convergence des luttes contre les méga-projets internationaux
Du 9 au 11 août ont eu lieu, à Acteal, les premières rencontres du « MOVIAC », une proposition organisationnelle issue d’organisations écologistes chiapanèques visant à soutenir et mettre en relation différentes luttes, initiatives et alternatives existantes au Chiapas, souvent isolées ou s’ignorant simplement les unes des autres. Lutte contre les projets miniers et les barrages hydroélectriques, défense de la terre et du territoire, lutte contre les « villes rurales durables », lutte contre les nuisances environnementales, lutte pour la souveraineté alimentaire : les thèmes de travail résument assez bien les enjeux et perspectives de cette rencontre. Une grosse centaine de personnes originaires de différentes régions et organisations sociales de l’État et une vingtaine de coopérants internationaux se sont ainsi réunis autour de ces thèmes durant 3 jours de discussion dans la communauté d’Acteal, au sein du centre organisationnel de l’organisation indigène « Las Abejas », lieu où furent massacrés en décembre 1997, 45 femmes et enfants par un groupe paramilitaire local.
PREMIERE RENCONTRE DU MOUVEMENT DES ALTERNATIVES AUX DEGATS
ENVIRONNEMENTAUX ET AU CHANGEMENT CLIMATIQUE (MOVIAC), SECTION CHIAPAS
DECLARATION D'ACTEAL
Réunis du 9 au 11 août 2012 sur la Terre sacrée des martyrs d’Acteal, lieu de conscience pour l’humanité, les plus de 300 représentants de 50 organisations paysannes et indigènes, communautés, organisations sociales et de solidarité, provenant de 18 municipalités de l’État du Chiapas (Pueblo Nuevo Solistahuacán, Chenalhó, Pantelhó, Chicomuselo, Cancuc, Tumbalá, Las Margaritas, San Cristóbal de las Casas, Comitán, Tuxtla Gutiérrez, Ocosingo, Chilón, Frontera Comalapa, Chamula, Simojovel, Tecpatán, Oxchuc y Tila); accompagnés de cœurs solidaires originaires de : Jalisco, Oaxaca, Puebla, Morelos, Distrito Federal, ainsi que des Etats-Unis, d'Espagne, d'Argentine, de France, d'Allemagne et d'Italie, et
d’invités spéciaux représentants du MOVIAC au Salvador et au Guatemala, avons analysé les problèmes environnementaux que nous vivons en différents endroits du Chiapas.
Le MOVIAC/Chiapas considère que la crise environnementale et climatique que nous vivons actuellement est une crise du capitalisme de pillage, rendu encore plus aiguë du fait du modèle d'extraction des biens communs naturels à l’œuvre aujourd’hui. Les entreprises, les gouvernements et les organisations multilatérales sont la cause de la dégradation de la planète, qu’ils prétendent résoudre aujourd’hui en faisant du commerce sur la crise climatique qu’ils ont provoqué, au travers de la soi-disant « économie verte » et ses fausses solutions qui ne font qu’accélérer le changement climatique, comme le sont par exemple les « Mécanismes de Développement Propre (MDP) », les « services environnementaux », la « Réduction des Émissions provoquées par la Déforestation et la désertification (REDD+) », et les « Villes Rurales », entre autres dispositifs.
L'extraction, la production, la distribution, la commercialisation et les déchets principalement produits par les pays soi-disant développés, ont amené l’équilibre planétaire à une situation critique affectant la vie de notre Terre-Mère. Pendant ce temps, les secteurs les plus vulnérables paient à un prix très élevé le bien-être de quelques-uns.
L’État du Chiapas et ses communautés et villages se trouvent menacés par la construction de grands et de petits barrages qui strangulent nos rivières dans les régions indigènes. Près de 120 concessions minières à ciel ouvert ont été autorisées par le gouvernement fédéral et soutenues par le gouvernement chiapanèque sur près d’un million d’hectares de terres et de forêts, amenant avec elles dévastation environnementale, contamination de l’eau, maladies et autres conséquences sociales et environnementales irréversibles.
