Du Chiapas au Rojava : plus que de simples coïncidences
Traduction de l’article de Peter Stanchev, publié le 6 février 2015 dans Kurdish Question, à partir de la traduction espagnole de Joan Enciam publiée notamment sur le site Portal Libertario Oaca.
Les points communs entre la révolte des zapatistes et celle des kurdes du Rojava avaient attiré mon attention, suite à une implication dans l’organisation d’une tournée de militants de la cause kurde en France en ce début d’année. La tournée a finalement été annulée – ou repoussée? – bien que deux rencontres avec des militants de l’Action Révolutionnaire Anarchiste de Turquie, à l’initiative du Collectif Anarchistes Solidaires du Rojava, soient tout de même prévues sur Paris: le 13 février à la CNT, 33 rue des Vignoles (Métro Avron ou Buzenval) et le 14 février au centre social l’Attiéké, 31 bd Marcel Sembat, Saint-Denis (métro Porte de Paris ou Gare de Saint Denis).
Du Chiapas au Rojava :
plus que de simples coïncidences
L’autonomie réunie deux révolutions depuis en-bas à gauche
« « Le pouvoir pour le peuple » ne peut être mis en pratique que lorsque le pouvoir exercé par les élites sociales se dissout dans le peuple »
(Murray Bookchin, Post-Scarcity Anarchism)
La jusqu’il y a peu grande et méconnue ville kurde de Kobané est parvenue à attirer l’attention du monde par sa résistance féroce (1) face à l’invasion de l’État Islamique (EI) et s’est convertie en symbole international, comparé à la défense de Madrid et de Stalingrad.
Le courage et l’héroïsme des Unités de Défense du Peuple et les Unités de Défense des Femmes (YPG et YPJ) ont été vantées par un large éventail de collectifs et d’individus : anarchistes, gauchistes, libéraux et même des personnes de droite ont exprimé de la sympathie et de l’admiration pour les hommes et les femmes de Kobané dans leur bataille historique contre ce qui en général est perçu comme le « fascisme » de l’État Islamique. Les médias mainstream ont été obligés de rompre le silence sur l’autonomie kurde aussi vite que les nombreux articles et nouvelles ont été retransmises et publiés, décrivant à minima la « dureté » et la détermination des combattants kurdes avec une certaine dose d’exotisme, évidemment. Néanmoins, cette attention à minima a été sélective et partiale : l’essence du projet politique au Rojava (Kurdistan ouest) a été laissé de côté et les médias ont préféré présenté la résistance à Kobané comme une étrange exception du supposé barbare Moyen-Orient. Il n’est pas surprenant que l’étoile rouge, brillant sur les drapeaux victorieux des YPG/YPJ, ne soit pas un symbole agréable aux yeux des pouvoirs occidentaux et de leurs médias. Les cantons autonomes du Rojava représentent une solution autochtone aux conflits du Moyen-Orient, comprenant la démocratie de base et les droits ethniques, sociaux et de genre, et tout cela en rejetant tout à la fois la terreur de l’EI et la démocratie libérale et l’économie capitaliste. Bien que l’Occident ait voulu maintenir le silence sur la question, ces fondements idéologiques sont la clé pour comprendre l’esprit qui a écrit l’épopée de Kobané et a fasciné le monde, comme l’a expliqué récemment l’activiste et universitaire kurde Dilar Dirik (2).
