martes, 9 de septiembre de 2014

Conférence de Presse du SsCommandant Galeano

Texto en Castellano

Paroles du Sous-commandant Galeano

Traduction par; PortaPlumas
Traduction de la première partie de la conférence de presse de l’EZLN, à l’occasion de la rencontre entre l’armée zapatiste et le Congrès National Indigène. Discours du Sous-commandant Insurgé Galeano, paru sur le site de liaison zapatiste le 12 août 2014.

Première partie : paroles du SupGaleano

Transcription de la Conférence de presse de l’EZLN avec les Médias Libres, autonomes, alternatifs ou comme ils s’appellent, du 10 août 2014, à La Realidad Zapatiste, Chiapas, Mexique.
Première partie : paroles du SupGaleano
Bonjour la cité Gothique… Maintenant que vous finissez de prendre vos photos là-bas dans le kiosque, ici nous allons commencer la conférence de presse.


Asseyez-vous s’il vous plaît que nous commencions dans quelques minutes et que vous puissiez partir. S’il vous plaît mettez-vous à l’aise, compañeros,compañeras. Assis.

Bonjour la cité Gothique (c’est un clin d’œil à un compagnon qui twitte comme ça). Ce que vous venez de voir il y a un instant, en termes militaires s’appelle une manœuvre de diversion, en termes communs c’est de la magie. Et ce qui a pris quelques minutes, d’autres ont besoin de 20 ans pour que marche comme ça.

Nous aimerions commencer, profitant de la présence des médias libres, autonomes, alternatifs ou comme ils se nomment, et des camarades de la Sexta nationale et internationale, pour vous remercier. Et pour vous remercier je vais vous raconter l’histoire d’une mort.

Ce 25 août ça fera 10 ans qu’est mort le Lieutenant Insurgé d’Infanterie Eleazar. En 2004, mais dès 2003, il a commencé à souffrir d’une maladie, de celle qui n’apparaissent que dans docteur House ou quelque chose comme ça, qui s’appelle Guillain-barré, qui se manifeste par une détérioration lente de tout le système vital jusqu’à la mort. Il n’y a pas de remède, il faut maintenir le malade en vie artificielle, branché.

Il est tombé malade et ils l’ont emmené à l’hôpital de Tuxla Gutiérrez. Là ils lui ont diagnostiqué ça et ils ont commencé à lui dire qu’il valait mieux qu’il parte, que ce n’était pas grave ; bien que lorsqu’ils m’ont dit de quelle maladie il s’agissait, je savais de quoi il s’agissait ; car les médecins, qui ne voyaient en lui qu’un indigène, savaient qu’il ne pourrait pas payer le traitement. En fait c’est un traitement de survie, il n’y a pas de remède.

Mer… credi… voyons si je peux tirer les miliciens à l’ombre, sinon ici ils vont cuire sur place, Lico…
Le bandeau c’est pour que vous pensiez que j’ai un œil de verre, mais non. Moi et mes maudites idées, maintenant je dois me balader avec.

Bon, cette maladie… au Chiapas, j’imagine dans le reste du pays, la situation avec le patient c’est que le médecin calcule si il peut payer ou non le traitement. S’il ne peut pas payer, et ça selon ses calculs, on lui dit qu’il n’a rien ou on lui donne quelque placebo afin qu’il pense qu’il va guérir et on l’envoie mourir chez lui.

Nous, nous avons dit non. Nous avons commencé à puiser dans la caisse de guerre ou la caisse de résistance, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le soutenir. Nous nous sommes alors adressé, je vous parle de 2003 quand un certain secteur de l’intelligentsia artistique nous chérissait encore, pour leur demander leur soutien afin de pouvoir continuer à maintenir en vie ce compagnon. Ils se rirent de nous, enfin quoi, les indigènes peuvent attraper la variole, rougeole, typhoïde, tout ce genre de chose, mais pas une maladie si aristocratique, disons, car ne touchant qu’une personne sur un million, comme c’est le cas du Guillain-Barré.

Lorsque nous n’avons plus pu le soutenir, nous avons emmené le Lieutenant Eleazar à Oventic et là avec les appareils que nous avons pu nous procurer nous l’avons maintenu en vie, jusqu’à ce que le 25 août d’il y a 10 ans il meure.

Dix ans plus tard, avec le malheureux assassinat du compa Galeano, l’école et la clinique, qui étaient autonomes c’est-à-dire qu’ils étaient des zapatistes d’ici, de La Realidad, ont été détruit par les paramilitaires de la CIOAC-Historique. Et pour la reconstruction nous ne sommes pas allés demander l’aide de ces gens, mais nous sommes allés demander aux gens d’en-bas, à nos compañeroscompañeraset compañeroas de la Sexta nationale et internationale.

Le compagnon Sous-commandant Insurgé Moisés, ici présent, avec le Commandant Tacho, ensemble avec les autorités zapatistes de La Realidad, ont fait leur calcul pour le matériel, avec les camarades qui s’y connaissent en construction, et il a chiffré ça à 209 000 pesos et quelques poils de cul. Les calculs qu’on faisait c’est :

Bon, la clique est à sec, grattons ici ce qu’on peut et peut-être arriverons-nous à la moitié et l’autre moitié on pourra la chopper dans la caisse de résistance ou on demandera du soutien aux autres caracoles.

L’histoire de ce qui est arrivé, vous la connaissez car vous en êtes les protagonistes. Et par ce vous je me réfère non seulement à ceux qui sont ici, mais à ceux qui à travers vous se rendent compte de ce qui se passe ici, c’est-à-dire noscompañeroscompañeras et compañeroas de la Sexta du monde entier. Vous avez quintuplé le surplus, le dernier décompte quintuple la demande de soutien.

Nous voulions vous remercier pour ça, parce que jamais auparavant l’EZLN n’avait reçu autant d’appui et cet appui fut supérieur à ce vous avez. Parce que nous savons que les camarades de la Sexta n’ont pas donné ce qu’ils avaient en trop, mais bien ce qui leur manquait. Nous avons lu dans vos médias libres, sur vos touiteur et sur vos fessebouc, des histoires qui nous ont rempli d’orgueil.

Nous savons que beaucoup d’entre-vous ont bataillé même pour trouver l’argent pour venir jusqu’ici, même que vous grattez pour vous mettre quelque chose sous la dent, ou pour changer de – j’allais dire caleçons – , ou ce que vous utilisez, et peu importe, vous avez fait l’effort pour trouver ça et donner une preuve de ce qu’est le soutien entre compagnons et non l’aumône qui vient d’en-haut.

Alors ce que j’aimerais que vous disiez tout d’abord aux camarades du monde entier, dans leurs langues, dialectes, façons, temps et géographies, c’est merci, vraiment. Ils ont donné une belle leçon, non seulement à ces gens qui là-haut font l’aumône, aux gouvernements qui délaissent leurs obligations et qui plus est encouragent la destruction, mais ils nous ont aussi donné, à nous les zapatistes, une belle leçon, la plus belle que nous ayons reçue ces dernières années, depuis qu’est sortie la Sexta Déclaration.

