Vers une médecine autonome et rebelle
lundi 15 janvier 2018, par
Ci-dessous, la reproduction du texte en français de la présentation donnée (en espagnol) le 29 décembre 2017 par Géronimo Diese à l’université UniTierra Cideci (San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique) à l’occasion de la seconde édition de la conférence [1] « ConCiencias por la Humanidad » (27-30 décembre 2017) convoquée par les zapatistes, en parallèle de la rencontre « CompArte » qui a eu lieu en juillet 2017.
Introduction
Compañeras, compañeros, compañeroas zapatistas,
Je vous remercie de m’avoir invité, je remercie le Cideci de nous recevoir et l’équipe d’appui à la commission Sextapour l’organisation de cette conférence. Avant de commencer mon exposé, je souhaite m’excuser parce que j’ai choisi de faire cette présentation en castillan que je parle très mal et non pas en tzotzil ni tzeltal. Par ailleurs, le castillan n’est pas ma langue maternelle mais j’espère que vous comprendrez quand même mes mots et que mes mots traduiront ce que j’ai dans le cœur.
Maintenant, je me permets de me présenter : je suis chercheur dans une institution publique en France. Mon travail consiste à comprendre pourquoi certains parasites provoquent des maladies et comment les combattre. Ainsi, tout en réalisant une recherche fondamentale, j’ai choisi de participer à une science politiquement engagée qui puisse servir à l’émancipation des populations dominées. Peut-être que ma présentation vous semblera trop concrète mais je crois que, à l’image de l’expérience zapatiste, il est important de réfléchir et agir de manière conjointe et vice versa. Je ne présenterai donc pas uniquement des réflexions, ni des dénonciations, ni un cours de sciences fondamentales, mais aussi des actions directes possibles.
Le sujet que j’ai choisi de traiter aujourd’hui provient de la révolte que m’inspire l’injustice face à la mort, face à la maladie. Comment se fait-il qu’ici au Chiapas, le taux de mortalité des enfants, à la naissance, après un an ou cinq ans, soit 7 à 9 fois supérieur entre une région pauvre et riche [2] ? Combien de fillettes comme « Defensa Zapatista » ne vivent pas aujourd’hui à cause de cette injustice ? Comment se fait-il que des milliers d’humains soient infectés au niveau des voies respiratoires et des diarrhées alors que dans les pays riches, ces maladies sont rares et se soignent bien [3] ?
Comment lutter contre ces injustices ? Ce que je peux partager, moi, c’est mon savoir et recevoir votre savoir en retour. Je suis ici pour cela. Je le partage ici à la conférence « ConCiencias » (et j’espère dans des ateliers que nous pourrons mettre en place) mais aussi je le partage là où j’habite, dans la participation à des laboratoires scientifiques populaires comme je vais aussi le présenter plus loin.
Le capitalisme est né et perdure au cours du temps grâce à l’accaparement des biens communs. Les biens communs sont ces choses inappropriables par essence et que tous les êtres vivants utilisent et partagent : la vie, la terre, l’eau, l’air... Lutter pour la préservation des biens communs, c’est lutter contre le capitalisme. Ici et partout dans le monde. La santé des humains, des animaux et des plantes est aussi un bien commun : il convient à chacun et chacune de la préserver pour soi-même et pour l’ensemble de la communauté. Lutter pour la préservation de notre santé individuelle et collective, c’est lutter contre le capitalisme, notamment parce que lorsque nous sommes malades, nous ne pouvons pas lutter.
Pour éviter l’accaparement de la santé par les entreprises commerciales, il convient de mettre en place une médecine autonome dans les centres de santé communautaires et d’adopter des pratiques non capitalistes de la médecine. Pour atteindre cet objectif, nous avons besoin de créer des lieux où nous pourrions générer nos propres solutions ouvertes, peu chères, faciles, coopératives, mais aussi y prohiber les intérêts commerciaux.
Je me souviens des questions posées à la communauté internationale par les zapatistes et dont ils nous avaient fait part l’an dernier ici même au Cideci par la voix du SubGaleano. Certaines de ces « premières questions » [4] des compas étaient les suivantes : comment éviter les maladies ? Comment identifier les parasites qui provoquent des maladies et notamment pourquoi certaines poules meurent et d’autres non ? Et enfin, comment faire des antibiotiques non toxiques ? Je présente ici trois exemples qui me paraissent répondre à ces questions.