Sous le signe du développement, le gouvernement promeut la “reconversion productive”, programme menaçant la souveraineté alimentaire et la biodiversité. Plus de 60 000 hectares de culture de palme africaine, et plusieurs milliers d’autres de pignon d’Inde et de jatropha s’étendent sur tout le territoire, et sous la promesse du développement, destinent en fait les communautés paysannes à la pauvreté et à la dépendance. Les agrocarburants en finissent avec la Terre-Mère et ses villages. De manière similaire, la culture du maïs et du soja transgénique autorise en toute impunité la firme Monsanto à contaminer génétiquement l’État du Chiapas, scellant ainsi à la misère le destin des producteurs paysans. Les projets de monoculture, d'appropriation des savoirs traditionnels indigènes, le vol du matériel génétique et les brevets déposés sur les semences traditionnelles camouflés derrière les projets de conservation environnementale, entre autres politiques mis en œuvre par les gouvernements fédéraux et chiapanèques, maintiennent notre Terre-Mère dans la souffrance.
Au Chiapas comme dans le monde entier, nous vivons les effets du réchauffement global, qui se manifeste négativement sur les cycles de semailles et de récoltes. Dans de nombreuses régions déjà, ni le haricot, ni les pommes de terre, ni les champs de culture ne poussent réellement.
Les fruits de nos arbres ne mûrissent pas. Les produits chimiques de Monsanto ne font plus d’effets et n’ont qu’envenimée la terre qui se remplit de nouvelles maladies, comme le sont les déchetteries municipales qui empoisonnent nos communautés ; et nos eaux et rivières se voient inondées des eaux usées provenant des villes. Nous sommes en train de perdre de manière accélérée les forêts et la biodiversité. Nos aliments commencent à manquer. Excès de pluies d’un côté, sécheresses de l’autre. Effondrements et glissements de terrains sont visibles dans tout l’État au fil des chemins de campagne.
Les projets de soi-disant développement sont mis en œuvre au travers de la tromperie, de la spoliation, des fausses promesses, de la désinformation et de la répression ; par l’achat des leaders, des organisations, des autorités communautaires et municipales, et la mise en œuvre d'une politique de contre-insurrection ayant comme objectif la rupture du tissu social, et la désarticulation des processifs d’organisation visant la résistance et la défense du territoire.
Au vu de tout ce qui a été dit précédemment, le MOVIAC/Chiapas se prononce sur les points suivants :
- Nous exigeons l’annulation immédiate de tous les projets et méga-projets en cours (barrages, parcs éoliens, extraction de gaz et de pétrole, villes rurales, agro-industries, etc.) qui attentent à la vie de la Terre-Mère et de ses peuples et villages.
- Nous exigeons particulièrement l’annulation du barrage Chacté et l’expulsion immédiate de l’entreprise canadienne « Pan American Hydro Corporation » de la municipalité de Cancuc, en soutien à la pétition et aux plaintes exprimées par le village de San Juan Cancuc.
- Nous exigeons l’annulation immédiate des projets miniers dans la Sierra
Madre, qui ont déjà provoqué des dégâts environnementaux irréversibles dans la réserve de la Biosphère d’El Triunfo, ainsi que l’annulation de toutes les concessions minières au Chiapas.
- Nous exigeons l'annulation de tous les permis de culture de semences transgéniques
- Nous exigeons une solution intégrale au conflit occasionné par les Villes Rurales dans la région du bouchon du fleuve Grijalva, de Malpaso et de Mapastepec.
- Nous condamnons les agissements des gouvernements fédéraux et chiapanèques, et tout spécialement de la SEMARNAT (secrétariat de l’environnement et des ressources naturelles), sa permissivité et sa complaisance face à des projets ayant un grave impact environnemental, et responsables de la dévastation de notre Terre-Mère.
- Nous exigeons du gouvernement du Chiapas la libération immédiate des prisonniers politiques luttant pour le respect des droits humains et la défense de la terre et du territoire.