Le sens de cette conférence de presse était d’accomplir ce devoir. A l’origine cette conférence de presse devait se tenir à Oventic, quand devait avoir lieu l’échange avec les peuples indiens, puis elle devait avoir lieu lors des funérailles du compagnon Galeano, l’hommage quoi. Et ce devait surtout être les derniers mots ou les adieux du Sous-commandant Marcos et les premiers mots du Sous-commandant Insurgé, désormais Galeano, qui allait alors s’appeler d’une autre manière.

Et c’est important ce que je vous dis, ce qui allait advenir, enfin comment ça avait été pensé, afin de vous proposer une autre lecture de ce que fut l’hommage à Galeano et cette transition entre la mort et la vie que fut la disparition du défunt Sous-commandant Insurgé Marcos, auquel le diable tord les narines, ça c’est sûr, quel bel homme, enfin chacun pense ce qu’il veut. C’était du sarcasme, je ne sais pas si on… peut encore distinguer ce genre de choses.

Écoutez, camarades, pour comprendre ce qui s’est passé au matin du 25 mai il faut comprendre ce qui s’est passé avant, ce qui allait se passer. J’ai lu et entendu des interprétations plus ou moins judicieuses, la plus part complètement insensées, sur ce qu’a signifié ce matin du 25 mai. Quelques-unes ingénieuses, comme par exemple, que tout ça était un truc pour éluder une pension alimentaire ou une paternité.

Mais la majorité faisait abstraction de ce qui s’était passé, par exemple, il s’est dit que les zapatistes disaient que les médias à gages n’existaient pas, que maintenant ils étaient l’ennemi, que c’était une action contre les médias à gages, etc. Mais si vous avez un tant soit peu de mémoire, dans l’invitation originale, l’évènement était ouvert à tous, lorsque ce devait être à Oventic. Ça voulait dire que les médias à gages aussi pouvaient venir.

Ce qui devait se passer c’est que Marcos allait mourir et qu’il allait faire ses adieux aux médias à gages, expliquer comment on le voyait alors, remercier et allait s’adresser et se présenter aux médias libres, alternatifs, autonomes ou comme ils se font appeler. Ce que je veux dire par là c’est qu’une lecture possible, c’est peut-être pas la plus judicieuse, en ce qui concerne la matinée du 25 mai 2014, signifie que l’EZLN est en train de changer d’interlocuteur, et c’est pour ça que je vous ai raconté l’histoire du défunt Lieutenant Insurgé d’Infanterie Eleazar, vétéran de guerre, qui a combattu en 1994.

Les zapatistes n’ont, non seulement, pas dit que les médias à gages n’existent pas, telle que la bêtise qu’a dite quelqu’un par là, ce qui se passe avec les médias à gages c’est autre chose, qui n’a rien à voir avec nous et a tout à voir avec l’avancée du capitalisme au niveau mondial.

Les médias à gages ont montré quelque chose qui est merveilleux dans le capitalisme, car c’est l’une des rares fois où on peut voir que le capitalisme convertie en marchandise ce qui n’est pas produit. Le travail des médias de communication est supposément de produire de l’information, la faire circuler de façon à ce qu’elle soit consommée par ses différents publics ou récepteurs, et le capitalisme est parvenu à ce que les médias soient payés sans rien produire, c’est-à-dire, pour ne pas informer.

Ce qui s’est passé ces dernières années c’est qu’avec l’avancée des médias de communication de masse non détenus par le secteur privé, c’est-à-dire qui sont en litige ou en bagarre, ou qui sont tel un terrain de lutte comme l’internet, la presse traditionnelle a commencé à perdre du pouvoir, pouvoir de diffusion et bien sûr, de capacité de communication.


Jai ici quelques donnés et je vais citer lauteur, Francisco Vidal Bonifaz, parce quil demande quà chaque fois quon utilise ses données on le cite, qui fait une analyse du tirage des principaux journaux du Mexique (note : probablement que celui qui parle se réfère au livre « Les Propriétaires du Quatrième Pouvoir », éditions Planète, où lauteur, Francisco Vidal Bonifaz fait une analyse exhaustive de la presse au Mexique. Dans ce livre et sur le blog « La Roue de la Fortune«  on peut trouver ces données, ainsi que les tirages de chaque publication, le statut économique et éducatif de leurs lecteurs, etc. Le livre et le blog sont recommandés à tous ceux qui veulent connaître plus profondément ce qui concerne la presse mexicaine. Note de courtoisie des « Tiers Compas »).
Les principaux journaux au Mexique, par cette espèce de provincialisme inversé qu’ont les chilangos (habitants de Mexico, péjoratif, ndt), considèrent comme journaux nationaux ceux qui sont produit au DF (District Fédéral, ndt), même si le tirage de ceux qu’il y a en province sont plus important.
En 1994, entre les différents journaux, ils sont tirés, parfois plus au propre qu’au figuré, à plus d’un million d’exemplaires. En 2007 la production était tombée à 800 milles, le nombre de lecteurs aussi avait diminué scandaleusement. D’une manière ou d’une autre le journalisme d’investigation et d’analyse, qui est le terrain qui aurait permis aux médias à gages de rivaliser avec l’information instantanée que rend possible internet, a été abandonné et laissé de côté.
Les médias à gages – en réalité ce n’est pas une insulte, c’est une réalité, c’est un média qui vit de rémunérations, non ? -. Quelqu’un dit « non, c’est que ce truc de médias à gages, ça paraît fort, très fort, utilisez plutôt médias commerciaux ». Ça semble pire média commercial que média à gages.
Les journaux ne vivent pas de la diffusion, c’est-à-dire de la vente de leurs matériaux, ils vivent de la publicité. Donc pour vendre de la publicité ils ont besoin de montrer à ceux qui vont acheter des espaces de publicité à qui ils s’adressent et qui sont leurs lecteurs. Par exemple, il faut dire que – ce sont des données de 2008 car après tous les journaux ont verrouillé l’information à leur sujet -, El Universal et Reforma parviennent à presque 70% de toute la publicité achetée dans la ville de Mexico, le reste, 30%, les autres journaux se les disputent.
Donc chaque journal a un profil, disons, de lecteur, une classe à qui il s’adresse, son niveau d’éducation, tout ça, et c’est ce qu’ils présentent à celui qui achète la page de propagande. C’est-à-dire, si je suis El Despertador Mexicano et que mes principaux consommateurs sont indigènes eh bien je vends au Huarache Veloz (sandale véloce, ndt) une pleine page de publicité pour qu’il vende ses sandales, ou du pozol, ou n’importe quoi.
Rien de moins que tous les journaux de la presse, même ceux qui se disent de gauche, présentent dans leurs analyses le profil de leurs lecteurs, tous, absolument tous, ont entre 60 et 70% de leurs lecteurs parmi les classes ayant un haut pouvoir d’achat. Les seuls qui reconnaissent que leurs lecteurs ont un faible pouvoir d’achat et un faible niveau d’éducation sont Esto, l’Ovaciones et La Prensa. Tous les autres journaux s’adressent aux classes supérieures, ou disons, à ceux d’en-haut.
Il est évident que cette classe avec un meilleur pouvoir d’achat peut avoir accès à l’information dans sa forme la plus instantanée. Pourquoi attendre pour voir ce qui va se passer, ce qui se passe dans d’autres parties du monde, que sorte le journal, si à l’instant je peux savoir ce qui se passe à Gaza, par exemple ? Pourquoi je devrais attendre le journaliste ou le lire si ici je peux le voir ?
Il n’y a ici aucun terrain de compétition car la super vélocité de ces médias de communication fait que les exclusivités ou les scoops s’estompent devant la concurrence de cette vitesse. Donc tous ces médias, même les progressistes, se disputent pour le classement, c’est-à-dire, pour ce public de classe moyenne-haute et supérieure, il y a une autre classe richissime, qui est bien au-delà de tout ça, je pense que ce sont ceux qui produisent l’information.
 
