiques du ministère de l’Economie, on a otorgué plus de 32 millions d’hectares en concessions minières, ce qui représente plus de 16 pour cent du territoire national.

Ces attaques servent un modèle de production qui favorise l’acquisition et l’accumulation des richesses au bénéfice d’un nombre limité de personnes sans prendre en compte la vie des personnes et des communautés. Sous couvert de l’argument du développement, les projets miniers promettent des emplois, des services publics, des projets productifs et respectueux de l’environnement. Historiquement cependant, ils n’ont impliqué pour les peuples qu’une traînée de mort, de pauvreté, des dommages irréversibles à l’environnement et à la santé, la polarisation sociale et la division au sein des communautés, entre autres dommages.
 
Dans le cas du Chiapas, plus de la moitié des concessions d’exploration et d’exploitation de minéraux ont été accaparées par quatre sociétés transnationales canadiennes qui ont obtenu des permis dans 29 municipalités du Chiapas, ce qui représente plus de 656 197 hectares, dont 223 954 hectares sont des concessions pour 50 ans.




Il faut souligner que ces autorisations sont accordées à des endroits stratégiques, tels que la région de la Sierra où se trouve des sources d’eau qui alimentent différentes communautés, ou bien tels que des forêts particulièrement riches en biodiversité. Ces projets représentent une menace latente de pollution des ressources naturelles, ce qui pourrait mettre sérieusement en danger la vie des habitants eux-mêmes, comme c’est le cas à l’heure actuelle dans d’autres états mexicains comme Guerrero, San Luis Potosí, Oaxaca, entre autres.
 
Compte tenu de cette situation, en tant que Peuple croyant, nous souhaitons exprimer notre désaccord face aux décisions de nos dirigeants qui accordent des concessions d’exploration et d’exploitation des ressources minérales, sans information préalable et sans consulter nos peuples, ce qui viole les droits humains les plus fondamentaux reconnus dans les lois nationales et les instruments ratifiés par le gouvernement mexicain: la loi fédérale sur l’équilibre écologique et la protection de l’environnement, Article 1: «Tous les membres de la communauté ont le droit de vivre dans un environnement propice à l’épanouissement, la santé et le bien-être, raison pour laquelle on devra prendre soin de la terre, de l’eau, de l’air et d’autres ressources naturelles contre toute forme de pollution pour que les générations futures puissent continuer à en jouir». Le Protocole de San Salvador, article 11: «Toute personne a droit à un environnement sain et aux services publics de base ». La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, article 19 «Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

 

». La Convention 169 de l’OIT, article 15: « Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources.

». La Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, article 25, «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille».

Nous sommes conscients que les projets miniers appauvrissent nos terres et les rendent stériles et contaminées, inutilisables pour la production de nos aliments. En ce sens, la situation est contraire à la prétendue Croisade Nationale contre la Faim lancée par notre gouvernement.




Pour la défense de la vie, de nos espaces sacrés, nos forêts, rivières, montagnes, sources, et pour nos enfants, nous DEMANDONS:

À la société civile: Nous vous demandons de prendre conscience des souffrances endurées par les communautés affectées par les mines et de faire pression sur vos dirigeants quant à ce thème.

Aux investisseurs, entrepreneurs et leurs partenaires dans les projets miniers : de prendre conscience que les bénéfices de ces projets passent par la perte de la vie, les conflits communautaires, les divisions, la militarisation et la contamination de l’eau et de la terre qui est sacrée pour notre peuple .



Au Gouvernement et aux membres du Congrès:
UN.- De mettre fin à tous les projets miniers canadiens dans notre pays où les communautés sont contre le modèle d’extraction pour les risques qu’il représente.




DEUX.- De proposer et d’adopter des lois interdisant les projets d’investissements miniers générateurs de destruction de l’environnement, de corruption du pouvoir et de la violation de droits humains individuels et collectifs dans notre pays.




TROIS.- Que les autorités canadiennes collaborent avec le gouvernement mexicain afin de clarifier les assassinats de militants qui s’opposaient à des projets miniers.



QUATRE.- De respecter les procédures de consultation communautaires, qui sont une pratique ancienne des peuples permettant la participation et la prise de décision collective.




CINQ-. De nous confirmer que vous avez reçu cette lettre en nous informant dès que possible de ce qui suit, ceci à l’adresse du bureau du Vicaire de Justice et Paix du diocèse de San Cristobal de las Casas, Chiapas.




CORDIALEMENT, LE PEUPLE CROYANT DU DIOCÈSE DE SAN CRISTOBAL DE LAS CASAS, CHIAPAS.

 


miércoles, 12 de diciembre de 2012

Comuniqué abejas autonomia 20 ans

Communiqué de Las Abejas à 20 ans de la création de l’organisation et à 15 ans du massacre d’Actéal

14/12/2012


Pour plus d’informations, voir le blog de Las Abejas ici
Page spéciale pour les 20 ans des Abejas: ici



Organisation de la Société Civile “Las Abejas”

Terre Sacrée des Martyrs d’Actéal

Actéal, Chenalhó, Chiapas, Mexique.

10 décembre 2012

A l’opinion publique,
Aux moyens de communication de l’État, nationaux et internationaux,
Aux médias alternatifs,
A la sixième internationale,
Aux adhérents de l’autre Campagne,
Aux organisations indépendantes,
Aux défenseurs des droits de l’homme non gouvernementaux.

Frères et Sœurs,
C’était un jour comme celui-ci, il y a 20 ans, que naissait notre Organisation Las Abejas. Ce jour est également le jour de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Avec ces évènements historiques, nous venons donner notre parole…

Le 10 décembre 1992, 5 compagnons de la communauté de Tzajalch’en ont été emprisonnés injustement par le gouvernement municipal, complice du gouvernement de l’État du Chiapas, pour un homicide qu’ils n’avaient pas commis, leur unique délit était de critiquer le gouvernement, organiser le peuple opprimé, défendre la vie, la justice et les droits de l’homme. Á cette époque, comme aujourd’hui, les droits de l’homme n’étaient pas respectés. La violence et la violation des droits de l’homme étaient la loi du quotidien, et pire encore était le traitement fait aux peuples originaires.

