miércoles, 8 de noviembre de 2017

Le tour des caracoles et un peu plus, en six jours!



Le tour des caracoles et un peu plus, en six jours!

     Six jours, cinq caracoles (1) plus une réunion publique à Palenque. Voilà le programme chargé de Marichuy, porte-parole du Conseil Indigène de Gouvernement (2) du 14 au 19 octobre 2017. Un véritable marathon pour se présenter aux communautés zapatistes, tout comme aux différentes communautés de la région. Une caravane d’une dizaine de bus transporte 156 consejales de 63 régions du pays qui parlent près de 39 langues et plus de 500 membres du CNI. Une vraie aventure en soi quand on connaît les routes du Chiapas…
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Sur la route de Guadalupe Tepeyac.
       Nous, nous partons à cinq dans une petite voiture rouge. Enthousiastes. Dès le départ à San Cristóbal, la Golf marque bien des signes de fatigue mais rien ne peut arrêter la vaillante bande que nous sommes. À peine à deux heures de route et la boite de vitesse craque. On ralentit. Bientôt, on ne peut passer que la seconde et la troisième… À Comitán, on demande un atelier mécanique à un chauffeur de taxi et lorsqu’on s’y arrête, le volant se décroche presque. Tiens, il lui manquait des vis ??? Il est à peine 9h du matin… Bon ben, on va faire une pause et boire un café non ? Finalement, on aura largement le temps de prendre un solide petit déjeuner, aller deux-trois fois aux toilettes et regarder les nuages filer dans le ciel. Mais au Mexique, rien n’est impossible et au bout de trois heures, nous avons à nouveau une boite de vitesse retapée et un volant bien accroché. Miracle !!! Y que viva la Virgen de Guadalupe !!

On repart à l’assaut des heures qui nous manquent. Au bout d’un certain temps, la boite de vitesse re-patine. Mais là, on décide de l’ignorer. On nest plus très loin du but. D’ailleurs, on n’a plus peur de rien. Et lorsqu’un compañero et son fils au bord de la route nous font signe de s’arrêter pour qu’on les amènent. On n’hésite pas ! Allez, trois sur le siège passager, on ouvre la vitre. On sort les têtes et hop…. ça passe!!
Première escale de la tournée à Guadalupe Tepeyac, dans la zone Selva Fronteriza, près du Cacarol de La Realidad, trop petit pour recevoir tout ce monde et moins éprouvant pour les bus; la route n’étant plus qu’une piste en mauvais état jusqu’au Caracol même.

Notre petite bande triomphante arrive en fin d’après-midi. Forcément, tout a commencé. Marichuy n’a même pas daigné nous attendre…. On commence à vouloir garer la voiture et là… paf… elle cale ! Elle ne veut plus redémarrer. Je crois qu’elle nous signifie qu’elle n’en peut plus ou quelque chose comme ça. Des compas nous aide à la pousser et on la laisse là, ingrats que nous sommes !!

Le soleil est de feu et en cinq minutes, on est grillés comme des raisins secs. Ça ne va pas être de tout repos cette tournée de Marichuy….

Finalement, la petit voiture rouge rentrera sagement à San Cristóbal au bout de deux jours. Nous passerons alors à une grande berline avec air conditionné. Mais ni le confort, ni la bonne musique ne nous feront oublier l’aventure dans notre petite Golf rouge.
Les femmes à l’offensive !
      Durant ces six jours, le vrai point fort est la présence systématique des femmes sur la tribune. Pas un homme à l’horizon. Que des femmes zapatistes, des commandantes de l’EZLN, des militantes de la société civile ainsi que Doña Hilda Hernandez, mère de César Manuel Gonzalez Fernandez, étudiant à Ayotzinapa, âgé de 19 ans au moment de sa disparition.

Les discours sont offensifs et parlent de la réalité de l’oppression historique des femmes au Chiapas. Pour exemple, au Caracol de Morelia, la commandante Miriam du CCRI-CG de l’EZLN (3) remonte l’histoire jusqu’à ses aïeules, exploitées dans les fincas des grands propriétaires terriens mais aussi cantonnées dans leur rôle de mère et d’épouse par leurs maris. Mais depuis le soulèvement de 1994, les femmes zapatistes ont démontré qu’elles savaient s’organiser et qu’elles sont capables de décider elle-même de leur futur. Au Chiapas, les femmes sont à leur place. Au Mexique, rien n’est moins sûr…

Elle conclut en disant : « Compañeras , il ne faut pas avoir peur, de personne, nous devons lutter partout où nous sommes, dans notre quartier, dans notre couple, sur notre lieu de travail et c’est ce que nous demandons… Et personne ne va venir nous sauver si nous ne nous organisons pas entre nous. Nous les zapatistes, nous ne sommes pas la solution, la véritable solution c’est vous et avec le temps vous trouverez les raisons de vous organiser ».Elle finit par un jouissif « Que chinga a su madre Trump ». Je vous laisse traduire…

La commandante Elvira du CCRI-CG de l’EZLN dénonce une situation encore plus grave qu’il y a 23 ans (4). Effectivement, la violence au Mexique s’est nettement aggravée. Durant les six premiers mois de l’année 2017, il y a eu plus de 12 000 assassinats et plus de 30 000 disparus depuis la guerre aux narcos déclarée en 2006 par l’ex-président Felipe Calderón. Une violence exponentielle liée à l’incurie des politiques, infiltrés par le crime organisé pour la plupart d’entre eux. Un narco-état qui ne dit pas son nom et qui recrute de la chair à canon dans les classes les plus marginalisées du pays, tant à la ville que dans les campagnes. Et dont l’impunité est des plus insolentes.