Le courage et l’héroïsme des Unités de Défense du Peuple et les Unités de Défense des Femmes (YPG et YPJ) ont été vantées par un large éventail de collectifs et d’individus : anarchistes, gauchistes, libéraux et même des personnes de droite ont exprimé de la sympathie et de l’admiration pour les hommes et les femmes de Kobané dans leur bataille historique contre ce qui en général est perçu comme le « fascisme » de l’État Islamique. Les médias mainstream ont été obligés de rompre le silence sur l’autonomie kurde aussi vite que les nombreux articles et nouvelles ont été retransmises et publiés, décrivant à minima la « dureté » et la détermination des combattants kurdes avec une certaine dose d’exotisme, évidemment. Néanmoins, cette attention à minima a été sélective et partiale : l’essence du projet politique au Rojava (Kurdistan ouest) a été laissé de côté et les médias ont préféré présenté la résistance à Kobané comme une étrange exception du supposé barbare Moyen-Orient. Il n’est pas surprenant que l’étoile rouge, brillant sur les drapeaux victorieux des YPG/YPJ, ne soit pas un symbole agréable aux yeux des pouvoirs occidentaux et de leurs médias. Les cantons autonomes du Rojava représentent une solution autochtone aux conflits du Moyen-Orient, comprenant la démocratie de base et les droits ethniques, sociaux et de genre, et tout cela en rejetant tout à la fois la terreur de l’EI et la démocratie libérale et l’économie capitaliste. Bien que l’Occident ait voulu maintenir le silence sur la question, ces fondements idéologiques sont la clé pour comprendre l’esprit qui a écrit l’épopée de Kobané et a fasciné le monde, comme l’a expliqué récemment l’activiste et universitaire kurde Dilar Dirik (2).
Pendant que s’intensifiaient les combats dans chaque rue, dans tous les coins de la ville, Kobané a réussi à captiver l’imagination de la gauche, et spécialement la gauche libertaire, en tant que symbole de la résistance et de la lutte, et n’a pas tardé à entrer au Panthéon des batailles pour l’humanité les plus emblématiques, telle la défense de Madrid contre les fascistes durant la décennie des années 1930. Ce n’est pas un hasard si le groupe marxiste-léniniste turc MLKP, qui a rejoint les YPG/YPJ sur le champ de bataille, a brandi le drapeau de la république espagnole sur les ruines de la ville le jour de sa libération et a lancé un appel à former des brigades internationales (3), suivant l’exemple de la révolution espagnole. Ce qui a donné lieu aux comparaisons avec la révolution espagnoles n’est pas tant la lutte pour Kobané elle-même, mais l’essence libertaire des cantons de Rojava, l’implémentation de la démocratie directe de la base et la participation des femmes et de différents groupes ethniques au gouvernement autonome. Dans beaucoup d’articles est brièvement mentionné une autre ressemblance : la révolution au Rojava et son gouvernement autonome a été comparé avec les zapatistes et leur autonomie dans le sud du Mexique. L’importance de cette comparaison pourrait être cruciale pour pouvoir comprendre le paradigme de la lutte révolutionnaire au Kurdistan et ce que cela signifie pour ceux qui croient qu’un autre monde est possible.
Le mouvement zapatiste est probablement l’un des éléments les plus symboliques et influents de l’imaginaire révolutionnaire dans le monde d’après la chute des régimes socialistes étatistes à la fin des années 80 et début des années 90. Au matin du 1erjanvier 1994 une force guerrière inconnue, composée d’indigènes mayas, prit les principales villes de l’État mexicain le plus méridional, le Chiapas. L’opération militaire fut menée à bien avec une grande lucidité stratégique combinée à l’utilisation d’internet, alors innovant, pour diffuser le message des révolutionnaires ; ce qui eut un écho dans le monde entier inspirant la solidarité internationale et l’émergence du mouvement anti-globalisation. Les zapatistes s’étaient révoltés contre le capitalisme néo-libéral et le génocide social et culturel des peuples indigènes au Mexique. «¡Ya basta!» (« Ça suffit ! Ndt) fut son cri, né de la nuit de « 500 ans d’oppression », comme le disait la Première Déclaration de la Forêt Lacandone. Les zapatistes se sont soulevés en armes alors que le capital global célébrait la « fin de l’histoire » et que l’idée d’une révolution sociale paraissait être un anachronisme romantique appartenant au passé. L’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) fut expulsée des villes après douze jours d’intenses combats avec l’armée fédérale, mais en fin de compte la profonde organisation horizontale dans les communautés indigènes ne put être éliminée par aucune intervention militaire ni par la terreur. Le porte-parole masqué de l’armée rebelle, le Sous-Commandant Marcos, questionnait la notion d’avant-garde historique comme opposée à une révolution depuis en-bas, n’aspirant pas à prendre le pouvoir mais à l’abolir, et ce concept est devenu central pour la majorité des mouvements anticapitalistes de masse, de Seattle à Gênes, jusqu’aux occupations deSyntagma et de la Puerta del Sol, et même le mouvement Occupy.