Voyant la violence, l’injustice, l’expropriation de nos terres, territoires et ressources naturelles, et la violation des droits de l’homme contre notre peuple, nous nous sommes organisés, nous avons assemblé nos forces et nos cœurs, et avons donc créé le mouvement social « Las Abejas« . Dès le début nous avons décidé qu’il s’agirait d’une organisation pacifiste avec pour mission de défendre et protéger la vie, construire une vraie justice pour qu’existe la paix. Et exiger du gouvernement mexicain qu’il respecte les lois mexicaines, traités et écrits internationaux en matière de droit de l’homme, et par-dessus tout, le respect des peuples originaires du Mexique.

Aujourd’hui, à 20 de la lutte et du parcours des Abejas, nous demandons au gouvernement mexicain: comment va la situation actuelle des droits de l’homme au Mexique en comparaison avec celle d’il y a 20 ans? Nous voyons que la situation des droits de l’homme était différente il y a 20 ans, sur la manière dont étaient violés les droits de l’homme, aujourd’hui ces mêmes droits de l’homme sont violés d’une autre manière, mais bien pire et avec cynisme.

Il y a 20 ans, nous, Las Abejas, nous croyions en la démocratie institutionnelle (nous avions espoir que les gouvernants et les partis politiques nous écouteraient, afin que soient respectés les peuples indigènes).Cependant, tout cela fut une illusion. Mais nous avons appris beaucoup de ces mensonges et tromperies, et grâce à eux, nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui. Maintenant, nous ne croyons plus en aucun parti politique, ni en aucun gouvernement imposé depuis le haut. Les hommes et les femmes de Las Abejas que nous sommes, avons nos pensées et nos cœurs plus grands. Notre lutte et la construction de notre autonomie s’est accru et avance. Á 20 ans de la naissance de Las Abejas, nous ne demandons pas l’autorisation au mauvais gouvernement sur la manière dont nous voulons vivre, lutter, protéger notre Terre Mère, nos territoires et ressources naturelles.

Á 20 de Las Abejas, nous voyons qu’au Chiapas et au Mexique n’existent pas les [bonnes] conditions de vie, il n’y a pas un état de droit. Compagnes et compagnons, nous sommes tous gardiens de la mémoire, ayons tous à l’esprit que notre Mexique actuel saigne, que les responsables des guerres et des crimes sont libres, vivent dans l’impunité, sous couvert de l’État même. Il y a quelques jours Felipe Calderón est parti, laissant plus de 90 000 morts et 10 000 disparus à cause de sa « guerre contre le crime organisé », pour son crime et le saccage de notre pays, ce monsieur ne sera pas oublié par les fils et filles du Mexique afin qu’il soit jugé pour toute sa responsabilité. Et maintenant, qu’attendons-nous de l’actuel Président, Enrique Peña Nieto, imposé par Televisa, TV Azteca et d’autres corporations néolibérales, de ce monsieur qui est littéralement un pantin? Que peut-il offrir au peuple du Mexique, alors que l’on sait qu’il ne sait rien faire d’autre que réprimer et emprisonner les membres des mouvements et organisations sociales? Nous disons à Peña Nieto et à son cabinet, que le peuple a une mémoire, qu’Actéal n’oubliera jamais ce qui a eu lieu il y a tout juste 15 ans ce mois-ci, son équipe de gouvernement a beaucoup à se reprocher…

Le peuple mexicain est témoin de ce que nous disons, à peine Peña Nieto était-il critiqué que, comme le veut la coutume des mauvais gouvernements, pour « garantir la paix et la stabilité sociale », il a fait usage de la force publique de manière abusive, en réprimant les manifestants qui lui criaient « démocratie », « justice », etc. C’est avec cette violence systématique qu’il menace le droit de protester et interdit la libre expression. De plus, ce scénario de Peña Nieto du 1er décembre est un véritable avertissement pour le peuple mexicain et les organisations sociales anti-systémiques, sous son mandat, personne ne peut protester, qu’il n’est pas possible de s’opposer à son imposition et que nous devons nous soumettre à sa volonté.

On ne peut rien attendre de ces gouvernements, c’est pour cela que pour nous, comme nous l’ont dit nos frères et sœurs zapatistes, ce sont des « mauvais gouvernements ». Il n’y a pas de dignité de volonté et encore moins de respect en eux.

Ce que nous faisons et construisons dérange et incommode le mauvais gouvernement qui s’énerve, et quand il s’énerve, il envoie ses messagers déguisés d’une « peau de mouton » et nous offrent de l’argent, des couvertures usées, des petites maisons, etc. Leur objectif est d’empêcher d’exiger justice pour le massacre d’Actéal. Le mauvais gouvernement en retour, veut l’effacer de notre mémoire car il a honte de son crime d’État qui a massacré des femmes enceintes, des enfants pacifistes et innocents. En 2008, il a essayé de diviser notre organisation en achetant la conscience de certains de nos compagnons, mais malgré tout, nous l’avons surmonté. Et aujourd’hui, nous dénonçons catégoriquement qu’à quelques jours de la commémoration du XVè anniversaire du Massacre d’Actéal, jeudi 6 décembre de cette année, un paramilitaire qui se fait maintenant passer pour un représentant des survivants d’Actéal, Juan Oyalté Paciencia (qui devrait être en prison pour sa participation dans les faits qui ont précédés le massacre d’Actéal, mais grâce à la complicité des autorités judiciaires dans la guerre de contre-insurrection, aucun mandat d’arrêt ne fut appliqué contre lui), a ramené du matériel de construction avec l’aide d’un fonctionnaire d’État, et ils ont déchargé une partie du matériel au pied de la colonne de l’infamie d’Acteal Terre Sacrée. Immédiatement, près de 30 personnes, enfants, femmes et hommes, ont posé devant la colonne pour se laisser prendre en photos alors qu’ils sont en majorité des priistes, paramilitaires des communautés de Tzajalukum, Quextik, et Actéal Alto, qui se font passer pour des survivants du massacre d’Actéal, mais ils ne le sont pas.