Et dans ce climat de violence généralisée, Elvira nous rappelle que la situation est encore pire pour les femmes, indigènes, pauvres prises au piège dans un système qui les oppriment et qui les baillonnent. Une violence qui a pour nom féminicide et dont les chiffres donnent la nausée. En moyenne, six femmes sont assassinées chaque jour et selon le rapport « Feminicidio en México. Aproximación, tendencias y cambios, 1985-2009 », 34 176 femmes ont été assassinées au cours de ces 24 années.

Un autre thème cher à la commandante zapatiste est l’expropriation systématique des terres pour construire des usines hydroélectriques, des projets éoliens, des autoroutes, des aéroports, des centres touristiques et éco-touristiques, des projets miniers ou l’extraction de pétrole pour ne citer que ceux-la. Elle insiste et précise bien que tous ces projets abîment la Terre Mère ; ils sont en partie responsables du réchauffement climatique. Elle souligne aussi la perversité des programmes sociaux, faits uniquement pour contrôler et dominer les indigènes.

À la ville, la situation est toute aussi catastrophique : peu ou pas de droit du travail, des salaire très bas, la menace du chômage, l’exploitation, l’humiliation, l’intimidation, le mépris se retrouvent dans tous les espaces de travail et plus particulièrement pour les femmes. Ces situations de détresse et d’extrême violence poussent certains à partir sur le chemin de l’exil en direction des États-Unis. Plus de dix millions de migrants dont 5 millions sont des femmes. Un de ses derniers mots sera « La conquête de notre liberté et de la justice viendra seulement du peuple et de personne d’autre ».
      Marichuy, elle, aura un discours plus modéré, pour essayer de parler aux plus grands nombres et pas seulement aux zapatistes. Elle aura des propos plus rassembleurs qui se situent en bas à gauche et dont l’ambition est de toucher tous ceux qui sont sous le joug de l’hydre capitaliste, tous les mexicains et mexicaines pauvres du pays.

Elle dit clairement « il est l’heure d’unir nos douleurs non seulement des peuples indigènes mais aussi des paysans et unir la douleur des homme et femmes des villes ».À Guadalupe Tepeyac, le challenge est d’autant plus fort que parmi la foule il y a des paysans encartés au Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) ou à d’autres partis politiques, tout aussi nauséabonds. Surtout, ici, près du lieu de l’assassinat de Galeano en mai 2014 par des paramilitaires. D’ailleurs, une lettre de la famille de Galeano sera lue par Gloria Elisa Benavides, ex-commandante de l’EZLN. Des mots simples, qui refusent la vengeance mais qui réclament justice. Des mots qui affirment : « Il faut lutter ensemble contre le vrai ennemi, celui qui nous exploite. Il ne sert à rien de se battre entre nous parce que je suis d’une autre religion, parce que je suis blond, brun, petit ou d’un autre parti politique ». Un appel à l’intelligence collective pour ne pas se tromper de cible et réduire les tensions qui divisent les communautés.

À Palenque sur la place publique, des miliciens zapatistes entourent discrètement une foule dense. Clairement, les communautés avoisinantes se sont déplacées pour venir écouter le discours de la porte-parole du Conseil Indigène de Gouvernement.

Au cœur de tous ses discours, la situation des femmes, d’ici et d’ailleurs : « C’est l’heure pour les femmes de lutter et de s’organiser pour faire naître sa liberté, faire naître une nation nouvelle et juste, pour faire naître un monde de paix, différent, bâtis sur les ruines du monde capitaliste et patriarcal ».Durant ces interventions, Marichuy n’aura de cesse de dénoncer les pièges mesquins posés par l’Institut National Electoral et ses sbires. Comme le fait d’avoir coupé le réseau Internet et téléphonique dans les zones d’Altamiro et d’Ocosingo. Plus les multiples difficultés techniques inhérentes à l’application informatique exigée pour la collecte des signatures.

Cette initiative inédite du CIG est destinée à tous les laissés-pour-compte du Mexique, elle a pour ambition d’utiliser la conjoncture électorale pour faire circuler la parole et inviter chacun et chacune à participer à la construction d’un autre pays. Et comme disent les zapatistes « desmontar desde abajo el mundo de arriba».

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