Comment éviter les maladies ? L’hygiène des mains
Pour répondre à cette question, j’aimerai raconter une histoire simple [5]. Il y a une vingtaine d’année, une équipe de recherche en Suisse a cherché à savoir pourquoi, lorsque des gens entraient dans les hôpitaux, ils attrapaient d’autres maladies qu’ils n’avaient pas en entrant (on les appelle « maladies nosocomiales »). Et cela n’est pas limité à la Suisse : ces maladies nosocomiales tuent chaque année des milliers de personnes dans le monde [6] ! L’équipe de recherche a essayé de comprendre comment ces maladies étaient transmises au sein des hôpitaux. Ils ont alors découvert que ces maladies étaient transmises entre chaque patient par le personnel médical. Horreur ! Personne ne voulait le croire, pas même les médecins eux-mêmes ! Pourtant, lorsque l’équipe a regardé très précisément et minutieusement le comportement du personnel médical, l’équipe de recherche a pu remarquer que les médecins et les infirmiers ne se lavaient pas bien ni assez souvent les mains dans la journée. En effet, pour se laver proprement les mains, il faudrait passer une à trois minutes à se frotter les mains avec du savon. Et encore, cela n’est pas parfait, il reste encore des bactéries pathogènes ! Et le personnel médical n’avait pas le temps. Alors, ils gardaient des mains contaminées et transmettaient des bactéries pathogènes aux personnes entrant dans l’hôpital.
L’équipe de recherche médicale a alors proposé une nouvelle manière de se laver les mains : utiliser une solution hydro-alcoolique. L’application sur les mains nécessite quinze secondes. Le résultat a été très rapide : le nombre de maladies nosocomiales a diminué fortement. On trouve maintenant dans tous les hôpitaux d’Europe au pied de chaque lit et dans les couloirs, des bouteilles de solutions hydro-alcooliques dont la formule a été communiquée par l’équipe de recherche sans la breveter : alcool isopropanol (75 % final), de l’hydrogène peroxyde (0,125 % final), du glycérol (1,45 % final) et de l’eau (23,425 % final). Aujourd’hui, tout le monde peut fabriquer facilement ces solutions [7] pour son hôpital, pour sa communauté et prévenir ainsi la transmission des maladies. Est-ce que ces solutions hydro-alcooliques existent déjà dans les cliniques et hôpitaux zapatistes ? Sinon, ce serait vraiment important de mettre en place ce geste simple qui peut sauver des milliers de vies. Par ailleurs, je suis certain que la médecine maya utilise des solutions pour tuer les micro-organismes que nous avons sur les mains. Est-ce que ces solutions sont aussi faciles à fabriquer ? À utiliser ? Sont-elles aussi efficaces ? Je vous propose que nous testions cela ensemble.
Comment identifier les parasites qui provoquent les maladies ?
Lorsqu’on est malade, on a un certain nombre de symptômes. La plupart des médecins ou des promoteurs de santé utilisent ces symptômes pour faire un diagnostic et proposer un traitement ou faire le choix d’envoyer la personne malade à l’hôpital. Bien sûr, il est important de ne pas se tromper dans son choix. Le souci, c’est que parfois, un même symptôme est provoqué par plusieurs parasites. Or on ne peut pas utiliser n’importe quel traitement contre n’importe quel parasite : il faut donc faire une identification avant de donner un traitement thérapeutique. Et il en est de même pour les animaux ou les plantes...
Dans le monde, il existe beaucoup d’organismes différents, certains qu’on peut voir et peindre, d’autres qu’on ne peut pas voir à l’œil nu parce qu’ils sont microscopiques : on les appelle des micro-organismes. Pour les identifier, certaines techniques nécessitent qu’on prépare des solutions nutritives et qu’on permette aux parasites de se reproduire dans des boîtes. Pour cela, il faut les mettre dans une étuve à 37 °C qu’on peut fabriquer simplement en utilisant une glacière isotherme. Pour conserver la température, on place un thermostat qui allume une lampe lorsqu’il faut chauffer l’air et on place un ventilateur pour faire circuler l’air. Cela permet d’isoler des colonies de parasites dans chaque boîte contenant les solutions nutritives. Ensuite, on utilise des colorants peu chers et un microscope : en regardant à travers le microscope, on peut donc savoir si on a affaire à tel ou tel parasite et ainsi choisir le traitement approprié. D’autres techniques plus précises nécessitent des machines de biologie moléculaire... Par exemple, un groupe de femmes féministes nommé Gynepunk a mis en place des protocoles faciles et des kits peu chers de détection de différentes maladies transmises sexuellement. Ces kits peuvent être fabriqués n’importe où dans le monde en suivant les plans non brevetés disponibles sur internet. On peut ainsi détecter la présence de tel ou tel parasite et ainsi adapter le traitement thérapeutique mais aussi, changer ses propres comportements et prendre ses propres décisions, de manière autonome, sans devoir subir la domination d’autres personnes. Ainsi, ces outils non brevetés et accessibles à tout·e·s participent à l’émancipation des populations dominées.