Les médias à gages n’ont que deux options pour survivre, car ils sont rémunérés. Ou ils achètent leur survie à ceux qui peuvent encore payer, c’est-à-dire la classe politique, qui fait leurs pubs et leur propagande mais dans un autre sens, même s’ils voient les tarifs de chaque journaux pour déployer une pleine page, une demie-page, un trois-quart, jusqu’au module proposé, qui est le plus petit, il y a un tarif spécial pour les publications non commerciales, les gouvernementales, et d’autres tarifs pour les nouvelles, par exemple les interview, dont personne ne comprend ce qu’elles font dans un journal car cela n’intéresse personne ce qu’a à dire tel personne, c’est de la rémunération. Les tarifs les plus élevés sont pour le non-commercial, c’est-à-dire ceux que payent le gouvernement, et les nouvelles, les insertions payées déguisées en information.
L’autre option qu’ils avaient était de développer le journalisme d’investigation et d’analyse que n’offrait pas internet. Qu’il n’offrait pas jusqu’à ce qu’apparaissent ces espaces comme ceux auxquels nous nous référons comme médias libres, autonomes, alternatifs (etc. je dirais à présent, car tout fout le camp). Ce qui pouvait plutôt être fait, de ce qui se passe, de l’information qui coule ainsi de manière renversante, c’est d’en faire une analyse, une dissection, d’ajuster et de chercher ce qu’il y a derrière, par exemple, de la politique du gouvernement israélien à Gaza ou de la politique de Manuel Velazco au Chiapas, ou de la même manière un peu partout.
N’importe qui avec un minimum de discernement s’informe de ce qui se passe à travers les journaux. Vous, vous êtes de mauvais exemples car vous n’êtes ni de la classe moyenne-supérieure et moins encore de la supérieure, si vous l’étiez vous ne seriez pas là. C’est à dire les potes, la bande dit « non, je veux savoir ce qui se passe au Chiapas, je vais lire la profonde analyse journalistique d’investigation de Elio Enriquez ». Personne ne le fait.
Personne ne dit « qu’est-ce qui se passe à Gaza ? Je vais lire Laura Bozzo pour qu’elle me dise ce qu’elle explique ». Non, ce terrain a été totalement abandonné, à la place c’est à travers les sites et les blogs que le terrain est couvert.
Ce langoureux disparaître ou reculer des médias à gages n’est pas de la responsabilité de l’EZLN, et bien évidemment n’est pas non plus de la responsabilité du défunt SubMarcos. C’est de la responsabilité du développement du capitalisme et de cette difficulté à s’adapter. Les médias à gages vont devoir évoluer pour devenir des médias de divertissement, c’est à dire, si tu ne peux pas t’informer au moins divertis-toi avec moi. Si tu ne tombes pas dans le journalisme d’analyse et d’investigation, dont n’importe quel reporter honnête, d’un média à gages, peux te dire « non, c’est que ça il ne le publieront pas. » ; et le journal gagne plus à ne pas publier qu’à publier ce genre d’articles.
C’est en cela que je vous disais que la non production se change en une marchandise, dans ce cas le silence. Si un journaliste moyennement décent et avec un minimum d’éthique fait une enquête sur l’implication des gouvernements des états de Salazar Mendiguchía, Juan Sabines Guerrero et Manuel Velazco avec la CIOAC-Historique, il sortirait qu’il y a beaucoup d’argent en circulation ici, dont celui que distribue Madame Robles de la campagne nationale contre la faim.
Mais ne pas publier cet article se vend mieux que de le publier, car qui va le lire, ce sont les ennemis de ces grands de la patrie qui vont le lire ? Alors qu’en se taisant et mieux encore en parlant du bon tournant pris par la capitale Tuxla Gutiérrez avec les ouvrages urbains lancés par Toledo, qui est le maire, et Manuel Velazco, et cela ça se vend bien, bien que ce ne soit que pure mensonge. Nous, nous vérifions les twitters des journalistes, ce sont des journalistes à gages, ils travaillent dans des journaux à gages évidemment, mais bien sûr ils sont informé de ça, de l’image de guerre que renvoie la capitale du Chiapas pour ces travaux complètement anachroniques et absurdes qu’ils font.
Par exemple, voilà des gens qui viennent du Veracruz, je crois que ces gens dirais « bon, eh bien nous pour savoir ce qui se passe au Veracruz nous lisons leHeraldo de Xalapa – oui il existe. Ils vont dire « écoutez, ne nous entubez pas Sub, pourquoi tout ça si ceci n’a rien à voir ».
Alors le problème que tous nous avons à travers le monde est, si ni l’information, ni l’analyse, ni l’enquête ne sont plus dans les médias de communication, si elles y ont jamais été, alors où va-t-on les trouver. Il y a un vide dans l’espace médiatique qui est disputé, hein.
Ce qu’il fallait également mettre en avant à travers cet adieu c’est que les médias qui se sont tant vanté de créer des personnages, ils se vantaient par exemple d’avoir créer, eux, Marcos, bien que depuis ils se soient efforcés de créer des personnages et non seulement ils ne sont pas parvenu à bâtir une personnalité internationale, encore moins national, même s’ils les payent, comme López Obrador.
Ça ne se peut pas. Aujourd’hui les personnalités qui ont surgi, qui ont ému ou fait bouger en quoi que ce soit l’information au niveau national, ne viennent pas des médias, mais plutôt malgré eux. Je ne sais pas si je vais bien le dire, Julian Assange, avec la révélation de tous les documents a démontré aux médias de communication au niveau mondial qu’ils n’informaient pas de ce qui se passait, s’est converti en référence. Bien qu’il fasse partie d’un collectif les médias travaillent sur lui. Il y a même un film sur lui en tant que personnage, bien que nous sachions tous que c’est un collectif.
Madame Chelsea Manning, qui a subi une opération pour devenir Chelsea Mannig, et Snowden, ce qu’ils ont tous fait c’est révéler ce qui est caché et ce qui aurait du être le travail des médias de communication de le révéler. Mais ceux qui ont vraiment dérangé le monde de l’information sont des collectifs où l’individu est complètement dilué, comme les Anonymous, dont on dit maintenant « on ne sait rien des Anonymous, ils ne se montrent pas ». Ce qui est absurde puisque s’ils sont anonymes pourquoi leur demanderions-nous de se montrer.
Enfin, ce que nous avons vu c’est que l’anonymat du collectif est ce qui est sur le point de remplacer et de plonger dans la crise cet effort médiatique de ceux d’en-haut pour trouver des individualités et des personnalités.
Nous, nous pensons que ça a tout à voir avec la formation du média. Si au sein des médias à gages il y a une structure qu’envierait n’importe quelle armée quant à sa verticalité, son autoritarisme et son côté arbitraire, avec un média collectif, c’est à dire un média alternatif, libre, autonome, etc, c’est une autre façon de travailler et une autre manière de faire.
Disons que dans les médias à gages celui qui fait l’information importe le plus. Si vous regardez les articles qu’il y a eu dans les médias à gages lors du vingtième anniversaire du soulèvement, en janvier de cette année, la plus part des nouvelles parlent de ce qu’on fait les journalistes il y a 20 ans, pas de ce qui s’est passé : « moi j’ai interviewé Marcos », « moi j’ai réalisé telle interview », « moi j’ai été le premier à entrer », « moi j’ai écrit le premier livre ». Quelle tristesse qu’en 20 ans ils n’aient rien fait d’autre que de se souvenir.
Mais c’est ce critère qui compte. L’exclusivité. Vous ne savez pas ce qui importe tellement pour un journaliste et ce que ça l’amène à faire, à ce qu’il fasse, pour avoir une exclusivité. Le fait de pouvoir avoir l’exclusivité de la dernière interview de Marcos ou la première de Galeano vaut, coûte, même s’il elle ne se publie pas, car comme je l’ai expliqué, taire est aussi une marchandise et peut se vendre.


