Ci-dessous la traduction de l'intervention du sous-commandant Marcos de l'Armée Zapatiste de Libération Nationale lors du Festival de la Digne Rage qui a eu lieu fin 2008 et en ce début janvier au Mexique. Il y parle de la situation actuelle de Gaza et adresse un message de soutien au peuple palestinien.
À PROPOS DES SEMENCES ET DES RÉCOLTES
Il y a deux jours, au même moment où nous parlions de violence, l’innéfable Condoleezza Rice, fonctionnaire du gouvernement nord-américain déclarait que ce qui se passait à Gaza était la faute des palestiniens et de leur nature violente.
Les rivières souterraines qui parcourent le monde peuvent changer de géographie mais elles chantent toujours la même chanson.
Et celle que nous écoutons maintenant est celle de la guerre et de la honte.
Pas très loin d’ici, dans un endroit qui s’appelle Gaza, en Palestine, au Moyen Orient, ici à côté, une armée très fortement armée et entraînée, celle du gouvernement israélien, continue son avancée meurtrière et destructrice.
Le déroulement de ces derniers jours est celui d’une guerre militaire de conquête classique: d’abord un bombardement intense et massif pour détruire des points militaires ‘névralgiques” (c’est comme ça qu’ils disent dans les manuels militaires) et pour “ramollir” les fortifications de résistance, ensuite un contrôle de fer de l’information : tout ce qui s’écoute et se voit depuis le” monde extérieur”, c’est à dire, extérieur au théâtre des opérations, doit être sélectionné avec des critères militaires; maintenant plein feu de l’artillerie contre l’infanterie ennemie pour protéger l’avancée des troupes vers de nouvelles positions; ensuite ce sera le siège pour affaiblir la garnison ennemie; ensuite l’assaut pour conquérir la position de l’ennemi, ensuite, le “nettoyage” des probables “ nids de résistance”.
Le manuel militaire de la guerre moderne, avec quelques variations et quelques ajouts, est suivi pas à pas par les forces militaires d’invasion.
Nous, nous ne connaissons pas bien la situation, et il est sûr qu’il existe des spécialistes sur ce qu’on appelle “le conflit au Moyen Orient”, mais depuis ce petit coin du monde, nous avons quelque chose à dire :
Selon les photos des agences de presse, les points “névralgiques” détruits par l’aviation du gouvernement d’Israël sont des maisons habitées, des cahutes, des bâtiments civils. Parmi les destructions, nous n’avons vu aucun bunker, ni caserne ou aéroport militaire, ni batterie de canons.
Excusez notre ignorance, mais nous en déduisons donc que, soit les avions militaires visent bien mal, soit que, à Gaza, il n’y a pas de points militaires “névralgiques”.
Nous n’avons pas l’honneur de connaître la Palestine, mais nous supposons que dans ces maisons, ces cahutes, ces bâtiments habitaient de gens, des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, et non pas des soldats.
Nous n’avons pas non plus vu des fortifications de résistance, seulement des décombres.
Nous avons vu, oui, jusqu’à ce jour, le vain effort du cercle d’information et les différents gouvernements du monde hésitant entre feindre l’ignorance ou applaudir l’invasion, et une ONU, déjà inutile depuis longtemps, sortant de tièdes bulletins de presse.
Mais attendez. Il nous vient à l’esprit maintenant que peut-être, pour le gouvernement d’Israël, ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces personnes âgées sont des soldats ennemis et, tels quels, leurs maisons, leurs cahutes, leurs bâtiments sont des casernes qu’il faut détruire.
Et donc, assurément, les tirs de l’artillerie qui tombaient sur Gaza ce matin étaient pour protéger l’avancée de l’infanterie de l’armée israélienne contre ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, de ces personnes âgées.
Et que la garnison ennemie qu’il veulent affaiblir par le siège qu’ils tendent autour de Gaza n’est rien d’autre que la population palestinienne qui vit là –bas. Et que l’assaut a pour but d’anéantir cette population. Et que n’importe quel homme, femme, enfant ou personne âgée qui reussit à s’échapper, à se cacher de l’assaut prévisiblement sanglant, sera ensuite “chassé” pour que le nettoyage soit complet et que le commandement militaire au commandement de l’opération puisse rapporter à ses supérieurs : “notre mission est terminée”.
Excusez de nouveau notre ignorance, peut-être que ce que nous disons n’est pas exact. Et qu’au lieu d’être en train de répudier et de condamner le crime en cours, en tant qu’indigènes et en tant que guerriers que nous sommes, nous devrions être en train de discuter et de prendre position soit sur le débat “sionisme” ou “antisémitisme”, soit sur si au commencement ce furent des bombes du Hamas.
Peut-être que notre pensée est trop simple et qu’il nous manque d’autres éléments et les annotations si nécessaires toujours dans les analyses mais, pour nous, Zapatistes, à Gaza, il y a un une armée qui assassine un peuple sans défense.
Quelle personne qui se trouve en bas et à gauche, peut rester silencieuse?
Est-ce utile de parler? Nos cris sont ils chargés comme des bombes? Notre parole sauve-t-elle la vie d’un enfant palestinien?
Nous, nous pensons que, oui, ca sert à quelque chose, que peut-être que nous n’arrêtons pas une bombe, que peut-être que notre parole ne se transforme pas en un bouclier blindé qui empêche que cette balle de calibre 5.56 mm ou 9 mm dont les lettres IMI, “Industrie Militaire Israélienne”, sont gravées sur la cartouche, n’arrive à la poitrine d’une petite fille ou d’un petit garçon palestinien, mais que peut-être notre parole arrivera à s’unir à d’autres du Mexique et du monde et peut-être qu’en premier elle se convertira en un murmure, puis en une voix plus forte et enfin en un cri qu’on entendra à Gaza.
Nous ignorons si vous le savez, mais nous, Zapatistes de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, savons combien il est important, au milieu de la mort et de la destruction, d’entendre des mots de soutien.
Je ne sais pas comment l’expliquer mais il en résulte que, oui, peut-être que les mots depuis très loin n’arrêtent pas les bombes, mais ils permettent d’ouvrir une fente dans la chambre noire de la mort et laisser passer une petite lumière.
Pour le reste il se passera ce qu’il doit se passer. Le gouvernement d’Israël déclarera qu’il a administré un coup sévère au terrorisme, il cachera à son peuple l’ampleur du massacre, les grands fabricants d’armes auront obtenu un souffle économique pour affronter la crise et “l’opinion publique internationale”, cette entité malléable se tournera pour regarder d’un autre côté.
Mais pas seulement. Il se passera aussi que le peuple palestinien résistera et survivra et continuera à lutter et continuera à recevoir la sympathie pour sa cause des gens d’en bas.
Et peut-être qu’une petite fille ou un petit garçon de Gaza survivra aussi. Peut-être qu’avec eux grandira la colère, l’indignation, la rage. Peut-être qu’ils deviendront soldats, miliciens d’un des groupes qui luttent en Palestine. Peut-être qu’ils combattront contre Israel. Peut-être qu’il le feront en tirant des balles. Peut-être en s’immolant avec une ceinture de dynamites autour de la taille.
Et alors, d’en haut, ils écriront sur la nature violente des palestiniens et feront des déclarations condamnant cette violence puis retourneront à discuter du sionisme et de l’antisémitisme.
Et alors, personne ne demandera qui a semé la récolte.
De la part des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale
Sous-Commandant Insurgé Marcos
Mexique, 4 Janvier 2009
Il est possible d'écouter et de lire la version en espagnol : http://enlacezapati sta.ezln. org.mx/varios/ 1247
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