Comment fabriquer des antibiotiques non toxiques ? La thérapie phagique
Parmi les parasites responsables de maladies, on trouve notamment les bactéries. Les bactéries sont des micro-organismes, des êtres vivants microscopiques qui mesurent quelques micromètres. Les bactéries sont partout autour de nous : dans l’océan, dans les racines des plantes, notre ventre, sur les griffes et les dents du chat-chien [8], etc. Imaginez qu’il y a dans notre intestin près de 1 kg de bactéries, c’est-à-dire 100 000 milliards de bactéries… imaginez qu’il y a 10 000 fois plus de bactéries dans notre intestin que d’humain sur toute la Terre ! Elles sont partout et très nombreuses, même si on ne les voit pas. C’est pour cela qu’il est si facile d’être infecté par les bactéries ! En effet, il existe des bactéries bénéfiques et d’autres pathogènes. Les entreprises font des bénéfices énormes grâce aux antibiotiques qui ciblent les bactéries pathogènes : chaque année, plus d’un million de tonnes d’antibiotiques sont utilisés seulement en Europe pour guérir les maladies bactériennes des humains et des animaux d’élevage ! La fabrication des antibiotiques nécessite une technologie avancée et la plupart des substances sont brevetées. Ainsi, tout le monde ne peut pas les produire ni les commercialiser et les utilisateurs sont alors captifs des entreprises pharmaceutiques.
Pour combattre les bactéries pathogènes, pourrions-nous utiliser les ennemis naturels des bactéries ? Eh bien oui, il y a bien des micro-organismes qui mangent les bactéries : on les appelle les bactériophages. Les bactériophages sont 100 fois plus petits que les bactéries. Les bactériophages rentrent dans leur hôte et utilisent leur machinerie moléculaire pour se faire reproduire eux-mêmes. À la fin de leur cycle, il y a environ 300 bactériophages « fils » qui sont libérés grâce à l’explosion de la bactérie infectée. La bactérie meurt et les nouveaux bactériophages peuvent alors infecter de nouvelles bactéries présentes autour. Ainsi, petit à petit, les bactériophages détruisent toutes les bactéries qui provoquaient l’infection. Ils agissent comme des antibiotiques, mais ils ont l’avantage de n’être pas toxiques pour le corps humain. En effet, les bactériophages sont très spécifiques et n’infectent que les bactéries. Ils n’infectent pas nos cellules ! Par ailleurs, il existe un grand nombre d’espèces différentes de bactériophages qui s’attaquent à la même espèce bactérienne, avec des mécanismes différents. Imaginez que les bactéries sont du maïs : plusieurs espèces d’animaux mangent uniquement le maïs (par exemple les chenilles) ! Les bactériophages, c’est pareil : plusieurs espèces de bactériophages attaquent de manière spécifique une seule espèce de bactérie. La conclusion est donc que nous pourrions utiliser plusieurs bactériophages pour traiter différentes infections bactériennes.
Il y a cent ans, les bactériophages ont été utilisés pour traiter les maladies bactériennes dans le monde entier. Mais ils ont disparu des pharmacies des pays occidentaux lorsque les antibiotiques ont envahi le marché pharmaceutique. Par contre, le bloc de l’Est a continué sa recherche sur les bactériophages et a continué à en produire. On peut ainsi acheter des solutions de bactériophages dans les pharmacies de Russie et de Géorgie afin de lutter contre des bactéries provoquant des maladies différentes. Dans ces solutions qu’on peut acheter, il y a souvent plusieurs bactériophages différents : on parle de cocktails de bactériophages. Par exemple, on trouve un cocktail contenant une trentaine de bactériophages différents s’attaquant à plusieurs espèces bactériennes s’attaquant à la peau après des brûlures profondes (cocktail nommé « Pyophage » [9]). On trouve aussi un cocktail (nommé « Intesti » [10]) contenant une vingtaine de bactériophages s’attaquant aux cinq espèces bactériennes principales provoquant les diarrhées. Enfin, ici un exemple d’utilisation thérapeutique d’une solution de bactériophage contenant une seule espèce de bactériophage (solution nommée « PhageStaph ») appliquée sur une plaie qui s’est refermée après dix-neuf semaines alors que le patient était en échec thérapeutique depuis plusieurs mois à cause d’une bactérie résistante aux antibiotiques [11]. Il faut préciser que les bactériophages sont particulièrement performant sur les infections ostéo-articulaires. Dans ces cas-là, les bactériophages permettent souvent d’éviter des amputations liées à des infections bactériennes. Mais les bactériophages peuvent aussi être utilisés pour soigner des animaux et notamment des poules qui ont des diarrhées.
On demande souvent : est-ce qu’il arrive parfois que les bactériophages se transforment et attaquent de nouvelles bactéries bénéfiques et causer des problèmes ? La réponse est : oui, les bactériophages se transforment probablement. Oui, comme tous les organismes vivants, les bactériophages peuvent changer (muter). Mais l’expérience des Russes et des Géorgiens montre qu’on n’a jamais vu de problème de ce genre. Jamais.