Ce fait récent nous indigne c’est un affront au sang de nos frères massacrés. En même temps cela nous attriste de voir que nos propres frères et sœurs se laissent manipuler par le mauvais gouvernement, comme ils s’étaient laissés manipuler par les paramilitaires en 1997 lors du massacre d’Actéal.

Á 20 ans de la naissance de Las Abejas et à 15 ans du massacre d’Actéal, le mauvais gouvernement cherche à contrer notre commémoration et notre lutte, c’est pour cela qu’il leur est urgent de se prendre en photos à Actéal, pour faire croire que le gouvernement prend soin des survivants. Mais cela, il n’y arrivera jamais.

Nous savons que le gouvernement continuera avec sa politique de la peur, de contre-insurrection, de répression etc. Et nous devons être préparés et nous unir davantage entre mouvements et organisations sociales, c’est pour cela que nous vous rappelons que ce 20, 21 et 22 décembre nous avons rendez-vous à Actéal: leaders sociaux, défenseurs des droits de l’homme, autorités communautaires, collectifs indépendants, représentants des peuples originaires, étudiants, professeurs, et la société civile organisée, pour participer à la rencontre « Face à la Guerre d’Usure Intégrale à partager les processus organisationnels de lutte pour la défense de la vie, de la Terre et du Territoire. »

Avant de terminer, nous nous solidarisons avec les compagnons et compagnes réprimés et enfermés dans la ville de Mexico et de Guadalajara pour avoir protesté contre l’imposition d’Enrique Peña Nieto et nous exigeons leur liberté immédiate et inconditionnelle à toutes et tous!

Ainsi s’achève notre parole, (mais il y en aura plus dans le communiqué du XV anniversaire d’Actéal)

Vivent les 20 de lutte des Abejas et la construction de l’autonomie

Vivent les peuples autonomes

Vive la résistance civile et pacifiste

Cordialement,

La voix de l’Organisation Société Civile « Las Abejas »

Pour la Table Directive

Las Abejas

La Sociedad Civil "Las Abejas"

Histoire


L’histoire de «Las Abejas» a commencé en 1992, quand un conflit de terres entre membres d’une même famille a eu lieu dans la communauté de Tzanembolom, municipalité de Chenalhó. Un lot de terre reçu en héritage devait être partagé entre un frère et ses deux sœurs. Le frère n’a pas voulu partager avec ses sœurs pour être des femmes et il a voulu que celles-ci renoncent à leur droit héréditaire sur cette terre. Comme c’est la coutume, la communauté a réalisé une assemblée et a pris la décision de répartir la terre en trois parties égales. Le frère n’était pas d’accord avec la décision et il a promis une partie de la propriété à certains de ses amis (y compris d’autres communautés) s’ils l’aidaient. Ce groupe a commencé à menacer violemment le reste de la communauté.

En réponse, les habitants de Tzanembolom ont pris l’initiative de visiter les communautés voisines pour leur proposer de former une organisation qui leur donnerait la possibilité de se défendre en cas de possibles attaques. Le 9 décembre 1992, des représentants de 22 communautés se sont réunis à Tzajalchen pour former l’organisation «Las Abejas». Après la réunion, trois personnes furent attaquées par des hommes armés. L’une d’entre elles mourut et les deux autres furent gravement blessées. Au lieu d’arrêter les agresseurs présumés (le frère non conforme et ses amis), les autorités arrêtèrent cinq personnes qui avaient participé à la réunion sans mandat d’arrestation, les accusant d’être les responsables de la violence dans la région. Les prisonniers furent conduits à San Cristóbal de las Casas.
«Las Abejas» organisèrent alors un pèlerinage jusqu’à San Cristóbal où ils réalisèrent un sit-in sur la Place Cathédrale. «Pendant cinq jours, nous nous sommes rendus jusqu’à l’endroit où les prisonniers se trouvaient entre prières et musique autochtone. Après, cela d’autres frères et sœurs de Simojovel, San Andrés, Chalchihuitán et Pantelhó se sont joints à nous». Finalement, le bureau du Procureur de la Justice de l’état s’est vu dans l’obligation de relâcher les détenus pour faute de preuves.


«Las Abejas» expliquent leur nom de cette façon : «nous nous sommes unis en 1992 parce que nous sommes une multitude et que nous voulons construire notre organisation comme les abeilles construisent leur ruche, une organisation où nous travaillons tous, en collectif, et nous sommes contents des mêmes résultats, produire du miel pour tous. Tout comme les Abeilles, nous marchons unis, nous ne nous divisons pas et nous suivons notre reine qui est le Règne de Dieu. Nous savions depuis le départ que le travail allait être lent mais sur.»
Il existe également une autre interprétation quant à ce symbole de l’abeille «C’est un petit animal qui pique. Notre lutte est une lutte de piqûres pacifiques».
Depuis leur premier succès, «las Abejas» continuent à s’organiser. Elles sont désormais présentes dans 25 communautés de Chenalhó et ont 4000 membres, la grande majorité, des catholiques. Durant ces cinq années d’existence, «las Abejas» ont renforcé d’autres organisations dans la région : comités de santé, de droits humains, d’alternative pour la commercialisation et le stockage du café, des groupes de femmes et des groupes musicaux. D’un autre côté, «las Abejas» se maintiennent en résistance civile : ils ne payent pas l’électricité, ni l’impôt foncier, et ils ont décidé de ne recevoir aucun appui de la part du gouvernement tant que les Accords de San Andrés ne seront pas respectés et qu’il n’y aura pas une paix avec justice et dignité au Chiapas : «nous n’obéissons pas non plus aux gouvernements municipal et de l’état parce que nous ne les avons pas élu et qu’ils ne rendent pas la justice».