 
Par contre je veux croire, moi, que dans les collectifs dont vous faites partie vous et d’autres qui n’ont pas pu venir, la façon de travailler fait que l’information pèse plus que ce lui qui la produit. Bien sûr, il y en a quelques-uns qui ont encore besoin d’apprendre à rédiger, mais la grande majorité rivalise en ingéniosité, en analyses, en profondeur et en enquête sur ce qui se passe.
Ce que nous, nous voyons c’est, dans ce bordel qu’est le monde capitaliste, où nous trouvons l’information. Si nous allons sur internet et que nous googlisons, comme on dit aujourd’hui, Gaza, alors nous pouvons trouver que les palestiniens sont des assassins qui s’immolent simplement pour détruire moralement l’armée israélienne, ou inversement. Vous pouvez trouver ce que vous voulez. Où vas-tu trouver l’information de ce qui se passe réellement ? L’idéal serait que les palestiniens nous disent ce qui se passe, pas à travers d’autres.
Dans ce cas, par exemple, nous, nous disons, ce ne serait pas mieux de savoir ce que disent les zapatistes ? plutôt que quelqu’un nous dise ce qu’il croit qu’ils auraient du dire, même pas ce qu’ils croient que nous avons dit, c’est ce que nous aurions du dire.
Comme certains disent que dans le texte de la lumière et l’ombre, Marcos dit qu’il ne va plus jamais écrire, donc Galeano ne va pas pouvoir écrire, bien qu’ils ne se soient pas rendu compte que lorsque tout le monde s’était dit au revoir, le chat-chien était resté. On peut voir beaucoup de chose ici mais ça n’a pas d’importance maintenant.
Ce que nous voulons montrer c’est, la meilleur information est celle qui vient de l’acteur pas de celui qui couvre ce qui se passe. Ceux qui peuvent faire ça ce sont les médias libres, autonomes et alternatifs. Ce que je vous dis, compañeros etcompañeras et compañeroas, est une tendance, ce n’est pas ce qui va se passer tout de suite. C’est à dire, ne faites pas les beaux, en disant « oué maintenant on est au top et le monde dépend de nous ».
C’est une tendance que nous, nous voyons par cette malédiction qui nous fait voir les choses avant qu’elles n’arrivent. Nous voyons que les médias à gages, en tant que médias d’information, sont franchement en décadence, pas de leur propre fait hein, ça a à voir avec leur manière d’avoir embrassé une classe politique qui elle aussi se délite, pour survivre et ça, ça se comprend.
Nous, nous ne critiquons pas le fait que quelqu’un travaille pour un média et vive de ça. Mais nous pensons que la dignité et la décence ont une limite et qu’il y a des limites qui ont été franchies, mais ça c’est quelque chose de personnel, et nous, nous ne jugeons pas cela. Ce que nous voyons c’est que le problème dans un média à gages c’est la survie, alors leur survie passe par un côté qu’ils ne suivent pas et ils suivent plutôt l’immédiateté.
A long terme le média à gages, en tant que quelque chose que tu achètes et consommes, va disparaître. Pourquoi tu achètes le journal si tu peux le consulter en ligne ? Mais en plus tu ne vas pas chercher l’information ici, tu ne vas pas chercher l’analyse de ce qui se passe.
Nous disons alorssi nous voulons savoir ce qui se passe au Michoacán, l’idéalserait que ceux du Michoacán nous disent ce qui se passe.
Nous pensons, si les gens d’autres parties du monde ou du pays veulent savoir ce qui se passe avec les zapatistes qu’il y ait au moins un espace où ils puissent entrer.
Ce que je veux dire par là c’est que nous ne voulons pas de militants pour ça, militants de la communication zapatiste, pour ça existe cette maudite idée des tiers médias. Nous voulons des écoutes, c’est à dire que les gens qui veulent se rendre compte se rendent compte de quelque chose de vrai, ou d’une analyse profonde ou d’une vraie enquête, en prenant en compte l’importance d’une nouvelle ou d’une information, et non qui la produit.
Nous, nous voyons qu’à long terme les médias libres, autonomes, alternatifs, vont combler ou peuvent combler – nous ne savons pas si ils le feront -, peuvent combler ce vide qui se creuse actuellement dans l’échange d’information au niveau mondial. Internet ne le comble pas bien qu’ils le pensent, sur internet tu peux trouver ce que tu veux, si tu es pour quelque chose tu trouves les arguments favorables, si tu es contre quelque chose ici même tu trouveras les arguments contre.
Il y a donc un besoin pour cette information d’avoir un espace où s’installer, qu’elle soit lisible. Et ça c’est, nous, nous disons qu’à grands traits et en une tendance, c’est ce que vont couvrir les médias de communication alternatifs, autonomes, libres ou comme ils s’appellent.
Et ça c’est ce que nous voulions dire lorsque ça devait être à Oventic, que vous n’avez pas la putain d’idée du boulot qui va vous tomber dessus. Ce n’est pas que nous vous bourrons le mou pour que vous veniez à La Realidad, maintenant allez de tel côté et là-bas vont les tiers médias, ou les cinquièmes, à quoi ça ressemble, les cinquièmes non, j’ai pensé, mais c’est une blague, alors il vaut mieux mettre les tiers médias (note : il est évident que celui qui parle est affecté par la fait d’être borgne, parce qu’en réalité il aurait du dire « les tiers compas », et nous vous envoyons donc une protestation énergique pour que vous la publiiez dans le même espace et avec la même importance que son lapsus. Note de courtoisie des « Tiers Compas »).
Non, ce qui vous arrive c’est l’espoir de beaucoup de gens. Nous, nous n’avons aucun espoir en vous, nous avons confiance en vous, pas en vous seuls qui êtes ici mais en ce que vous êtes, la tendance que vous puissiez couvrir cet espace.
Le problème que nous voyons maintenant est ce lui de la paye. Les médias autonomes, libre, tout ça, se maintiennent… la plus part du temps ceux qui y entrent coopèrent mais ont un autre boulot, et donc le média autonome, libre, alternatif, est comme les tiers médias (nota : lapsus et protestation réitérés. Cordialement « Les Tiers Compas »), c’est à dire qu’il fonctionne comme il peut car il faut aller au boulot, il faut vite y aller pour pouvoir toucher sa paye. Ou ils durent pendant qu’il y a de l’argent, et quand il n’y a plus d’argent et bien le média disparaît. Il se peut aussi qu’il dure, pourvu que ça ne se passe pas comme ça, lorsque le calendrier impose sa logique aux participants, c’est à dire, lorsqu’ils grandissent et mûrissent, comme disent ceux d’en-haut, et délaissent les folies et les révoltes.