Qu’y a-t-il de commun avec la révolution au Rojava ?
Du marxisme-léninisme à l’autonomie : une trajectoire historique partagée
Les racines de l’autonomie démocratique au Rojava ne peuvent se comprendre qu’à travers l’histoire du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), l’organisation qui depuis sa création en 1978 fut centrale dans le mouvement de libération kurde. Le PKK a été créé comme une organisation de guérilla marxiste-léniniste dans le nord du Kurdistan, partie de l’État turc, combinant les idéologies de libération nationale et sociale. Il a grandi jusqu’à être une force de guérilla substantielle sous le leadership d’Abdullah Öcalan et parvint à affronter la deuxième plus grande armée de l’OTAN dans un conflit qui coûta la vie à 40 000 personnes. L’État turc déplaça des centaines de milliers de personnes, et il est reconnu qu’ils recoururent à la torture, aux assassinats et aux viols contre la population civile, mais ne parvint pas à détruire la colonne vertébrale de la résistance kurde. Depuis ses débuts, le PKK a étendu son influence aussi bien en Turquie que dans d’autres parties du Kurdistan. La force politique leader dans la révolution du Rojava, le Parti de l’Union Démocratique (PYD) lui est affilié à travers l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK), l’organisation parapluie qui englobe différents groupes révolutionnaires et politiques qui partagent les idées du PKK. L’idéologie qui unit les différents groupes civiles et révolutionnaires au sein du KCK s’appelle le confédéralisme démocratique et se base sur les idées de l’anarchiste étasuniens Murray Bookchin, qui défendait une société non hiérarchique basée sur l’écologie sociale, le municipalisme libertaire et la démocratie directe.
Bien que les zapatistes soient célèbres pour leur gouvernement autonome et le rejet de la notion d’avant-garde historique, les racines de leur organisation sont également liées au marxisme-léninisme et, de même que dans le cas du PKK, l’idée d’auto-gouvernement et de révolution depuis en-bas fut un produit d’une longue évolution historique. L’EZLN fut fondée en 1983 par un groupe de guérillas urbaines, majoritairement marxistes-léninistes, qui décidèrent de créer une cellule révolutionnaire au sein de la population indigène du Chiapas, d’organiser une force guerrière et de prendre le pouvoir par la guerre de guérilla. Ils comprirent vite que leurs dogmes idéologiques ne pouvaient s’appliquer aux réalités indigènes et ils commencèrent à apprendre les traditions communales de gouvernement des peuples indigènes. Ainsi naquit le zapatisme, tel une fusion entre le marxisme et l’expérience et le savoir de la population native qui avait résisté à l’État espagnol puis mexicain.
Cette trajectoire idéologique partagée est la manifestation d’un retournement historique de la compréhension du processus révolutionnaire. Le soulèvement zapatiste et l’établissement de l’autonomie au Chiapas supposait une rupture avec la stratégie de guérilla traditionnelle, inspirée majoritairement par la révolution cubaine. Ceci est rendu d’autant plus clair par la lettre que le porte-parole de l’EZLN, le Sous-Commandant Marcos, écrivit à l’organisation de libération basque ETA :
Il ne fallait plus être l’avant-garde qui dirige le peuple, c’était le peuple lui-même qui construisait la révolution depuis en-bas et la soutenait comme telle. C’est vers cette logique que le PKK s’est tourné pendant la dernière décennie sous l’influence de Murray Bookchin et ce changement est le signe d’une évolution de l’organisation, d’un mouvement pour le peuple à un mouvement du peuple.
Cantons et Caracoles : la liberté ici et maintenant
Probablement que la ressemblance la plus importante entre la révolution au Rojava et celle du Chiapas est la réorganisation sociale et politique qui existe en ces deux lieux et qui se base sur l’idéologie libertaire des deux organisations.