Las Abejas et les Zapatistes


Après le soulèvement zapatiste de 1994, «las Abejas» ont pris part aux Ceinturons de Paix (protection désarmée offerte par des civils) lors des négociations entre le gouvernement et l’EZLN. Mais «las Abejas» ne sont pas pour autant devenues zapatistes et elles ont décidé de rester un mouvement civil : «De la même façon que notre corps a deux yeux, deux mains et deux jambes, la société doit avoir ses deux jambes. L’EZLN en est une et nous comme civils, sommes l’autre. Nous ne sommes pas de l’EZLN parce que nous ne répondons pas à ses ordres. Nous devons continuer la lutte pacifiquement et non pas avec les armes.»

Les zapatistes respectent le chemin emprunté par «las Abejas» parce que pour eux, «la participation de la société civile est très importante». «Las Abejas» ont décidé de faire partie du Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN) en tant que Société Civile «Las Abejas». Les zapatistes et «las Abejas» partagent les mêmes objectifs, mais «notre forme est différente. Nous croyons en la Bible. Nous savons la lire : nous nous devons d’aimer nos ennemis, nous ne pouvons pas tuer. Et puis surtout, nous sommes tous des paysans pauvres, des frères et des sœurs .» Dans le cadre de conflits, «las Abejas» recherchent le dialogue : «Nous parlons la même langue et pour cela, nous pouvons parler pour résoudre nos conflits». Ils savent bien les risques qu’ils courent parce que, comme ils disent : «nous sommes le tampon entre le gouvernement et les zapatistes..., si ce tampon se rompt, il est plus facile pour le gouvernement d’attaquer nos frères zapatistes».


Une violence incessante

Au cours de l’escalade de violence qui a caractérisé la municipalité de Chenalhó au cours des derniers mois de 1997, «las Abejas» ont peint sur leurs murs : «société civile, zone neutre». Pour eux, le mot neutre signifie qu’ils ne veulent pas faire partie de la violence entre ceux du PRI et les zapatistes. Ils ont agi ainsi parce que «nous ne voulons pas de problèmes, nous ne savons pas porter des armes, nous voulons dialoguer. Nous connaissons d’autres façons de lutter. Mais ceux du PRI ne nous ont pas respecté. Ils ont brûlé nos maisons et détruit notre récolte».

La majorité des membres de «las Abejas» ont du abandonner leurs foyers et leurs communautés du fait des menaces, harcèlements et agressions de la part des paramilitaires. Ils vivent désormais dans les campements de déplacés d’Acteal, X’oyep, Tzajalchen et de San Cristóbal de las Casas. Ils refusent l’aide humanitaire offerte par le gouvernement. Ils affirment qu’ils veulent que les auteurs du massacre soient d’abord punis.


Les martyres d'Actéals



Toutes les victimes du massacre d’Acteal étaient de «las Abejas». Selon elles, ceux qui ont attaqué l’ont fait parce qu’ils savaient que «nous n’avions pas d’armes pour nous défendre. Suite aux attaques antérieures de ceux du PRI contre les zapatistes, certains PRIistes ont été tués eux aussi». Les victimes savaient qu’elles allaient être attaquées, parce qu’elles avaient reçu des avertissements depuis la veille. «Mais nous avons décidé d’avoir confiance en Dieu et nous avons commencé à prier dans l’église. Nous savons désormais que ceux qui sont morts étaient des martyrs. Nous allons construire un sanctuaire pour eux à Acteal. Nous savons que Dieu a reçu les 45 qui sont morts et qu’il se prépare à nous recevoir. Parce que la lutte continue. Nous n’avons pas peur de mourir. Nous sommes prêts à mourir mais pas à tuer. Si Dieu nous permet de vivre quelques jours de plus, c’est bien. Si non, c’est bien aussi».

«Las Abejas» ne sont pas un groupe faible et sans défense, comme certaines personnes le disent et comme les paramilitaires assassins ont pu le voir. Au contraire, dans un scénario dominé de manière croissante par la violence, «las Abejas» se sont transformées en un acteur dangereux et menaçant, «armé de l’amour de Dieu» qui rompt la logique de «oeil pour oeil». Avec leur attitude, elles laissent à découvert la violence illégitime du pouvoir auquel elles font face : «Certains d’entre nous sont morts, en semant les graines de paix pour d’autres. Nous savons que la lutte continue en nos enfants. Maintenant tout le monde nous connaît et nous comprend. En dépit de ce qui s’est passé à Acteal, nous croyons toujours en notre cause.»