Bref, nous pensons que vous avez ce problème et que vous devez le résoudre d’une manière ou d’une autre, je ne sais comment. Je vois que sur certains sites apparaissent maintenant des choses comme des conseils pour maigrir, comment ne pas vieillir, grill pour la peau, je ne sais pas comment ils disent, lifting, ce qu’ils se mettent, des choses comme ça et de l’ésotérisme et tout le bordel. Bon, que celui qui voit ce média alternatif, ne se fie pas à tout ça, il touche quelque chose. Certains font ça, mais même pour qu’ils leur donnent ça, ils doivent montrer que quelqu’un visite leur site, quelqu’un de plus que vous.
Nous plaisantions il y a bien des années avec ceux qui se chargeaient du site avant tout ça, qui disaient « non, tel communiqué a fait tant de visites ». Je leur disais « mensonge, c’est nous qui faisons des clic, clic, clic, clic, clic, mais non ».
Je ne sais pas, la même chose qui vous a amené à travailler en collectif, à part que plusieurs eh bien le font de manière artisanale urbaine ou je ne sais pas comment on dit, que vous produisez tout ça, au mieux le même en collectif vous pourriez trouver la manière de faire que le média ne disparaisse pas, qu’il se maintienne et grandisse. Vous n’avez pas d’autre choix, compagnons, je suis désolé de vous donner cette information, mais ou vous grandissez ou vous allez disparaître. Même ceux qui sporadiquement sortent des informations, il ne leur reste que ça parce qu’entre vous aussi il commence a y avoir ce développement. Souhaitons que cette disparité de développement se fasse sur la profondeur des analyses, sur la capacité d’enquête et de je ne sais quoi d’autre, et non parce que certains auront résolu le problème de la paye et d’autres non.
Je laisse ça là, car il y a beaucoup de monde qui attendent plus de vous que ce vous pouvez imaginer.
Bien donc pour résumer. Les médias à gages existent, ils sont réels, ils ont leur importance, cette importance diminue tendanciellement et ce qu’a fait l’EZLN c’est changer radicalement sa politique médiatique. Nous ne voulons pas parler à ceux d’en-haut, le Sous-commandant Moisés va vous expliquer ça plus précisément dans la partie de questions réponses, qui consiste à ce que les médias zapatistes, à ce que nous fassions les questions et que vous, vous donniez les réponses, pas l’inverse.
Ce qu’a donc fait l’EZLN c’est de dire : voilà, ne nous intéresse plus ceux à qui nous nous adressions à travers Durito, le Vieil Antonio, la presse à gages quoi, mais maintenant nous nous intéressons aux gens qui comprennent le fait même du chat-chien ; cette reconnaissance de la différence et la reconnaissance qu’il y a des choses que nous ne comprenons pas et que ce n’est pas parce que nous ne les comprenons pas que nous allons les juger ou les condamner – comme un chat-chien qui existe, vous n’allez pas me croire mais il existe, il est réel.
Ce qui nous intéresse, nous, c’est de parler avec vous et vous écouter vous, et par là je veux dire aux gens qui à travers vous nous écoutent et qui à travers vous parlent avec nous. Si nous voulons savoir ce qui se passe de tel côté, nous cherchons d’abord sur les médias libres, alternatifs, il y a peu d’info hein, mais c’est bien mieux que n’importe quel média à gages, où en plus il faut s’inscrire avec une carte de crédit pour pouvoir lire Laura Bozzo qu’il y a un peu partout.
Qu’est-ce qui a donc altéré ce plan d’adieux ? C’est à dire de dire aux médias à gages « merci pour ce que… », même si la majorité d’entre eux furent des complices involontaires et malgré eux, de ce qu’ils ont été, ce qu’ils ont vu il y a un baille, une manœuvre de diversion ou un acte magique, et vous avertir, vous, de la malédiction, ben qui vous tombe dessus, quoi.
La plus part d’entre-vous sont jeunes. Nous autres, nous pensons, que la révolte n’a rien à voir avec le calendrier, ne devrait rien avoir à voir avec le calendrier, parce que nous, nous voyons des gens qui ont maintenant l’âge, n’ont pas le jugement parce que eh bien…(inaudible), mais qui restent des révoltés. Et nous, nous avons l’espoir que vous suiviez, même si ce n’est pas vous, au pire certains se partageront le travail, « bon, vous, vous chercher les fonds, et nous ça, et on tourne, ou quelque chose comme ça », mais ne laissez pas tomber ce travail, c’est vraiment important.
Qu’est-ce qui s’est passé ? Car si vous tenez compte de ce plan d’origine où allaient venir tous les médias à gages, qui était toujours maintenu deux semaines avant, 15 jours avant que ne soit dit non, vous n’entrerez pas à l’hommage à Galeano.
C’est une mort qui est survenue. Là-dessus je n’ai lu, je ne dis pas que ça n’existe pas, qu’un article de John Gibler, qui se trouvait passer par là. Il racontait qu’il disait à quelqu’un ce qu’avait été l’hommage à Galeano et cette personne avec laquelle il parlait lui disait « mais tout ça juste pour un mort ? », et lui, essayait de dire eh bien c’est qu’un mort, lui expliquant du mieux qu’il pouvait, quoi. Et nous, nous voulons lui dire l’important qu’est pour nous un mort.
Si nous laissons passer une mort nous en laisserons passer deux, si nous laissons passer deux il y en aura dix, puis cent, puis mille, puis des dizaines de milliers comme pour la guerre contre le supposé narcotrafic faite par Calderon, on a laissé passer une mort et ensuite il y en a eu des dizaines de milliers. Nous, non. Peut-être mourrons-nous de mort naturelle ou de mort juste, c’est à dire en luttant, mais nous ne permettrons pas que quiconque, aucun de nos compañeros et compañeraset compañeroas ne soit assassiné impunément, nous ne le permettrons pas. Et nous ferons tout nos efforts même s’il n’y en a qu’un, même le plus ignoré, ou le plus méprisé, ou le plus inconnu.
