Luttes anticapitalistes: l'appui aux communautés du Chiapas
La solidarité de plusieurs organisations nationales et internationales avec les luttes des communautés autochtones autonomes a rendu possible l'articulation et la convergence de la société civile tout au long des dernières années.
Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Martha Lucia Gomez, Éva Mascolo-Fortin, Annie Lapalme, Geneviève Messier et Joëlle Gauvin-Racine, membres de l'équipe de formations des BriCOs du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL). L'article qu'elles nous présentent ci-dessous traite de la pertinence des divers liens qui se sont créés entre le mouvement zapatiste et les groupes sympathisants à l'international.
La solidarité internationale avec le mouvement zapatiste a pris des formes multiples depuis le soulèvement de l'Armée zapatiste de libération nationale -EZLN- au Chiapas, au Mexique, en 1994, dans une volonté de participer et de contribuer à un processus qui a largement interpellé les mouvements sociaux dans le monde. Les Brigades civiles d'observation des droits humains (BriCOs) sont un exemple d'initiative de solidarité concrète avec les communautés sur le terrain, à la fois les communautés zapatistes et les autres communautés en résistance contre le modèle néolibéral. Coordonnées par le Centre pour les droits humains Fray Bartolomé de las Casas (FRAYBA), les BriCOs répondent depuis 1995 au besoin d'accompagnement des communautés devant la situation de conflit toujours existante.
Le contexte zapatiste
La société civile nationale et internationale s'est présentée à de multiples reprises auxrencontres organisées par l'EZLN pour analyser le monde et pour renforcer des liensdans les luttes contre le capitalisme. C'est le poids de la pression nationale et internationale qui a mené au cessez-le-feu en 1995, après la contre-offensive militaire disproportionnée avec laquelle le gouvernement avait répondu au soulèvement zapatiste. Massif a été l'appui des mouvements sociaux du pays et du monde au processus de négociation entamé avec le gouvernement ayant eu comme résultat les accords de San Andrés en 1996. Cependant, ces accords ont été trahis par le gouvernement à plusieurs reprises.
L'étape de négociations fut aussi marquée par la hâte du gouvernement à mettre en œuvre des programmes d'assistance visant la division de la population. À partir de ce moment, celui-ci a instauré une guerre de basse intensité qui perdure jusqu'à aujourd'hui et dont les résultats, pour en nommer quelques-uns, ont été des déplacements de communautés, des massacres et des disparitions.
Le mouvement zapatiste a depuis abandonné l'objectif d'obtenir la reconnaissance légale de ses demandes et il a plutôt dirigé ses efforts vers la consolidation de l'autonomie (modèle de gouvernement propre basé sur la responsabilité politique et l'organisation sociale, qui intègre en pratique toutes les exigences en termes de terre, d'éducation, de santé, de justice, de paix et de reconnaissance culturelle). Une réorganisation politique et administrative des territoires a eu lieu en 2003, alors que l'on a décidé de mettre sur pied cinq Juntas del buen gobierno et des Caracoles dans lesquels se réunissent les représentant.e.s des municipalités autonomes rebelles. Le fonctionnement du modèle autonome est financé par les communautés elles-mêmes, avec les ressources générées notamment via les dépanneurs coopératifs et les collectifs de production agricole. La construction de cliniques, d'écoles et d'autres infrastructures a pour sa part été rendue possible grâce aux apports de la société civile nationale et internationale (Van der Harr, 2005) et même de quelques municipalités européennes qui ont été jumelées avec les municipalités autonomes.
Avec le temps, les zapatistes ont réussi à mettre sur pied des mécanismes pour la gestion et la distribution des ressources.
Avec le temps, les zapatistes ont réussi à mettre sur pied des mécanismes pour la gestion et la distribution des ressources. C'est le cas de l'entité Enlace A.C., née en 1996 à la demande des communautés, pour canaliser les ressources de la solidarité. Les Juntas de buen gobierno sont pour leur part chargées de coordonner la destination de l'aide vers les municipalités où un plus grand nombre de besoins sont identifiés.
Liens à l'international
Au-delà des apports matériels, les gestes de solidarité au fil des ans avec les réseaux nationaux et internationaux ont permis la circulation d'information, notamment à travers les médias alternatifs et les collectifs. Au cours des 23 dernières années, ces réseaux ont agi comme un bouclier qui sert à contrer la campagne de délégitimation et de désinformation menée par l'État. En définitive, un des plus grands apports de la solidarité internationale envers les communautés au Chiapas est celui de pouvoir exposer les menaces auxquelles sont confrontées les communautés au jour le jour aux mains de groupes armés organisés (paramilitaires) par l'entremise des agents de l'État et de groupes économiques. Les zapatistes et les membres des autres communautés en résistance sont agressé.e.s parce qu'elles et ils protègent leurs territoires convoités par des intérêts privés, y compris les compagnies canadiennes, qui cherchent à les exploiter en raison de leur grande richesse en ressources hydriques et minières.
Les BriCOs, qui ont été convoquées par Mgr Samuel Ruíz, fondateur du Frayba, représentent un de ces efforts de solidarité internationale envers les diverses communautés chiapanèques qui se sont organisées pour résister aux politiques néolibérales du gouvernement mexicain. Les observatrices et observateurs documentent la violence dont sont victimes les communautés en résistance, apportent un support moral aux communautés et assurent une protection des communautés par l'effet dissuasif de leur présence.
En effet, l'expérience au Chiapas n'est qu'une des façons de supporter les communautés en résistance, et la création d'une véritable solidarité transnationale est aussi au cœur de la démarche des BriCOs. Au Québec, en plus d'offrir de l'accompagnement direct sur le terrain, les personnes ayant fait de l'observation des droits humains dans le cadre des BriCOs continuent leur travail de solidarité avec les communautés chiapanèques en résistance en travaillant à sensibiliser la population québécoise à la situation sur place et en participant à diverses activités et campagnes de support.
La solidarité de plusieurs organisations nationales et internationales avec les luttes des communautés autochtones autonomes a rendu possible l'articulation et la convergence de la société civile tout au long des dernières années.
La solidarité de plusieurs organisations nationales et internationales avec les luttes des communautés autochtones autonomes a rendu possible l'articulation et la convergence de la société civile tout au long des dernières années. Alors que les effets du néolibéralisme sont mondiaux, soutenir les communautés en résistance est une façon concrète d'appuyer un modèle qui s'oppose au néolibéralisme et de faire partie de la résistance. Les liens qui se sont tissés entre les zapatistes et le reste du monde reflètent une volonté de bâtir des relations d'horizontalité et de réciprocité. Si les ponts tendus vers l'extérieur par le mouvement zapatiste, telle la Sixième déclaration de la Selva Lacandona (la Sexta) en 2005, répondent à la nécessité constante pour le mouvement d'étendre et de consolider des alliances nationales et internationales, ils participent aussi à une dynamique d'enrichissement mutuel des résistances à laquelle nous sommes convié.e.s., encore aujourd'hui.
Si vous êtes intéressé.e.s par les formations offertes dans le cadre des BriCOs, vous pouvez écrire à l'adresse observation@cdhal.org.
N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.
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