En décembre 2016, ici même à la première conférence « ConCiencias », un zapatiste m’a demandé si on utilisait les bactériophages en France. Oui, on en utilise en France mais peu fréquemment pour l’instant, ainsi qu’en Europe et aux États-Unis. Pour ce qui est du Mexique, je ne peux pas répondre, je ne sais pas. Cette technique est peu utilisée pour deux raisons : 1) elle n’était plus utilisée jusqu’à récemment et donc peu de médecin connaissent l’existence des bactériophages à usages thérapeutiques, et 2) les gouvernements sont seulement maintenant en train de s’organiser pour autoriser de manière légale l’utilisation des bactériophages dans les cas d’échecs thérapeutiques, c’est-à-dire lorsqu’un malade atteint d’une maladie bactérienne ne parvient pas à être soigné par les antibiotiques. En effet, on assiste petit à petit à l’augmentation dans le monde de la fréquence des bactéries résistantes aux antibiotiques. Ainsi, les bactériophages pourraient devenir rapidement une alternative sérieuse pour le traitement des maladies infectieuses bactériennes.
Si nous voulions produire et utiliser des bactériophages dans les cliniques ou hôpitaux zapatistes, il faudrait tout d’abord former les personnes qui vont produire les bactériophages mais aussi les personnes qui vont les appliquer. Lorsqu’on jugera possible d’utiliser les bactériophages, il conviendra d’isoler et de déterminer les bactéries qui provoquent les maladies. Attention, ces bactéries peuvent être dangereuses et il faut donc les manipuler avec sécurité. Mais bon, si je suis capable, moi, de le faire quotidiennement à l’hôpital en France, tout le monde peut le faire si on lui explique ! Ensuite, il faudrait avoir des bactériophages à usages thérapeutiques : le plus simple serait de faire venir des cocktails de Russie ou de Géorgie ou d’autres laboratoires internationaux qui commencent à les produire. Mais bien sûr, à terme, on pourra aussi produire nos propres cocktails afin de devenir complètement autonome. Compañer@s zapatistas, je me permets ici de vous faire cette proposition en vous remettant ce projet.
Conclusion
L’application des solutions hydro-alcooliques pour l’hygiène des mains, l’utilisation des kits de diagnostics simples et la thérapie phagique remplissent les conditions pour une utilisation dans le cadre d’une médecine autonome. En effet, ils sont faciles à produire, peu chers, non brevetés et réalisés de manière coopérative.
Dans l’idée de rendre disponible à la population la thérapie phagique, nous avons mis en place un atelier de production de bactériophages dans un laboratoire Do it yourself à Barcelone en juillet dernier [12]. Cet espace est un espace libre de partage d’idées, de créations et de savoir-faire en dehors des intérêts commerciaux. Il y en a plein dans le monde et ils augmentent chaque jour ! Lors de cet atelier, une dizaine de personnes non scientifiques sont venues pendant quatre jours et nous avons produit des bactériophages et nous avons observé leur action létale contre les bactéries.
Mon idée avec cette présentation était de partager avec vous des idées pour l’organisation autonome de la santé. La santé ne doit pas rester dans les mains des entreprises capitalistes. Nous pouvons nous organiser ensemble avec tous les soignants (personnels médicaux, c’est-à-dire médecin, infirmiers, pharmaciens, etc.) et les soigné·e·s, et penser ensemble à des stratégies communes, libres des intérêts commerciaux et respectueux des organismes vivants sur la Terre. À l’image de l’expérience zapatiste, la mise en place de zones autonomes de créations scientifiques et médicales paraît indispensable à l’émancipation des populations dominées. Ces laboratoires populaires commencent déjà à fleurir ici et là dans le monde pour proposer des solutions ouvertes et non commerciales. Aujourd’hui, face à l’offensive des savoirs capitalistes, nous devons lutter en posant nos questions avec nos maux, avec nos mots. Lutter en développant nos imaginaires, nos subjectivités et nos concepts. Lutter en testant scientifiquement nos idées, en proposant nos solutions dans un monde aux savoirs ouverts et coopératifs.
Compañeros, compañeras, compañeroas, je me joins à vous pour crier ¡Zapata vive ! ¡La lucha sigue ! (Zapata vit ! la lutte continue !). Mais je voudrais ajouter : toutes les luttes continuent ! Y compris la lutte pour une médecine autonome et la lutte contre les maladies bactériennes dans les centres communautaires zapatistes ! Merci de votre attention.
Compañeras, compañeros, compañeroas zapatistas,
Je vous remercie de m’avoir invité, je remercie le Cideci de nous recevoir et l’équipe d’appui à la commission Sextapour l’organisation de cette conférence. Avant de commencer mon exposé, je souhaite m’excuser parce que j’ai choisi de faire cette présentation en castillan que je parle très mal et non pas en tzotzil ni tzeltal. Par ailleurs, le castillan n’est pas ma langue maternelle mais j’espère que vous comprendrez quand même mes mots et que mes mots traduiront ce que j’ai dans le cœur.