Et la colère que nous avions avec Galeano, c’est que ce compagnon Galeano était celui qui se chargeait de recevoir ceux de la presse à gages, il leur portait leurs sacs, les emmenait à cheval jusqu’au lieu des interview ou des reportages, les recevait dans sa maison et leur donnait à manger. Ceux qui ignorèrent et méprisèrent sa mort, et portèrent au nu les paramilitaires comme s’ils étaient des héros, victimes de l’arbitraire, allons bon, à l’heure où ils arrivaient ils ne prenaient même pas la peine de lui demander son nom et pendant 20 ans, lui s’est chargé de les recevoir, avec certains d’entre-eux il a même fait des paris sur le foot pendant les mondiaux de foot.
Nous nous attendions à la réaction de l’un de ceux avec qui il avait développé une telle relation, mais ils ne savaient même pas qui il était. Ils venaient interviewer Marcos, ils venaient voir Marcos, ils ne voyaient que le cheval, que l’arme, que ce qu’il avait lu, bien que le défunt Marcos savait évidemment quels livres il avait lu. Ils voyaient toutes ces choses et ils n’étaient nullement intéressés par celui qui les recevait.
Peut-être pouvons-nous comprendre qu’il ne les intéressait pas, après tout c’était un indigène, qui de plus n’avait même pas de visage, mais qui leur donnait à manger, porter leurs affaires, les aider avec le cheval, les accompagnait, leur disait où fouiller, de quoi il fallait se protéger, tout ça. Nous comprenons qu’il n’était pas important pour eux mais pour nous si, il était important, Galeano, comme tous et chacun des zapatistes. Nous avons fait tout ce bordel et nous continuerons à faire tout ce bordel à chaque fois, car nous ne permettrons pas la moindre mort, il n’y en aura aucune qui restera impunie.
C’est pour ça que nous avons tout changé, et la colère que nous avions fut celle qui mena le Sous-commandant Moisés, qui est celui en charge actuellement de tout ça, à dire que n’entrerait personne de la presse, et personne de la presse à gages n’entra alors qu’au début ils devaient tous entrer.
C’est ici, dans cette pièce qu’on a amené le cadavre du compagnon Galeano. Il y a une vidéo où on voit le cadavre, ils l’entourent et il y a les compagnons qui reprochent à ceux de la CIOAC la mort de Galeano. Ils ne les ont pas touché, camarades, moi qui suis supposé me contrôler et tout je les aurais au moins bousculé. Rien, ils leur crient dessus mais ils ne les touchent pas. N’importe où ailleurs, et ici même, ils auraient été lynchés parce qu’ils étaient responsables de cette mort et là gisait le cadavre.
Nous, nous sommes arrivés ici. Nous étions à Oventic pour les préparatifs, moi je m’entraînais avec une chaise-roulante, j’étais arrivé là-bas le jour-même à cheval, là j’allais arrivé en chaise-roulante afin d’alimenter ce qui dit que j’étais très malade, bien bousillé, bon ensuite, à la fin, j’allais me lever parce que mes genoux me faisaient mal à force de m’entraîner.
Lorsque nous avons appris nous sommes venus ici et nous avons vu, et voyez ce qui n’est pas sorti dans la presse ni ne sortira, celui-là, sortant ici, celui-là, celui-là celui-là, celui-là, ce sont eux qui étaient à la bagarre et venaient ici, à la porte duCaracol pour se moquer des camarades qui s’étaient enfermés ici pour qu’ils ne les agressent pas, ils étaient ici comme vous l’êtes vous-même.
Et ils se moquaient de comment il dansait, disaient-ils du défunt, à cause des coups de gourdin qu’ils lui donnaient, ils plaisantaient de la façon dont ils lui avaient tiré dessus, de comment ils lui avaient donné les coups de machettes, toutes ces choses que nous avons publié dans l’enquête car ce sont des douleurs qui nous appartiennent. Le Sous-commandant Moisés a fini l’enquête, elle ne sera pas rendu publique pour éviter la vengeance. Elle sera remise au Frayba avec les noms et tout, nous savons maintenant qui ils sont.
Nous étions dans cette situation, compas, et nous ne pouvions vous donner la moindre réponse car c’était ici une prairie sèche, qui pour peu, une petite étincelle, prendrait feu entièrement, et il y aurait eu un bain de sang ici. Nous nous sommes retenus et retenus mais cette colère ne nous a pas lâché. Elle ne nous a toujours pas lâché.
Donc la réponse, John Gibler, c’est que pour les zapatistes une mort injuste est de trop et c’est pour ça que nous sommes prêts à tout.
Cette conduite des médias impose une logique inhumaine, absurde, hors de propos partout dans le monde. Regardez, par exemple les enfants de Palestine ont démontré une grande patience à mourir, parce que il y en a un qui meurt et personne n’y prend garde, et il faut additionner les cadavres pour que d’abord les grands médias de communication regardent, et qu’ils continuent à mourir pour que sortent les images. Et ils continuent à mourir pour que les images soient vues et ils doivent mourir d’une manière scandaleuse hein, de manière à indigner, pour que les gens d’en-haut commencent à dire « écoutez, non, qu’est-ce que vous êtes en train de faire là », ou pour faire quelque chose.
Chaque fois nous, zapatistes, sommes toujours surpris par le peu d’humain qu’il y a dans l’humanité d’en-haut. Pourquoi faut-il tant de sang pour qu’ils disent quelque chose ? Et ensuite il se trouve qu’ils modèrent leur position : « Ok, tuez-les mais ne le montrez pas, car ça nous met en lumière. »
Robert Fisk, qui écrit dans El Independiente, de Grande Bretagne, disait ce que nous disons d’une autre manière : les grands médias de communication sont en crise car les gens qui les lisent – qui sont de la classe supérieure, avec un fort pouvoir d’achat et bien informés, d’après ce qu’ils disent – sont indignés d’être traités en idiots par les médias de communication qui essayent de présenter le massacre en cours à Gaza comme s’il s’agissait d’un affrontement ou comme si la faute incombait au Hamas. Les gens se sentent insultés quoi, ce n’est pas parce qu’ils ont de l’argent qu’ils sont bêtes, certains le sont évidemment, mais si ils sont intelligents ils se sentent insultés, et il le reconnaissait dans un article, en disant « nous sommes en crise, les gens ne nous croient plus, ne nous prennent plus au sérieux, mais en plus ils nous demandent des comptes ». Ailleurs ça fait longtemps que ça se passe comme ça, comme ici au Mexique.