Las Abejas por Las Abejas: Cosmovision





En la cosmovisión tzotzil el mundo sobrenatural desempeña un papel de primera importancia. Las fuerzas fuera de control humano encarnan y simbolizan un amplio repertorio de seres: los dueños de los manantiales, de los cerros, de las cuevas; los gobernantes de la lluvia y del relámpago; el animal cuya vida y suerte están indisolublemente unidas a la vida y suerte de cada recién nacidos; los aires; la tierra misma. La relación con la naturaleza se simboliza mediante el ceremonial destinado a venerar las entidades sobrenaturales a las que representa.
En el Chenalhó de “Las Abejas” se pone en evidencia lo que llamamos “conocimientos empíricos”, construidos a través de la combinación de prácticas, creencias y rituales mágicos. Porque en nuestra cultura, es decir, en la concepción indígena, el mundo, la naturaleza y el hombre se colocan en un mismo plano de necesidad. De ahí las cuestiones para la racionalidad mestiza son distintas y están separadas, para nosotros constituyen una unidad. Por ejemplo: la selección de semillas adecuadas y una ceremonia propicia para tener un buen cielo son parte de una misma actividad. No separamos el conocimiento “objetivo” sino que lo colocamos en el mismo plano de las experiencias espirituales, subjetivas, y de nuestra relación directa con la naturaleza y sus fuerzas 


Hay una actitud total de integración del hombre con la naturaleza. La naturaleza no es un objeto, sino un sujeto con quien interactuamos de manera permanente y recíproca. Es el punto de referencia común de nuestros conocimientos, de nuestras habilidades y trabajo. Es la forma específica de satisfacer la necesidad ineludible de obtener el sustento; pero que también está presente en la proyección de los sueños, en la capacidad para imaginar; no sólo la observamos, también platicamos con ella, le confiamos nuestros temores y esperanzas ante fuerzas fuera del control humano. Todo es integral y sucede de manera simultánea, se trata de una relación total: el músico anuncia el diálogo, el cavilto le pide un deseo al dios creador y formador, y con el humo de su incienso le manda el mensaje, el danzón le baila al formador, el anciano interpreta los sueños, el indígena estudia y cultiva la tierra, el poeta le reza una palabra florida al señor del universo, también le canta a la luna, a las estrellas, y a la naturaleza… y su canto es acompañado con el canto de los pájaros y con el murmullo del viento; las aves tocan la música que el viento lleva hasta la puerta del cielo. 

 
El huesero cura el pie de un señor vagabundo y también cura a los animales de la tierra. El sabio sabe qué hora es cuando cantan los gallos, qué sucede cuando susurran los vientos y cuando las estrellas se ponen en tal dirección. Y ésta en una manera coherente de expresar simbólicamente la participación del hombre en la unidad fundamental e indivisible del universo al que pertenecemos.



Las Abejas por las Abejas: Identitad

Identidad cultural.


La cultura abarca elementos muy diversos: objetos y bienes materiales, así como la forma en que nuestro sistema social está organizado. Cuando hablamos de nuestro pueblo consideramos un territorio y los recursos naturales que contiene, los objetos que enmarcan y hacen posible la vida cotidiana, las habitaciones, los espacios y edificios públicos, la instalaciones productivas y centros ceremoniales, los sitios sagrados, los lugares donde están enterrados nuestros muertos. A través de nuestra educación aprendemos a hacer las cosas, a trabajar en lo que nos toca, a interpretar la naturaleza y sus signos, a encontrar los caminos para enfrentar los problemas, a nombrar las cosas. Junto con esto recibimos valores: lo que es bueno y lo que es malo, lo deseable y lo que no lo es, los permitido y lo prohibido.

La historia ha definido quiénes somos “nosotros”: una organización pacifista, “guardianes de la memoria y de la esperanza”, cuándo se es y cuándo no se es, o se deja de ser parte de ese universo social. Nuestro pueblo ha establecido los límites y las normas de pertenecer a nuestra organización: hay formas de ingresar, de ser aceptado, hay también maneras de perder la pertenencia. Esto es lo que se expresa en la identidad. Saberse y asumirse como integrante de un pueblo y de una organización, y ser reconocido como tal por propios y por extraños, significa formar parte de una sociedad que tiene por patrimonio una cultura propia, de la cual se beneficia y sobre la cual tiene derecho a decidir.


Las personas de “Las Abejas” de Chenalhó se pueden reconocer por los signos externos: las ropas que usamos; la lengua que hablamos, el tzotzil; las fiestas que celebramos y nuestras costumbres y tradiciones.


El traje de los hombres consiste en una especie de túnica blanca hecha con tela de telar o de manta con cuello en “v” que llega hasta el muslo, un cinturón que se amara en la cintura, un huarrach, un tela de color rojo que se enreda en el cuello, un sombrero de palma cuya copa tiene forma de cono pequeño y de las orillas del ala penden listones de colores. Actualmente son pocos los que se visten así de manera cotidiana. Autoridades y abuelos lo usan en ceremonias y algunos de nosotros en celebraciones específicas. 
 
Las mujeres visten un huipil corto –blusa- tejido en telar, que puede ser de varios colores o de dos nada más, con bordados alrededor del cuello; su falta, tejida por los hombres que trabajan en eso, luego la bordan alrededor o en forma cruzada con líneas de motivos simbólicos o flores, generalmente es de color azul u obscuro, es una especie de gran cilindro que ellas plisan sobre su cuerpo y sujetan con una faja de color también tejida. Para cubrirse usan también un manto blanco con bordados pequeños de color fuerte distribuidos en toda su superficie y en las orillas. La mayoría de las mujeres usan actualmente la vestimenta tradicional. 

Michel Chanteau: Le racisme à Chenalho

 

 Le racisme à Chenalho
Extrait du livre du Père Michel Chanteau






Au temps de la conquête Espagnole au XVI eme siècle, fray bartolomé de las casas, défendait devant la cour d’Espagne (colloque de Valladolid),  la dignité des indiens, car les conquérants se demandaient si les indiens avaient une âme… 500 ans plus tard, à Chenalho, j’ai entendu les mêmes paroles de mépris de la part des métisses vis-à-vis des indiens : « Des gens sans raisons », « des animaux », « des brutes », « des sauvages », « des non civilisés », etc…

Combien de fois, surtout les premières années ai-je vu sur la place du marché, les métisses arrachés les légumes, les fruits et même les poulets, des mains des indiennes, en leur jetant l’argent par terre comme un os à un chien.
Cependant je dois reconnaitre que le racisme était à double sens : métisse contre indien et indien contre métisse ainsi que l’exprime bien le récit de la création de l’homme raconté soit par les métisses, soit par les indiens.