Maintenant, je me permets de me présenter : je suis chercheur dans une institution publique en France. Mon travail consiste à comprendre pourquoi certains parasites provoquent des maladies et comment les combattre. Ainsi, tout en réalisant une recherche fondamentale, j’ai choisi de participer à une science politiquement engagée qui puisse servir à l’émancipation des populations dominées. Peut-être que ma présentation vous semblera trop concrète mais je crois que, à l’image de l’expérience zapatiste, il est important de réfléchir et agir de manière conjointe et vice versa. Je ne présenterai donc pas uniquement des réflexions, ni des dénonciations, ni un cours de sciences fondamentales, mais aussi des actions directes possibles.
Le sujet que j’ai choisi de traiter aujourd’hui provient de la révolte que m’inspire l’injustice face à la mort, face à la maladie. Comment se fait-il qu’ici au Chiapas, le taux de mortalité des enfants, à la naissance, après un an ou cinq ans, soit 7 à 9 fois supérieur entre une région pauvre et riche [2] ? Combien de fillettes comme « Defensa Zapatista » ne vivent pas aujourd’hui à cause de cette injustice ? Comment se fait-il que des milliers d’humains soient infectés au niveau des voies respiratoires et des diarrhées alors que dans les pays riches, ces maladies sont rares et se soignent bien [3] ?
Comment lutter contre ces injustices ? Ce que je peux partager, moi, c’est mon savoir et recevoir votre savoir en retour. Je suis ici pour cela. Je le partage ici à la conférence « ConCiencias » (et j’espère dans des ateliers que nous pourrons mettre en place) mais aussi je le partage là où j’habite, dans la participation à des laboratoires scientifiques populaires comme je vais aussi le présenter plus loin.
Le capitalisme est né et perdure au cours du temps grâce à l’accaparement des biens communs. Les biens communs sont ces choses inappropriables par essence et que tous les êtres vivants utilisent et partagent : la vie, la terre, l’eau, l’air... Lutter pour la préservation des biens communs, c’est lutter contre le capitalisme. Ici et partout dans le monde. La santé des humains, des animaux et des plantes est aussi un bien commun : il convient à chacun et chacune de la préserver pour soi-même et pour l’ensemble de la communauté. Lutter pour la préservation de notre santé individuelle et collective, c’est lutter contre le capitalisme, notamment parce que lorsque nous sommes malades, nous ne pouvons pas lutter.
Pour éviter l’accaparement de la santé par les entreprises commerciales, il convient de mettre en place une médecine autonome dans les centres de santé communautaires et d’adopter des pratiques non capitalistes de la médecine. Pour atteindre cet objectif, nous avons besoin de créer des lieux où nous pourrions générer nos propres solutions ouvertes, peu chères, faciles, coopératives, mais aussi y prohiber les intérêts commerciaux.
Je me souviens des questions posées à la communauté internationale par les zapatistes et dont ils nous avaient fait part l’an dernier ici même au Cideci par la voix du SubGaleano. Certaines de ces « premières questions » [4] des compas étaient les suivantes : comment éviter les maladies ? Comment identifier les parasites qui provoquent des maladies et notamment pourquoi certaines poules meurent et d’autres non ? Et enfin, comment faire des antibiotiques non toxiques ? Je présente ici trois exemples qui me paraissent répondre à ces questions.
Comment éviter les maladies ? L’hygiène des mains
Pour répondre à cette question, j’aimerai raconter une histoire simple [5]. Il y a une vingtaine d’année, une équipe de recherche en Suisse a cherché à savoir pourquoi, lorsque des gens entraient dans les hôpitaux, ils attrapaient d’autres maladies qu’ils n’avaient pas en entrant (on les appelle « maladies nosocomiales »). Et cela n’est pas limité à la Suisse : ces maladies nosocomiales tuent chaque année des milliers de personnes dans le monde [6] ! L’équipe de recherche a essayé de comprendre comment ces maladies étaient transmises au sein des hôpitaux. Ils ont alors découvert que ces maladies étaient transmises entre chaque patient par le personnel médical. Horreur ! Personne ne voulait le croire, pas même les médecins eux-mêmes ! Pourtant, lorsque l’équipe a regardé très précisément et minutieusement le comportement du personnel médical, l’équipe de recherche a pu remarquer que les médecins et les infirmiers ne se lavaient pas bien ni assez souvent les mains dans la journée. En effet, pour se laver proprement les mains, il faudrait passer une à trois minutes à se frotter les mains avec du savon. Et encore, cela n’est pas parfait, il reste encore des bactéries pathogènes ! Et le personnel médical n’avait pas le temps. Alors, ils gardaient des mains contaminées et transmettaient des bactéries pathogènes aux personnes entrant dans l’hôpital.