- Nous condamnons la mort de Mariano Abarca Roblero, assassiné pour sa lutte contre la mine canadienne Blackfire, et exigeons justice.
- Nous exigeons la fin de la criminalisation des organisations, du mouvement social, ainsi que de la militarisation, la paramilitarisation, la violence et la persécution judiciaire des organisations sociales.
- Halte à la prolifération des grandes chaînes commerciales comme Wal-Mart et leurs boutiques Aurrerá, Soriana ou Chedraui, entre autres, qui brisent la souveraineté alimentaire du Chiapas et les économies locales.
- Nous exigeons que cessent les projets de conservation ayant pour objectif réel l’instauration de réserves de biodiversité pour le marché environnemental et les bionégoces.
- Il est urgent de trouver une solution aux rejets des eaux usées de villes comme Comitan, entre nombreux autres cas.
- Nous exigeons que cesse l'utilisation de nos territoires pour la décharge mal planifiée des déchets, qui contaminent nos terres, notre air et notre eau, comme à Chenalhó, Predio Santiago, Las Margaritas, San Cristóbal de las Casas et ses communautés de la zone sud, entre autres.
- Nous rejetons le programme de dépossession de la terre et des territoires des communautés et villages indigènes appelé FANAR (nouveau nom du programme PROCEDE).
- Nous alertons toutes et chacune des communautés, organisations, mouvements et villages de l'imminente exploitation irrationnelle et de l'appropriation, la spoliation et la concentration des terres et des vallées au bénéfice des entreprises, et de futures expulsions de grande importance. Nous témoignons de ce que les Villes Rurales où on prétend confiner les peuples originaires et paysans ne sont qu’un piège de plus, une tromperie et une fausse solution. Nous alertons également des menaces impliquées par l’imposition de gouvernements autoritaires et antidémocratiques.
De notre côté, le MOVIAC/Chiapas s’engage à dynamiser l’organisation communautaire, la souveraineté alimentaire, les cultures organiques, l’importance de la production pour l’autoconsommation, et à mettre sur place des banques de semences depuis les villages, ainsi qu’à préserver et fortifier les pratiques ancestrales d’agriculture, et demander à la Terre-Mère la permission de la fertiliser de ses semences qui nous offrent la vie.
Face à la situation que nous vivons, nous ne pouvons pas mettre de côté la nécessité de fortifier l’organisation locale, d’impulser des consultations communautaires, d’éviter de vendre les terres à des personnes étrangères à la communauté, de parvenir à des accords municipaux, communautaires et par ejido [figure juridique de gestion des terres collectives] au sujet du contrôle du territoire. Avec comme stratégie fondamentale de parvenir à prévenir que les méga projets et les entreprises ne parviennent à s'installer sur nos terres.
Le MOVIAC/Chiapas donne l'alerte au sujet du grave impact environnemental provoqué par le changement climatique, et incite à se préparer à la survie, la résistance, l’organisation, la prise de conscience et la recherche d'alternatives. Le changement climatique nous affecte tous et toutes et nous convoque à nous unir afin de combattre ce problème commun, indépendamment de quelque autre objectif qui dans le passé nous a poussé à envisager différents chemins, afin de pouvoir ainsi nous retrouver dans le même espoir de construire une vie meilleure.
Le MOVIAC/Chiapas se joint au processus méso-américain de construction d’un mouvement social engagé envers la Terre-Mère et ses villages.
La MOVIAC/Chiapas condamne le massacre d’Acteal, et d’un même cœur nous exigeons justice, paix et dignité.
Et nous, les peuples et villages demandons :
« Développement, énergie et conservation, pourquoi et pour qui ? »
Et nous affirmons:
« La Terre ne se vend pas, elle s’aime et se défend !”
Pour l’autonomie et l’auto-détermination de nos villages et de nos peuples,
MOVIAC/Chiapas
Terre Sacrée des martyrs d’Acteal
11 août 2012
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