   A.      VISION METISSE DE LA CREATION DES INDIENS :
Jésus n’avait créé que des métisses (ce qui est déjà une aberration) un jour, son père lui demande de créer aussi des indiens. Pas de chance, il ne reste plus d’argile. Mais voilà que passe un âne qui se met à crotter. Alors avec la crotte de l’âne, Jésus créé les indiens.

  B.      VISION INDIENNE DE LA CREATION DES METISSE A CHALCHIHUIITAN
Jésus ne crée que des indiens. Malheureusement, ceux-ci se sont divisés et se sont fait la guerre. A la fin, il n’y a plus suffisamment d’homme pour satisfaire les femmes, alors celles-ci s’unirent aux Chiens et ainsi apparurent les métisses : « fils de chien ».

En plus de trente ans de présence à Chenalho je n’ai pas réussi à faire dire au Métisse : « Nos frères les indiens ». Ils me répondaient ce sont peut-être les votre mais pas les nôtres »…
Lorsque j’ai commencé à célébrer la messe en tzotzil les métisses sont sortis de l’église…dernièrement quand Don Samuel m’a demandé de ne pas célébrer la messe de minuit de noël à Chenalho en signe de Deuil pour le massacre de  45 indiens à Acteal le 22 décembre 1997, un métisse m’a fait la réflexion suivante ; « qu’est ce qu’on a à voir avec ces cons d’indiens ? ». Blessé au plus profond de moi-même je lui ai répondu : « on vient de massacrer 214 femmes et 15 enfants et ça ne te fais rien parce que ce sont des indiens, mais si je tuais ton chien tu ne le supporterais pas et tu te dis chrétiens catholique : tu n’as rien compris. »

Mais grâce à Dieu, aujourd’hui les Indiens ont un nouveau défenseur digne successeur de fray bartholomé de Las casas en la personne de Mgr Samuel Ruiz Garcia qui depuis 387 ans lutte à leurs côtés pour faire valoir leurs droits à la justice et à la dignité. Aussi les indiens l’appellent « tatic Samuel = papa Samuel)

Michel Chanteau: Tatic Samuel






 TATIC SAMUEL
Extrait du livre du Père Michel Chanteau









On a tellement écrit et parlé au sujet de Don Samuel que je ne sais ce que je peux apporter de nouveau. Cependant je ne peux pas évoquer mes 32 ans dans son diocèse sans exprimer mes sentiments de reconnaissance envers lui. Vraiment ce fut une immense grâce pour moi lorsque don Samuel, avant même de me connaitrez en avril 1965 à la suite d’une demande de ma part, depuis Cuernavaca de travailler dans son diocèse me donna son accord.

Lorsqu’à la fin du stage de Cuernavaca, je disais au revoir à Ivan Illich, près de lui se trouvait l’évêque du lieu dont Sergio Mendez Arceo, Ivan illich lui dit : ce petit curé français était trop indépendant pour rester dans son pays. »

-Alors je le prends dans mon diocèse, répondit Don Sergio. Je lui fis savoir que j’étais déjà embauché par Don Samuel Ruiz Garcia. Don Sergio ajouta : «  je vous félicite ». Très vite, je me rendis compte de la grande amitié qui existait entre ces deux évêques d’avant-garde.

Oui,  quelle chance de collaborer avec un évêque de la taille de Don Samuel. Il a été pour moi un guide, un exemple, et un père. Je voyais qu’il vivait intensément tout ce qu’il exigeait de ces agents de pastoral. Son attitude humble et fraternel vis à vis des indiens était une indication pour mon comportement avec mes frères indigènes. Je l’ai entendu conter au Journaliste Charles Antoine sa conversation qui bouleversa toute sa vie.

                Pendant des années, je fus comme un poisson qui dort les yeux ouvert, i.e. qui voit mais ne comprends pas ; je voyais des églises pleines, j’écoutais les prières dans les 5 différentes langues indigènes (qui se parlent au Chiapas en dehors de l’Espagnol) ; je voyais la ferveur de ces gens qui manifestait une foi enracinée, mais je ne percevais pas la profondeur et le mystère de cette réalité. Pour moi c’était suffisant que les indiens de mon diocèse au Chiapas chante dans l’église la gloire de dieu, mais à la fin, je me suis rendu compte que derrière cette joie apparente, il y avait une frustration structurelle, historique qui s’achevait en tristesse.
Quand j’ai cessé d’être un poisson qui dormait les yeux ouverts, j’ai compris que l’indigène ne pouvait pas comprendre et aimé la parole du Christ SI son héros était, même seulement en apparence du côté de celui qui lésait ces droits et lui rendait sa vie impossible.

De cette façon, un jour, voilà 25 ans j’ai pensé que l’endroit ou devait se reposer le pasteur du christ en visite était le seul protégé seulement par des branchages dans une cabane comme c’est la coutume dans la vie des frères indiens. C’était un signe, mais ce serait le début d’un cheminement d’approche qui m’a conduit à apprendre leur langue, à comprendre et à apprécier leur coutumes et leur culture, et à me convaincre que je n’étais pas le seul à donner ; sinon que eux aussi offraient une richesse morale d’expérience de traditions…. En résumé un patrimoine inestimable !

Ainsi, s’exprimait don Samuel. Son choix préférentiel pour les pauvres, fruit du concile Vatican II auquel il avait participé activement lui a valu bien des inimitiés de la part des grands propriétaires terriens et des gros éleveurs sans parler de la haine de ceux qui se disent : « les authentiques coletos » i.e. les riches métisses de San Cristobal. Et pourtant, je n’ai jamais senti, de sentiment de rancœur de la part de Don Samuel. Son optimisme indestructible, même dans les situations les plus dramatiques, me remplissait d’admiration c’était la démonstration d’un homme de grande foi.