L’équipe de recherche médicale a alors proposé une nouvelle manière de se laver les mains : utiliser une solution hydro-alcoolique. L’application sur les mains nécessite quinze secondes. Le résultat a été très rapide : le nombre de maladies nosocomiales a diminué fortement. On trouve maintenant dans tous les hôpitaux d’Europe au pied de chaque lit et dans les couloirs, des bouteilles de solutions hydro-alcooliques dont la formule a été communiquée par l’équipe de recherche sans la breveter : alcool isopropanol (75 % final), de l’hydrogène peroxyde (0,125 % final), du glycérol (1,45 % final) et de l’eau (23,425 % final). Aujourd’hui, tout le monde peut fabriquer facilement ces solutions [7] pour son hôpital, pour sa communauté et prévenir ainsi la transmission des maladies. Est-ce que ces solutions hydro-alcooliques existent déjà dans les cliniques et hôpitaux zapatistes ? Sinon, ce serait vraiment important de mettre en place ce geste simple qui peut sauver des milliers de vies. Par ailleurs, je suis certain que la médecine maya utilise des solutions pour tuer les micro-organismes que nous avons sur les mains. Est-ce que ces solutions sont aussi faciles à fabriquer ? À utiliser ? Sont-elles aussi efficaces ? Je vous propose que nous testions cela ensemble.
Comment identifier les parasites qui provoquent les maladies ?
Lorsqu’on est malade, on a un certain nombre de symptômes. La plupart des médecins ou des promoteurs de santé utilisent ces symptômes pour faire un diagnostic et proposer un traitement ou faire le choix d’envoyer la personne malade à l’hôpital. Bien sûr, il est important de ne pas se tromper dans son choix. Le souci, c’est que parfois, un même symptôme est provoqué par plusieurs parasites. Or on ne peut pas utiliser n’importe quel traitement contre n’importe quel parasite : il faut donc faire une identification avant de donner un traitement thérapeutique. Et il en est de même pour les animaux ou les plantes...
Dans le monde, il existe beaucoup d’organismes différents, certains qu’on peut voir et peindre, d’autres qu’on ne peut pas voir à l’œil nu parce qu’ils sont microscopiques : on les appelle des micro-organismes. Pour les identifier, certaines techniques nécessitent qu’on prépare des solutions nutritives et qu’on permette aux parasites de se reproduire dans des boîtes. Pour cela, il faut les mettre dans une étuve à 37 °C qu’on peut fabriquer simplement en utilisant une glacière isotherme. Pour conserver la température, on place un thermostat qui allume une lampe lorsqu’il faut chauffer l’air et on place un ventilateur pour faire circuler l’air. Cela permet d’isoler des colonies de parasites dans chaque boîte contenant les solutions nutritives. Ensuite, on utilise des colorants peu chers et un microscope : en regardant à travers le microscope, on peut donc savoir si on a affaire à tel ou tel parasite et ainsi choisir le traitement approprié. D’autres techniques plus précises nécessitent des machines de biologie moléculaire... Par exemple, un groupe de femmes féministes nommé Gynepunk a mis en place des protocoles faciles et des kits peu chers de détection de différentes maladies transmises sexuellement. Ces kits peuvent être fabriqués n’importe où dans le monde en suivant les plans non brevetés disponibles sur internet. On peut ainsi détecter la présence de tel ou tel parasite et ainsi adapter le traitement thérapeutique mais aussi, changer ses propres comportements et prendre ses propres décisions, de manière autonome, sans devoir subir la domination d’autres personnes. Ainsi, ces outils non brevetés et accessibles à tout·e·s participent à l’émancipation des populations dominées.
Comment fabriquer des antibiotiques non toxiques ? La thérapie phagique
Parmi les parasites responsables de maladies, on trouve notamment les bactéries. Les bactéries sont des micro-organismes, des êtres vivants microscopiques qui mesurent quelques micromètres. Les bactéries sont partout autour de nous : dans l’océan, dans les racines des plantes, notre ventre, sur les griffes et les dents du chat-chien [8], etc. Imaginez qu’il y a dans notre intestin près de 1 kg de bactéries, c’est-à-dire 100 000 milliards de bactéries… imaginez qu’il y a 10 000 fois plus de bactéries dans notre intestin que d’humain sur toute la Terre ! Elles sont partout et très nombreuses, même si on ne les voit pas. C’est pour cela qu’il est si facile d’être infecté par les bactéries ! En effet, il existe des bactéries bénéfiques et d’autres pathogènes. Les entreprises font des bénéfices énormes grâce aux antibiotiques qui ciblent les bactéries pathogènes : chaque année, plus d’un million de tonnes d’antibiotiques sont utilisés seulement en Europe pour guérir les maladies bactériennes des humains et des animaux d’élevage ! La fabrication des antibiotiques nécessite une technologie avancée et la plupart des substances sont brevetées. Ainsi, tout le monde ne peut pas les produire ni les commercialiser et les utilisateurs sont alors captifs des entreprises pharmaceutiques.