L’autonomie zapatiste dans sa forme actuelle trouve ses origines dans la suite de l’échec des négociations de paix avec le gouvernement mexicain après le soulèvement de 1994. Pendant ces négociations les rebelles demandèrent au gouvernement qu’il adhère aux accords de San Andrés, qui donnaient aux peuples indigènes le droit à l’autonomie, à l’autodétermination, à l’éducation, la justice et l’organisation politique, basée sur leur traditions ainsi que sur le contrôle communal de la terre et des ressources des zones leur appartenant. Le gouvernement n’a jamais appliqué ces accords et en 2001 le président Fox proposa une version éditée qui fut votée au congrès mais qui ne satisfaisait pas les revendications des zapatistes et des autres groupes en résistance. Ceci fut qualifié de « trahison » et provoqua l’annonce par l’EZLN, deux années plus tard, de la création de cinq zones rebelles, autour de cinqCaracoles (notons que les caracoles nés en 2003 ont remplacé et transformé lesAguascalientes créés peu après le soulèvement de 1994, ndt) servant de centres administratifs. Le nom de Caracoles (escargots en français, ndt) montrait le concept de la révolution des zapatistes : « nous le faisons nous-mêmes, nous apprenons dans le processus et nous avançons, petit à petit, mais nous avançons ». Les Caracoles (5) incluent trois niveaux de gouvernement autonome : communauté, municipalité et Conseils de Bon Gouvernement. Les deux premiers se basent sur des assemblées de base alors que le Conseil de Bon Gouvernement est choisi, mais avec l’intention de parvenir à ce que le maximum de personnes participe au gouvernement tout au long des années à travers le principe de rotation. L’autonomie possède son propre système d’éducation, de santé et de justice, ainsi que des coopératives de production de café, d’élevage et d’artisanat, etc.
« Nous apprenons au moyen des erreurs que nous commettons, nous ne connaissions pas l’autonomie ni ne savions que nous allions construire quelque chose de semblable. Mais nous avons appris et amélioré les choses dans la lutte », m’a expliqué le gardienzapatiste Armando lorsque j’ai visité le territoire autonome à la fin de 2013. La liberté ne peut être pratiquée qu’ici et maintenant, la révolution était un processus de questionnement continu du statu quo et de construction d’alternative à ce dernier.
Effectivement, les cantons du Rojava ressemblent à l’autonomie du Chiapas. Ils ont été proclamés par le puissant PYD en 2013 et fonctionnent à travers des assemblées populaires et des conseils démocratiques. Les femmes participent à égalité dans les prises de décisions et sont représentées à tous les postes électifs, qui sont toujours partagés entre un homme et une femme. Tous les groupes ethniques sont représentés au sein du gouvernement et de ses institutions. La santé et l’éducation sont également garanties par le système du confédéralisme démocratique et récemment la première université a ouvert ses portes, l’Académie de Mésopotamie, proposant de questionner la structure hiérarchique de l’éducation et apportant une perspective différente sur l’apprentissage.
Comme dans le cas des zapatistes, la révolution au Rojava se projette elle-même comme une solution aux problèmes de tout le pays, non comme l’expression de tendances séparatistes. Ce système authentiquement démocratique, comme il fut appelé par la délégation d’universitaires d’Europe et Nord-Américain (6) qui a récemment visité le Rojava, pointe dans la direction d’un future distinct pour le Moyen-Orient, basé sur la participation directe, l’émancipation des femmes et la paix entre les ethnies.
Le genre a toujours été central pour la révolution zapatiste. La situation des femmes avant le développement de l’organisation et l’adoption de la libération des femmes en tant que question centrale pour la lutte était marquée par l’exploitation, la marginalisation, les mariages forcés, la violence physique et la discrimination. C’est pour cela que Marcos dit que le premier soulèvement ne fut pas celui de 1994 mais l’adoption de la Loi Révolutionnaire des Femmes en 1993, établissant la base pour l’égalité et la justice de genre et garantissant les droits à l’autonomie personnelle, l’émancipation et la dignité des femmes du territoire rebelle. Aujourd’hui les femmes participent à tous les niveaux du gouvernement et ont leurs propres coopératives et structures économiques afin de garantir leur indépendance économique. Les femmes formaient et forment encore une large part des rangs de la force de guérilla zapatiste et ont des positions élevés dans son commandement. La victoire de San Cristobal de las Casas, la ville la plus importante prise par les troupes zapatistes durant le soulèvement de 1994, fut également mené par des femmes, la Commandante Ramona à leur tête, qui fut aussi la première femme zapatiste envoyée dans la ville de Mexico pour représenter la mouvement.