Et bien ce qui se passe en Palestine, de ce dont personne ne parle, de cette patience mortelle des enfants palestiniens, nous disons que c’est la responsabilité du gouvernement d’Israël. Nous faisons toujours la différence entre les gouvernements et les peuples, nous savons que c’est la tendance naturelle, bien qu’en d’autres occasions nous ayons dit que le problème n’est pas le sionisme ou l’antisémitisme, les bêtises du style que continuent à dire les grosses têtes.
Nous ne pouvons dire que, parce que le gouvernement d’Israël est assassin, le peuple d’Israël est assassin, parce que sinon vous allez dire que le peuple mexicain est idiot car le gouvernement mexicain est idiot, et nous, au moins, nous ne sommes pas idiots. Il y a des gens en Israël, nous ne savons pas combien ils sont, nobles, conscients, honnêtes, pas forcément de gauche, car la condamnation de ce qui se passe en Palestine n’a rien à voir avec la position politique, c’est une question de décence humaine, personne ne peut voir se massacre et dire qu’il ne se passe rien ou que c’est la faute de quelqu’un d’autre.
Ce que je vous expliquais au sujet de la crise des médias à gages et de l’émergence des médias libres, alternatifs ou autonomes, c’est une tendance dans laquelle s’inscrit le long chemin des médias libres ou autonomes, il va se passer des choses, et je ne voulais pas vous les dire, mais il faut les dire.
Il y a des gens qui vont s’évanouir, comme disent les camarades, c’est quand l’un se rend, quand il abandonne son travail, la lutte, c’est qu’il s’évanouit disent-ils, c’est qu’ils cessent de lutter.
Les gens à qui les médias à gages vont faire ça, vient par là – manger de la merde, a dit le sous-directeur d’un journal, mais on va te payer pour manger de la merde -, ce sera parce qu’ils écrivent bien, parce qu’ils ont de bonnes analyses, ou parce qu’ils cadrent bien les photos ou les vidéos ou peu importe.
Et certains partiront, d’autres qui vont trahir diront : « non, putain, ce texte n’est pas vrai, j’ai tout inventé » ou n’importe quoi d’autre. Et d’autres vont renoncer. Le renoncement c’est un mot que comprennent bien les compas, qui veut dire que tu es en chemin et tu dis « ah non, et encore non, par ici non, je vais plutôt par là ». Presque toujours dans ce cas-là ça tient non pas à abandonner un boulot, parfois certains doivent travailler pour vivre, mais d’abandonner une position vis à vis de ce qu’est le maniement de l’information, dans le cas des médias libres, autonomes ou alternatifs.
Les problèmes qui vont apparaître tiennent à l’argent, c’est à dire qu’il va vous falloir survivre. La survie. Ça c’est un problème, non seulement en tant que médias mais aussi en tant qu’êtres humains qui ont toujours besoin de se nourrir. Non ? Même si certains sont en train de dépasser ça mais…
Ce que nous voulons que vous sachiez également, et à travers vous d’autres médias libres, c’est que nous, nous reconnaissons ces efforts et sacrifices. Nous savons que c’est difficile de venir jusqu’ici pour quelqu’un qui a une paye, pour quelqu’un qui n’a pas de paye c’est héroïque. Nous vous reconnaissons ça, nous connaissons ça, nous savons et nous vous saluons. Soyez assurés que si quelqu’un doit tenir compte de ce que vous êtes en train de faire, c’est nous.
Où chercher l’information ? Dans les médias à gages ? Non. Sur les réseaux sociaux ? Non plus. Sur l’instable et houleuse mer du réseau ? Pas plus, je te dis que tu peux y trouver n’importe quoi.
Il y a donc un vide sur où trouver l’information. Le média que vous utilisez en ce moment est aussi votre limite, vous arrivez jusqu’à plus de gens mais c’est aussi la limite car les gens qui n’ont pas un accès à internet de vitesse moyenne, je vous défie de charger une de vos pages, mer… credi, voilà qu’il y a une autre guerre, un autre soulèvement ou même que nous avons gagné la guerre avant de la charger entièrement. Il devrait y avoir une version plus légère ou quelque chose comme ça, celle de smartphone ou peu importe. Mais la plus grande partie de vos interlocuteurs, ou de ceux qui devraient être vos interlocuteurs ne les utilisent pas, mais ça, ça peut changer.
Nous disons que dans ces moments le principal moyen de communication est l’écoute, c’est pour ça que nous nous référons à vous comme « écoutes ». Il y a des gens, c’est ce que je disais à Moi, qui ont besoin de parler, peu leur importe si on ne les écoute pas, ils doivent parler et à tout propos. Mais il y a des gens pour qui c’est important d’être écouté, et pour que vous les écoutiez ils misent, parce que ce message ou cette parole arrivera plus loin.
La préoccupation des compañeroscompañeras, du CNI qui sont venu.e.s, c’est qu’ils étaient chargés d’être écoutés. À la différence de l’Autre Campagne. Je me souviens de ces multiples cauchemars, du divan collectif du « frappez-vous, nous y allons », que fut l’Autre Campagne, où chacun disait ce qui lui venait, sans que lui importe si on l’entendait ou non, si on le comprenait ou non, le truc c’était que sorte à ce moment-là, comme on dit, son envie. En plus c’était gratuit, imagine ce que ça te coûte chez le psychanalyste ou le psychiatre ou comme on dit maintenant.
C’était juste pour vous avertir que le média est aussi la limite et qu’il faut chercher. La source directe apparaît maintenant comme la principale, et nous, nous disons : les peuples originaires sont les spécialistes de l’écoute. En réalité je vous préviens de ce qui va arriver avec le festival mondial de la révolte et de la résistance, que ce soit une sorte d’exhortation à ce que ça ne soit pas la copie des réunions de La Otra, celles de préparations et tout, parce que ces compañeros etcompañeras des peuples originaires sont des spécialistes dans l’art d’écouter, de la communication par excellence.
Que celui qui est l’acteur, ou qui subi, ou qui exerce une action, te dise comment il le voit, ceci n’implique pas qu’il y ait une analyse. C’est ce que tu me dis mais moi, je vois telles choses. C’est le travail de l’informateur hein.