Pour combattre les bactéries pathogènes, pourrions-nous utiliser les ennemis naturels des bactéries ? Eh bien oui, il y a bien des micro-organismes qui mangent les bactéries : on les appelle les bactériophages. Les bactériophages sont 100 fois plus petits que les bactéries. Les bactériophages rentrent dans leur hôte et utilisent leur machinerie moléculaire pour se faire reproduire eux-mêmes. À la fin de leur cycle, il y a environ 300 bactériophages « fils » qui sont libérés grâce à l’explosion de la bactérie infectée. La bactérie meurt et les nouveaux bactériophages peuvent alors infecter de nouvelles bactéries présentes autour. Ainsi, petit à petit, les bactériophages détruisent toutes les bactéries qui provoquaient l’infection. Ils agissent comme des antibiotiques, mais ils ont l’avantage de n’être pas toxiques pour le corps humain. En effet, les bactériophages sont très spécifiques et n’infectent que les bactéries. Ils n’infectent pas nos cellules ! Par ailleurs, il existe un grand nombre d’espèces différentes de bactériophages qui s’attaquent à la même espèce bactérienne, avec des mécanismes différents. Imaginez que les bactéries sont du maïs : plusieurs espèces d’animaux mangent uniquement le maïs (par exemple les chenilles) ! Les bactériophages, c’est pareil : plusieurs espèces de bactériophages attaquent de manière spécifique une seule espèce de bactérie. La conclusion est donc que nous pourrions utiliser plusieurs bactériophages pour traiter différentes infections bactériennes.
Il y a cent ans, les bactériophages ont été utilisés pour traiter les maladies bactériennes dans le monde entier. Mais ils ont disparu des pharmacies des pays occidentaux lorsque les antibiotiques ont envahi le marché pharmaceutique. Par contre, le bloc de l’Est a continué sa recherche sur les bactériophages et a continué à en produire. On peut ainsi acheter des solutions de bactériophages dans les pharmacies de Russie et de Géorgie afin de lutter contre des bactéries provoquant des maladies différentes. Dans ces solutions qu’on peut acheter, il y a souvent plusieurs bactériophages différents : on parle de cocktails de bactériophages. Par exemple, on trouve un cocktail contenant une trentaine de bactériophages différents s’attaquant à plusieurs espèces bactériennes s’attaquant à la peau après des brûlures profondes (cocktail nommé « Pyophage » [9]). On trouve aussi un cocktail (nommé « Intesti » [10]) contenant une vingtaine de bactériophages s’attaquant aux cinq espèces bactériennes principales provoquant les diarrhées. Enfin, ici un exemple d’utilisation thérapeutique d’une solution de bactériophage contenant une seule espèce de bactériophage (solution nommée « PhageStaph ») appliquée sur une plaie qui s’est refermée après dix-neuf semaines alors que le patient était en échec thérapeutique depuis plusieurs mois à cause d’une bactérie résistante aux antibiotiques [11]. Il faut préciser que les bactériophages sont particulièrement performant sur les infections ostéo-articulaires. Dans ces cas-là, les bactériophages permettent souvent d’éviter des amputations liées à des infections bactériennes. Mais les bactériophages peuvent aussi être utilisés pour soigner des animaux et notamment des poules qui ont des diarrhées.
On demande souvent : est-ce qu’il arrive parfois que les bactériophages se transforment et attaquent de nouvelles bactéries bénéfiques et causer des problèmes ? La réponse est : oui, les bactériophages se transforment probablement. Oui, comme tous les organismes vivants, les bactériophages peuvent changer (muter). Mais l’expérience des Russes et des Géorgiens montre qu’on n’a jamais vu de problème de ce genre. Jamais.
En décembre 2016, ici même à la première conférence « ConCiencias », un zapatiste m’a demandé si on utilisait les bactériophages en France. Oui, on en utilise en France mais peu fréquemment pour l’instant, ainsi qu’en Europe et aux États-Unis. Pour ce qui est du Mexique, je ne peux pas répondre, je ne sais pas. Cette technique est peu utilisée pour deux raisons : 1) elle n’était plus utilisée jusqu’à récemment et donc peu de médecin connaissent l’existence des bactériophages à usages thérapeutiques, et 2) les gouvernements sont seulement maintenant en train de s’organiser pour autoriser de manière légale l’utilisation des bactériophages dans les cas d’échecs thérapeutiques, c’est-à-dire lorsqu’un malade atteint d’une maladie bactérienne ne parvient pas à être soigné par les antibiotiques. En effet, on assiste petit à petit à l’augmentation dans le monde de la fréquence des bactéries résistantes aux antibiotiques. Ainsi, les bactériophages pourraient devenir rapidement une alternative sérieuse pour le traitement des maladies infectieuses bactériennes.