Il n’est pas difficile de comparer l’implication massive des femmes indigènes dans les rangs zapatistes au Chiapas avec la participation des femmes à la défense de Kobané et dans les YPJ (les Unités de Défense des Femmes), les deux décrites sur un mode sensationnaliste (7) par les médias occidentaux durant ces derniers mois. Cependant, leur courage et leur détermination dans la guerre contre l’État Islamique est le produit d’une longue tradition de participation des femmes à la lutte armée pour la libération sociale au Kurdistan. Les femmes ont joué un rôle central dans le PKK et ceci est indubitablement lié à l’importance du genre dans la lutte kurde. La révolution au Rojava pose une emphase forte sur la libération des femmes comme indispensable pour la véritable libération de la société. La base théorique démontant le patriarcat au cœur de la lutte est appelé « féminologie » (le mot original forgé par Öcalan – jineology – est dérivé du mot kurde pour femme « jin »), un concept développé par Abdullah Öcalan. L’application de ce concept a eu pour résultat un empowerment des femmes jamais vu en d’autres lieux, non seulement dans le contexte du Moyen-Orient mais aussi dans le contexte du féminisme occidental libéral. Les assemblées, les structures coopératives et les milices de femmes sont le cœur de la révolution, qui est considérée comme incomplète si elle ne détruit pas la structure patriarcale de la société, qui est l’un des fondements du capitalisme. Janet Biehl, une auteure et artiste indépendante, a écrit après sa récente visite au Rojava que les femmes dans la révolution kurde avaient le rôle idéologique du prolétariat dans les révolutions du siècle dernier.
L’écologie de la liberté
The Ecology of Freedom est probablement l’œuvre la plus importante de Bookchin, et son concept d’écologie sociale a été adopté par les révolutionnaires du Rojava. Son idée selon laquelle « la notion même de domination de la nature par l’être humain est causée par la domination réelle de l’être humain par l’être humain » relie le patriarcat, la destruction environnementale et le capitalisme et désigne son abolition comme l’unique chemin vers une société juste.
Une approche holistique comme celle-ci a également été implémenté par les zapatistes. La durabilité a également été un point important a souligner, spécialement depuis la création des Caracoles en 2003. Le gouvernement autonome a essayé de récupérer les savoirs ancestraux liés à l’usage durable de la terre et de les combiner avec d’autres pratiques agro-écologiques. Cette logique n’est pas seulement une question d’amélioration des conditions de vie dans les communautés et d’utilisation de produits agrochimiques, c’est un rejet de la notion entière qui prétend que l’agriculture industrielle à grande échelle est supérieure aux formes « primitives » avec lesquelles les peuples indigènes travaillent la terre et, en tant que tel, est un puissant défi à la logique du néolibéralisme.
Le chemin vers l’autonomie : le nouveau paradigme révolutionnaire
Les ressemblances entre le système du confédéralisme démocratique qui se développe dans l’ouest du Kurdistan et l’autonomie au Chiapas vont bien au-delà des quelques points que j’ai développé dans cet article. Des slogans comme «¡Ya Basta!», adapté en kurde en «êdî bes e», jusqu’à la démocratie de base, les structures économiques communales et la participations des femmes, le chemin semblable emprunté par le mouvement kurde et les zapatistes pointe une rupture décisive avec la notion d’avant-garde du marxisme-léninisme et une nouvelle approche de la révolution, venant d’en-bas et cherchant la création d’une société libre et non hiérarchique.