Sous sa direction, j’ai découvert peu à peu ce que signifiait l’inculturation : être comme il disait à l’écoute de Dieu, présent dans toutes les cultures pour y découvrir les vraies valeurs qui se manifestent dans tous les actes de la vie, et spécialement dans la célébration des sacrements. Ainsi il disait aux catéchistes de Chenalho : « Je nommerai un diacre parmi vous quand vous aurez découvert dans votre culture les rites que vous utiliserez pour les sacrements ». Grace à Don Samuel j’ai compris que je n’avais pas à être l’agent de la culture occidentale chrétienne et romaine puisqu’aucune culture n’est supérieure ou inférieure à une autre. Tout se joue dans la complémentarité.
Lorsque Don Samuel était en visite parmi les catéchistes de Chenalho, j’admirais sa simplicité, sa capacité d’écoute. Alors les Indiens se rendaient compte qu’il n’était pas un personnage imposant comme sont les représentants du gouvernement mais plutôt un grand frère ou, - comme ils aimaient l’appeler, -« tatic samuel : Papa Samuel » ; mais pas le « bon papa débonnaire » mais le vrai père de famille responsable de ses fils qui veut qu’ils soient des hommes conscients de leur dignité capables de prendre en main leur destinée :! Ni assistancialisme, ni paternalisme !

Au cours de ces quasis trente-trois ans, j’ai vu évoluer et grandir ce diocèse de San Cristobal sous la houlette de ce grand Pasteur. Vers les années 60-70 l’église se voulait « la voix des sans voix » ; au fur et à mesure de l’importance des catéchistes et du réveil du peuple de Dieu, l’Eglise est devenue « celle qui écoute la voix du peuple croyant »

Combien de souffrance dans le cœur de Don Samuel à la vue de l’écrasement des droits les plus élémentaires des Indiens. Quelle immense tristesse le jour de l’enterrement des 45 victimes d’ACTEAL le 25 décembre 1997 : « le plus triste Noel de ma vie d’évêque » dira-t-il.

Ses préoccupations pastorales vont bien au-delà de son troupeau. Dans un large esprit d’œcuménisme, il prend la défense des fidèles des sectes, expulsés de leurs villages.

J’ai toujours été profondément choqué devant l’incompréhension de ses frères dans l’épiscopat, mais toutes ces difficultés loin de le décourager semblent au contraire le stimuler dans son labeur pastoral.
Que dire de sa fermeté et de sa force de caractère face aux attaques et calomnies de la part des gens du gouvernement ?  Son dévouement à la cause de la paix même au risque de sa vie, surtout à partir du soulèvement des Zapatistes, le 1er janvier 1994 lui valut d’être choisi comme médiateur entre le gouvernement et les belligérants. Malheureusement, l’intransigeance du gouvernement et tout spécialement du Président Zedillo ne lui pas permis de mener à terme cette noble mission.

Le dernier témoignage de sympathie de Don Samuel est le fax que l’on m’a remis de sa part à mon arrivée à Roissy, le jour de mon expulsion le 27 février 1998. Don Samuel s’exprime ainsi : « je ne peux tout simplement que te remercier pour ces 32 ans de service dans notre diocèse, parce que ton action et ta personne, n’importe l’endroit du monde où tu te trouves, font partie de notre être et de notre travail diocésains…Peut être que le fait de n’avoir pu nous dire au revoir, moi de toi, ni toi de nous, renferme un mystérieux symbole : que tu continues à être ici et nous là-bas avec toi. »

Michel Chanteau: Le Massacre d'Acteal


 

Le massacre d’acteal
Extrait du livre du Père Michel Chanteau



"Il s’est dit et il s’est écrit beaucoup de chose sur le massacre d’Actéal. J’aimerais seulement vous raconter comment j'ai vécu ces tristes jours.

Le 22 décembre, mon ami le cinéaste belge, Thierry, vint me voir avec son épouse Véronica, bien qu’Andrés Aubry à San Cristobal leur avait dit - je ne crois pas que ce serait bien ni pour vous ni pour Michel d’aller à Chenalho. Mais Veronica avait très envie de me connaître et de voir le peuple où Thierry avait filmé durant plus de 10 ans. Vers midi, Thierry me dit : -Michel, si tu n’as pas de temps pour écrire a ton frère je vais prendre un vidéo pour lui. Nous prenons l’apéritif et sortons pour manger au restaurant de l’autre coté du zocalo. A 5h de l’après midi Thierry et Véronica partirent mais a l’entrée de la CAVECRA des agents de la migration leur confisquèrent leur visas et leur donnèrent 48 heure pour sortir du pays. C’était un délit de parler au curé de Chenalho

En soirée, dans le village, certains commentaires faisaient référence à un problème qui aurait lieu à Acteal durant la journée. Je n’y était pas allé sinon jusqu’au jour suivant, à l’heure du premier bulletin de presse de la radio à 5h du matin, qui m’informa du massacre d’Actéal : 45 indigènes assassinés par leur frère de peau : les paramilitaires

Cela faisait déjà un certain temps, qu’Actéal fut détruit par les paramilitaires, excepté l’ermitage qui se trouvait plus loin. C’était là que les Abejas (les membres de la société civile) avaient trouvés refuge. Le catéchiste Chef de Zone, Alonso Vasquez Gomez, a invité ses fidèles à célébrer les trois jours de jeûne et de prière pour demander à Dieu le retour de la paix « avec justice et dignité », mais aussi la réconciliation avec leurs ennemis. C’est pour cela que le 22 décembre une grande partie de la communauté se trouvait dans l’ermitage

