Déplacé-es Abejas |
Après les terribles
faits qui se sont déroulés dans la municipalité de Chenalho, se
concluant pour le moment avec une fusillade et la mort d'une fillette
de 14 ans et d'un homme de 55 ans, ainsi que plusieurs blessés, la
Société Civile de Las Abejas lance un appel à la solidarité pour
les 81 personnes tzotzils, intégrantes de l'organisation des Abejas,
déplacées de leur communauté pour éviter la violence, et se
retrouvant ainsi à Acteal, avec quasiment rien pour se loger et se
nourrir, en dehors de ce que les autres intégrants de l'organisation
ont pu leur apporter modestement.
En effet, les Abejas
ont communiqué le 3 juin dernier "cela fait à peine 8 jours,
le jeudi 26 mai, les membres de l'organisation de la Société Civile
de Las Abejas dans la communauté de la communauté Colonia Puebla se
sont déplacés: 14 familles soit un total de 81 personnes, car dans
cette communauté il y a eu de nouveau beaucoup de violence et des
fusillades. A cause des partis politiques, pour la dispute du
pouvoir, sont mortes deux personnes, 3 maisons ont été brûlées et
2 détruites, 3 véhicules ont été détruits et 6 personnes ont été
blessées. POur le moment il n'y a pas de condition pour le retour de
ces personnes, car il n'a pas été trouvée une solution définitive"
Le conflit de
Chenalho, a commencé en avril, après que plusieurs municipalités
du Chiapas se soient soulevées pour refuser l'imposition de leur
président municipal (maire) par la fraude du parti au pouvoir dans
l'état du Chiapas, le dit parti "vert". Pour le moment 12
municipalités se sont d'ores et déjà manifestées avec plus ou
moins de succès contre ces fraudes, parfois par la violence comme ce
fut le cas à Oxchuc (durant plusieurs semaines, les habitants ont
bloqué tous les accès à la ville et ont occupé ou brulé
l'intégralité des édifices gouvernementaux), ou par l'organisation
du peuple comme ce fut le cas à Tila, où depuis, ce sont des
adhérents à la Sexta Zapatiste qui organisent la vie de leur
municipalité d'une manière autonome.
Rosa Perez Perez |
A Chenalho pour la
première fois dans l'histoire de la municipalité le parti du PRI
n'a pas été élu, mais ce fut le parti Vert qui est passé, avec à
sa tête, pour la première fois également: une femme, Rosa Perez
Perez.
Rapidement elle
s'est confrontée avec le syndic municipal représenté par Miguel
Santiz Alvarez qui demandait 57 millions de pesos à administrer et
demandait un salaire de 130 000 pesos par mois. Au refus de la maire,
le syndic a donc pris la tête de la contestation, et a commencé à
partir du mois d'avril à occupé la mairie de la ville et tout autre
bâtiment représentant le gouvernement. Les manifestants bloquaient
dès lors la route d'accès à Chenalho.
Le 9 avril, lors
d'une assemblée populaire non réprésentative, le peuple élu comme
nouveau maire, Miguel Santiz Alvarez, et demande officiellement sa
reconnaissance par le gouvernement de l'état du Chiapas. Rosa Perez
Perez s'insurge et dénonce une tentative de caciques (leaders) qui
ont manipulé le peuple pendant 85 ans, durant le gouvernement du PRI
Le lendemain des
centaines de partisans du PRI et du maire autoproclamé descendent
dans la capitale du Chiapas et occupent le péage entre la ville de
San Cristobal et celle de la capitale du Chiapas Tuxtla Gutierrez,
faisant payé (parfois par la force) le double du prix aux voitures
passantes. Le 12 avril, des milliers d'opposants à la maire
officielle la forcent à signer sa sollicitude de démission pendant
une réunion de plus de 10 heures, dans le palais du gouvernement.
prise du Congrès par les partisans du PRI |
Les 2000 opposants
désoccupent ainsi la mairie en leur main depuis déjà plusieurs
jours. Mais le 15 avril le congrès de l'état refuse la démission
car celle ci a été faite sous pression. Cette dernière convoque
ses partisans devant la mairie, et plusieurs milliers arrivent et se
massent devant l'édifice pour reconnaître officiellement Rosa Perez
Perez comme maire. Un coup de force qui provoque donc l'ire des
partisans du PRI qui décident de descendre de nouveau dans la
capitale de l'état montrer leur désaccord devant le congrès. Ils
décident donc, de bloquer toutes entrées et sorties de cette
institution de l'état du Chiapas. Pendant plus de 5 heures les
députés, journalistes et travailleurs sont bloqués dans le congrès
avec l'impossibilité de sortir. La police arrive tardivement sur les
lieux et de très violents affrontement ont lieu. Plusieurs personnes
sont blessées, et d'autres arrêtées arbitrairement, parfois même
juste pour être indigène....