Bien que les deux mouvements aient reçu des critiques amères (8) d’éléments sectaires de la gauche, le fait que les seules expériences de changement radicaux importants et connaissant un succès, aient leurs origines dans des groupes non occidentaux, marginalisés et colonisés est une claque dans la gueule des « révolutionnaires » dogmatiques blancs et privilégiés du nord global qui bien qu’ils parviennent à peine à questionner l’oppression dans leurs propres pays tendent à croire qu’ils peuvent juger ce qu’est une révolution réelle et ce qui ne l’est pas.
Les révolutions au Rojava et au Chiapas sont un exemple puissant pour le monde, posant en actes l’énorme capacité d’organisation de la base et l’importance des liens communaux en tant qu’opposition à l’atomisation sociale capitaliste. Enfin, et non moins important, le Chiapas et le Rojava devraient faire que beaucoup à gauche, et même certains anarchistes, se défassent de leur mentalité coloniale et du dogmatisme idéologique.
Un monde sans hiérarchie, domination, capitalisme ni destruction de l’environnement ou, comme disent les zapatistes, un monde où tiennent beaucoup de mondes, qui a au minimum été décrit comme « utopique » et « pas réaliste » par les médias et les structures éducatives et politiques mainstream. Pourtant, ce monde n’est pas un mirage du future qui arrive dans les livres, ça se passe ici et maintenant et les exemples zapatistes et kurdes sont une arme puissante pour ré-enflammer notre capacité à imaginer un changement radical dans la société, ainsi qu’un modèle duquel apprendre dans nos luttes. Les étoiles rouges qui brillent sur le Chiapas et le Rojava illuminent le chemin vers la libération, et si nous devions résumer ce qu’apportent ces deux luttes en un mot, ce serait évidemment l’autonomie.
Notes :
(1) Dicle, Amed (2015) Kobane Victory, How it Unfolded
http://kurdishquestion.com/index.php/insight-research/analysis/kobane-victory-how-it-unfolded.html
http://kurdishquestion.com/index.php/insight-research/analysis/kobane-victory-how-it-unfolded.html
(2) Dirik, Dilar (2015) Whi Kobane Did Not Fall
http://kurdishquestion.com/index.php/kurdistan/west-kurdistan/why-kobani-did-not-fall.html
http://kurdishquestion.com/index.php/kurdistan/west-kurdistan/why-kobani-did-not-fall.html
(3) International Brigades Form in Rojava (2014)
http://beforeitsnews.com/alternative/2015/01/international-brigades-form-in-rojava-no-pasaran-video-3100250.html
http://beforeitsnews.com/alternative/2015/01/international-brigades-form-in-rojava-no-pasaran-video-3100250.html
(4) Marcos (2003) I Shit on All Revolutionary Vanguards on This Planet
http://roarmag.org/2011/02/i-shit-on-all-the-revolutionary-vanguards-of-this-planet/
http://roarmag.org/2011/02/i-shit-on-all-the-revolutionary-vanguards-of-this-planet/
(5) Oikonomakis, Leonidas (2013) Zapatistas Celebrate 10 Years of Autonomy With Escuelita
http://roarmag.org/2013/08/escuelita-zapatista-10-year-autonomy/
http://roarmag.org/2013/08/escuelita-zapatista-10-year-autonomy/
(6) Joint Statement of the Academic Delagation to Rojava
https://zcomm.org/znetarticle/joint-statement-of-the-academic-delegation-to-rojava/
https://zcomm.org/znetarticle/joint-statement-of-the-academic-delegation-to-rojava/
(7) Dirik, Dilar (2014) Western Fascination With “Badass” Kurdish Women
http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2014/10/western-fascination-with-badas-2014102112410527736.html
http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2014/10/western-fascination-with-badas-2014102112410527736.html
(8) Anarchist Federation Statement on Rojava (2014)
http://www.afed.org.uk/blog/international/435-anarchist-federation-statement-on-rojava-december-2014.html
http://www.afed.org.uk/blog/international/435-anarchist-federation-statement-on-rojava-december-2014.html
En attendant, je vous recommande également l’article de Bruno Deniel-Laurent (écrivain et réalisateur) et Yvan Tellier (des Amitiés kurdes de Bretagne), « À Kobané, l’essor de l’utopie Rojava » publié dans Le Monde le 28 janvier dernier.
Le sⒶp
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