Et nous voyons aussi dans ce maniement des médias, à partir de la malheureuse mort de Galeano, qu’il existe aussi dans les médias cette différence entre l’aumône et le soutien. Chez les médias à gages quand ils te portent attention tu dois les remercier, et c’est quelque chose qu’ils n’ont pas pardonné aux zapatistes, « en quoi pouvons nous encore vous filer un coup de main », ils diraient « et ne mordez pas la main qui vous est tendue ». Nous ne voulons pas digérer ça, nous crachons sur la main, parce que l’attention des médias est pour eux aussi une aumône.
À l’inverse, pour les médias libres, alternatifs, autonomes, etc, ce n’est pas une aumône. C’est un devoir qu’ils accomplissent, qu’ils remplissent malgré toutes les difficultés qu’ils ont, et c’est ce que nous appelons un « média ami ». Je sais bien que Tacho vous a mis en miettes, c’est pour ça que nous avons sorti les tiers compas, quoi (note : maintenant celui qui parle l’a dit correctement. Cordialement « Les Tiers Compas »).
Mais c’est ça la différence entre un média à gages et un média ami. Ce n’est pas que l’un a de l’argent, ou paye, ou non. La différence c’est que pour certains nous sommes une marchandise, qu’ils parlent ou non de nous ; et pour d’autres nous sommes un espace de lutte comme celui qu’ils ont et comme il y en a des milliers dans tous les coins du monde.
Lors de l’événement d’hier, qui était ouvert à la presse, seuls trois journalistes sont venus, quatre, l’un était des trois vicomtes qui ont calomnié la mort de Galeano, celui-là n’est pas entré. Les trois autres : l’un était de Processo, un qui fait un travail de presse sur la frontière sud et un autre qui travaille avec Aristegui. Jusqu’à maintenant seul celui de Processo a sorti quelque chose, mais aucun autre média n’est venu, je ne sais pas si c’est du genre Paquita du quartier, ou par dépit, enfin peu importe.
Combien de morts, car ce n’était pas un événement de l’EZLN, mais du CNI, ou combien de morts faut-il au CNI pour qu’ils leur jettent un regard. « Beaucoup », diraient les médias, pour que ça devienne une marchandise, et ensuite voir si ça se vend quand on te mentionne ou si ça se vend quand on ne te mentionne pas.
La différence pour nous c’est que le soutien que l’on donne à un camarade ne suppose aucune condition car on sait qu’en réalité ça fait partie de la même lutte.
Ce que nous voyons alors dans ce panorama chaotique que je vous présente, c’est qu’avec l’ultra rapidité et le bourrage, le bariolage de l’information qu’il y a, il est paradoxal que le meilleur niveau ou le niveau suprême de communication soit l’échange, ce niveau direct.
Les compas ont découvert quelque chose que vous, vous avez découvert dans votre travail, qui est le pouvoir de l’écoute. S’il n’est pas possible que nous écoutions tous ceci alors il y a besoin de quelqu’un qui se saisisse de cette parole et la jette derrière, comme on dit chez nous, c’est à dire chez les peuples, c’est ce que font les « écoutes ». Et c’est ce que vous, d’une manière ou d’une autre, vous faites.
Mais vu que ça c’est le (selon nous, mais bon vous savez, nous on y connaît rien en médias de communication), le niveau suprême est maintenant l’échange et pour autant ceux qui le font le mieux sont ceux qu’il faut écouter. J’ai bien l’impression que les peuples originaires sont balaises la-dedans, la patience, tout ça, mais de tout ça le Sous-commandant Moisés va vous parler plus avant.
Voilà ce que je tenais à vous dire. Compañeros et compañeras, il n’y aura pas de question parce qu’il me semble qu’en 20 ans vous m’avez demandé tout ce que vous aviez à me demander, et je crois avoir reçu un certificat d’impunité pour ne plus rien répondre, mais ça on vous le devait.
Nous allions encore le faire en cette matinée mais comme je suis maintenant de tiers média (note : mmh… celui qui parle n’apprend pas. Les tiers compas !)et que je voyais qu’on vous piratait tout, nous avons dit non, mieux vaut se lancer car ce n’est pas juste ce que font les médias à gages, parce que ce fut en plus, ce ne fut pas un vol, ce fut une spoliation de mépris. C’est à dire, je vais me l’approprier mais je ne vais pas dire de qui ça vient parce que qui se soucie de ce putain de tweet ou de ce putain de site que personne ne regarde.
Quels sont les reproches, d’après ce qu’on nous a dit, que nous faisaient les grands médias de communication qui sont arrivés à San Cristobal : « Ce Marcos est fou, il choisit des gens qui n’ont même pas dix visites sur leur site – alors donnez-leur plus de clic (inaudible), qu’ils arrivent peut-être à cent – et pas nous qui avons des millions de lecteurs ».
On vous devez bien ça, camarades, alors voilà. Galeano ne va pas rester muet, parfois Tacho va parler, parfois Moisés, parfois Galeano, ou n’importe qui d’autre, le chat-chien, peu importe. L’important ici c’est le changement d’interlocuteur, premièrement. Deuxièmement, l’important c’est cette tendance que nous voyons dans votre apparition en tant que médias libres, autonomes, alternatifs, etc.
Le fait que nous ayons créé les tiers médias (note : Arghhhh ! L-e-s T-i-e-r-s C-o-m-p-a-s!) pour que vous n’ayez pas à vous arrêter à ce bordel de venir jusqu’ici, pour vous envoyer du matériel. Ce n’est pas seulement qu’on reconnaît et valorisons votre travail, ce que nous reconnaissons surtout et valorisons c’est le sacrifice et tout ce que vous faites pour vous retourner et regarder par ici.
Pour cela aussi nous vous remercions, vous spécialement et tous les camarades de la Sexta en général.
C’est tout, cité Gothique. (note : celui qui parle a voulu imiter la voix du supervillain Mr Bane, mais ça l’a pas fait).
Fin de l’intervention du SupGaleano
(Transcription depuis l’enregistrement original à la charge des « Tiers Compas ». Et donc, avec les protestations et quelques énervements pour les lapsus, mais bon, c’est ça le boulot, qu’on pâtit, hein)
Copyleft : « les tiers compas » 12 août 2014. Est permise la reproduction sans recourir à l’auto-érotisme, la circulation underground et la consommation en mode « fermez tout il y a de la boue ».

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