Rassemblement des partisans du parti vert, à San Cristobal |
Le 28 avril,
l'église va servir de médiatrice entre le gouvernement et les
adhérents du PRI. Une réunion a donc lieu avec différents
représentants du gouvernement, et les différents groupe en conflit,
avec pour médiateur le Père Gonzalo Eduarte, qui avait également
servi de médiateur durant les accords de San Andrés en 1996. En
attendant, les routes d'accès au centre de Chenalho sont de nouveau
bloquées. Une réunion est prévu quelques jours plus tard, mais le
gouvernement ne s'y présentera pas montrant ainsi le désintérêt
total de celui-ci sur les problèmes indigènes. La tension monte,
puisque les partisans du parti vert, ont détenu 4 partisans du parti
vert, dans une communauté nommée puebla. Le gouvernement envoie une
commission pour essayer de dialoguer et libérer ces derniers pour
éviter que la situation ne s'envenime.
Le parti vert, et sa
maire, continuent de montrer leur force, et le 1er mai,
elle annonce que 87 des 105 représentants des communautés de la
région, la soutienne pour qu'elle reste présidente de Chenalho, et
dénoncent ainsi le non respect des dissidents du PRI. Ces derniers
lancent un ultimatum au gouvernement disant que si il n'y a pas de
solution, le conflit se terminera par des affrontements directs, la
tension est particulièrement vive, et les groupes s'arment de
gourdins et machettes. Des témoins zapatistes et abejas préviennent
que des armes à feu sont aussi sorties.
Les députés ne se
rendent pas à la réunion prévue le 24 mai, ce qui provoque la
colère des partisans du PRI qui se sentent « ridiculisés »/
Le jeudi suivant,
alors que finalement une réunion se déroule dans la maison de la
paroisse de San Cristobal, et alors qu'aucune solution n'est proposée
par le gouvernement, un groupe d'une dizaine d'indigènes adhérents
au PRI rentrent en plein milieu de la réunion et amènent par la
force plusieurs députés, le président du Congrès et le
responsable du parti Vert au Chiapas, et les font monter de force
dans des voitures pour les emener à Chenalho. Quelques députés
arrivent à s'échapper dans la confusion, mais le numéro 2 de
l'état du Chiapas, le président du congrès, et le président du
parti vert, ainsi que leur chauffeur sont amenés à Chenalho, où
ils sont détenu, déshabillé pour etre par la suite vêtu en femme
(forme machiste d'humiliation) et le force à négocier face à une
foule de milliers de personne. L'armée et la police fédérale
essayent de se rendre à Chenalho, mais ils sont arrêtés
immédiatement, « si vous faites un pas de plus en direction de
chenalho, nous brûlons nos otages avec de l'essence », ces
derniers font donc marche arrière. Les négociations tardent toute
la nuit, et finalement le président du congrès signe la destitution
de la maire, et intronise le nouveau maire. Le lendemain matin un
hélicoptère vient les chercher et peuvent ainsi rentrer sur Tuxtla.
Le soir, alors que
les membres du pri rentrent chez eux, fiers de leur victoire, dans la
communauté de Puebla, les partisans du pri et du parti vert
s'affrontent avec pour résultat la mort de deux personnes, plusieurs
blessés et la destruction de beaucoup de maisons et de voitures. La mineure Adriana Mendez Gutiérrez reçue une décharge d'arme à feu au front. Elle fut transportée à l’hôpital "de las culturas" où elle est morte. Son père est également décédé par balle. La situation reste tendue à Puebla et dans toute la commune il y a 300 déplacés. Les partisans de Perez Perez vont à Pantelho et les partisans de Miguel Santiz se regroupent dans le bourg. On parle de 100 abejas déplacées. Aux dernières nouvelles, Rosa Perez Perez a fait appel contre la décision du congrès
La situation est
donc loin d'être réglée, et à tout moment cela peut dégénérer
de nouveau. Il est clair qu'au delà d'une guerre de parti politique,
on est aussi dans la volonté de gerer le budget de la mairie, afin
d'y trouver ses fins personnelles, les pri-istes furent déçus par
la manière de gérer les fonds de la nouvelles maires du parti vert,
qui n'avait pas pour habitude de venir donner l'aumône aux indigènes
affiliés, c'est à dire à offrir des poulets, ou des parpaings
comme ce fut le cas les années précédentes par les anciens maires,
qui achètent ainsi le silence et la dignité du peuple. Les
zapatistes avaient d'ailleurs écrit un communiqué il y a quelques
mois par rapport au clientélisme : « et pendant ce tempslà, dans les communautés des partis politiques »
Déplacés Abejas de la Colonia Puebla |
La situation est
donc particulièrement tendue à Chenalho, et les partisans du parti
vert sont tout à fait prêt à en découdre, la solution imposée
par la violence par les adhérents au PRI ne semblent pas du tout
définitive. Les tensions sont fortes et les déplacés ne voient pas
de possibles retour dans un futur proche. Les Abejas, comme les
zapatistes ont reçus plusieurs familles qui vivent dans des
conditions réellement précaires, et ne peuvent actuellement pas
travailler leur terre ou retourner dans leur communauté pour
chercher leurs biens personnels.
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