Depuis très tôt, un groupe d’au moins 70 paramilitaires habillés d’uniformes de police, ont entouré le campement de réfugiés et ont commencer a tirer des rafales d’armes automatiques. Se fut la débandade, mais très rapidement quelques corps restèrent gisants sur le sol. Vers les 10h du matin, le vicaire général, le père Gonzalo Ituarte, Secrétaire de la CONAI su ce qu’il s’était passé. J’appelais alors par téléphone les autorités gouvernementales de Tuxtla Gutiérrez, lesquelles se mirent en contact radio avec le Général responsable du secteur d’Actéal. Ce dernier répondit : Rien à signaler. Bien que la police était à 200 mettre de lieu de la tragédie, et l’armée à 15 minutes. La boucherie dura de nombreuses heures, laissant pour solde, 30 blessés, et 45 morts. Parmi eux 15 enfants et 21 femmes, quatre d’entre elles enceintes furent étripées.

Après avoir accomplit cette dégoûtante tâche, les paramilitaires se retirèrent sans être déranger par les policiers. Ils brûlèrent leurs uniformes et cachèrent leurs armes. Bientôt, l’armée établit un cordon sanitaire pour empêcher les curieux, et par-dessus tout les journalistes, de s’approcher alors que les policiers essayer d’effacer toutes preuves d’une agression, amenant les blessés à Tuxtla et entassant les cadavres avec l’ordre de les brûler. C’est ce que me disait le président municipal, Jacinto Arias, mais ceci n’était pas possible à cause de la présence des journalistes. Donc, malgré les protestations des familles les cadavres furent amenés à Tuxtla sous prétexte de pratiquer une autopsie
Le 23 décembre, après avoir appris cette macabre nouvelle je fut à San Cristobal pour consulter Samuel Ruiz qui me dit : - Michel, je te demande (…) de ne pas célébrer la messe de noël à Chenalho. Je retournais au village pour prévenir Moises de la décision de l’évêque, la célébration allait se réaliser dans sa maison (…) Je prévins également don Abel (celui qui se charge de mes conseillers lorsque je suis sur San Cristobal). Sa femme, Anita s’exclama :
« Comment c’est possible que nous restions sans faire de messe de noël ? »
Abel rajouta : « Qu’est ce qu’on a voir avec ces abrutis d’indigènes »
A l’écoute de cette réflexion, le sang bouilla en moi, et je m’énervai en criant :
- Tu prétends être chrétien et catholique, mais tu ne comprends rien ! On vient juste de tuer 21 femmes et 15 enfants et cela ne t’importe pas car ce sont des indigènes, mais si on maltraite un chien alors tu t’énerves !
Il faut expliquer que Abel sortait tout juste de 6 mois de prison, accusé dans le massacre de 6 jeunes indigènes (…).

Le 24 décembre, j’étais aller accompagné Don Samuel pour la messe de noël à la cathédrale de San Cristobal. Nous étions tous les deux en larmes. (…)

Le gouvernement avait ramené les corps sans indiquer les noms de ceux-ci. Les familles devaient alors ouvrir les cercueils pour reconnaître les leurs, il y avait déjà une odeur pestilentielle. Il était alors passé trois jours depuis le massacre et les corps mutilés avait été amené sans aucun soin à Tuxtla en camion où il fait une chaleur exponentielle.

Le noël le plus triste de ma vie dira Don Samuel Ruiz

Le 31 décembre je fus à Actéal pour la messe du nouvel an. Malgré 32 ans de présence je commis une erreur en demandant où était la fosse commune. Les catéchistes me répondirent « il n’y a pas de fausses commune sinon une fausse communautaire. (…).


A la fin de la messe je dirigeais ma parole à toute l’assemblée.
« Regarder, cela fait 39 ans de sacerdote et c’est seulement aujourd’hui que je comprend le drame du calvaire. En effet : que s’est il passé ce jour ? La vierge marie a souffert du même drame que vous, mes frères avec Jésus crucifié. (…) Rappelons nous aussi du cri de jésus, « Père pardonne les car ils ne savent pas ce qu’ils font. Frères et sœurs, ceci est l’exemple que nous ont laissé jésus et marie


Dans l’après midi de ce même jour, je fut témoin une autre fois de la foi et de l’espérance inébranlables de mes frères indigènes. Les catéchistes m’avaient appelé pour me dire : « Michel, demain c’est le premier jour de janvier. Demain commence une nouvelle année, une nouvelle étape. Nous voulons que le sang de nos frère et sœurs, n’ait pas coulé en vian. Donc demain tôt, tu vas nous célébrer une messe de la résurrection.

A la fin de la messe je dis : « Frères et sœurs, nous pensons être comme le Peuple de Dieu, en direction de la terre promise. Pour nous se serait être en marche jusqu’à un lieu où il y aurait suffisamment de terres pour donner à manger à nos familles et de fait nous passons de l’exode à l’exil. Mais rappeler vous que durant l’exil, Dieu avait demander à des prophètes de soutenir l’espoir de son peuple qu’un jour il retournerait à leur patrie. Donc je vous le demande, frère et sœur catholiques, être aujourd’hui les prophètes de votre peuple, soutenir l’espoir qu’un jour vous aussi retournerez vivre en paix chez vous. « Dans la justice et la paix »."


Le 26 février 1998, 4 jours après sa deuxième messe de commémoration du massacre d’Actéal, le curé de Chenalho fut expulsé. (ndlr)
"Las Andanzas de Miguel Chanteau"
Par Michel Chanteau
Traduit par Espoir Chiapas

  
A LIRE:
La Société Civile Las Abejas
Les Paramilitaires
Le Massacre d'Acteal
Le racisme à Chenalho
Tatic Samuel
Le Congrès Indigène
La fête des morts dans les communautés