Si nous voulions produire et utiliser des bactériophages dans les cliniques ou hôpitaux zapatistes, il faudrait tout d’abord former les personnes qui vont produire les bactériophages mais aussi les personnes qui vont les appliquer. Lorsqu’on jugera possible d’utiliser les bactériophages, il conviendra d’isoler et de déterminer les bactéries qui provoquent les maladies. Attention, ces bactéries peuvent être dangereuses et il faut donc les manipuler avec sécurité. Mais bon, si je suis capable, moi, de le faire quotidiennement à l’hôpital en France, tout le monde peut le faire si on lui explique ! Ensuite, il faudrait avoir des bactériophages à usages thérapeutiques : le plus simple serait de faire venir des cocktails de Russie ou de Géorgie ou d’autres laboratoires internationaux qui commencent à les produire. Mais bien sûr, à terme, on pourra aussi produire nos propres cocktails afin de devenir complètement autonome. Compañer@s zapatistas, je me permets ici de vous faire cette proposition en vous remettant ce projet.
Conclusion
L’application des solutions hydro-alcooliques pour l’hygiène des mains, l’utilisation des kits de diagnostics simples et la thérapie phagique remplissent les conditions pour une utilisation dans le cadre d’une médecine autonome. En effet, ils sont faciles à produire, peu chers, non brevetés et réalisés de manière coopérative.
Dans l’idée de rendre disponible à la population la thérapie phagique, nous avons mis en place un atelier de production de bactériophages dans un laboratoire Do it yourself à Barcelone en juillet dernier [12]. Cet espace est un espace libre de partage d’idées, de créations et de savoir-faire en dehors des intérêts commerciaux. Il y en a plein dans le monde et ils augmentent chaque jour ! Lors de cet atelier, une dizaine de personnes non scientifiques sont venues pendant quatre jours et nous avons produit des bactériophages et nous avons observé leur action létale contre les bactéries.
Mon idée avec cette présentation était de partager avec vous des idées pour l’organisation autonome de la santé. La santé ne doit pas rester dans les mains des entreprises capitalistes. Nous pouvons nous organiser ensemble avec tous les soignants (personnels médicaux, c’est-à-dire médecin, infirmiers, pharmaciens, etc.) et les soigné·e·s, et penser ensemble à des stratégies communes, libres des intérêts commerciaux et respectueux des organismes vivants sur la Terre. À l’image de l’expérience zapatiste, la mise en place de zones autonomes de créations scientifiques et médicales paraît indispensable à l’émancipation des populations dominées. Ces laboratoires populaires commencent déjà à fleurir ici et là dans le monde pour proposer des solutions ouvertes et non commerciales. Aujourd’hui, face à l’offensive des savoirs capitalistes, nous devons lutter en posant nos questions avec nos maux, avec nos mots. Lutter en développant nos imaginaires, nos subjectivités et nos concepts. Lutter en testant scientifiquement nos idées, en proposant nos solutions dans un monde aux savoirs ouverts et coopératifs.
Compañeros, compañeras, compañeroas, je me joins à vous pour crier ¡Zapata vive ! ¡La lucha sigue ! (Zapata vit ! la lutte continue !). Mais je voudrais ajouter : toutes les luttes continuent ! Y compris la lutte pour une médecine autonome et la lutte contre les maladies bactériennes dans les centres communautaires zapatistes ! Merci de votre attention.
Géronimo Diese
Notes
[1] Voir la vidéo de la minute 39’ à 1:11’ sur le site de ConCiencias dans la douzième session ou sur le Facebook d’Enlace Zapatista.
[2] Voir le document de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pages 62-66 entre le Guatemala (qui a certainement des données épidémiologiques plus proches des conditions de vie du Chiapas que celles du Mexique en entier) et la France : Organización Mundial de la Salud – Estadísticas sanitarias mundiales 2014.
[3] Voir le site de l’OMS.
[5] Voir le livre (en français, anglais, espagnol, allemand et italien) de Thierry Crouzet, téléchargeable gratuitement à la page.
[6] L’OMS stipule qu’à tout moment, plus de 1,4 million de personnes dans le monde souffrent de complications infectieuses acquises à l’hôpital : « Infections nosocomiales : le respect de l’hygiène des mains par les agents de santé protège les patients ».
[7] Voir le protocole de fabrication.
[8] Voir notamment : « Le mur et la brèche. Premières notes sur la méthode zapatiste ».
[9] « Pyophage » voir l’article : Villarroel et al. 2017 « Metagenomic Analysis of Therapeutic PYO Phage Cocktails from 1997 to 2014 ». Viruses 9, nᵒ 11 : 328.
[10] « Intesti », voir l’article : Zschach et al. 2015 « What Can We Learn from a Metagenomic Analysis of a Georgian Bacteriophage Cocktail ? ». Viruses 7, n° 12 : 6570-89.
[11] Voir article : Fish et al. 2016. « Bacteriophage treatment of intransigent diabetic toe ulcers : a case series ». Journal of Wound Care 25, nᵒ Sup7 : S27 33.
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