jueves, 9 de octubre de 2014

Journée mondiale en soutien à la tribu Yaqui. Présentation.

Texte publié dans le cadre de la journée mondiale en soutien à la tribu yaqui. Ce texte a initialement été écrit  ici par Raquel Padilla .
Je sais que mon sacrifice n’est pas vain”: portrait de Fernando Jiménez, indien yaqui emprisonné
Hermosillo, Sonora, 29 septembre 2014
Texte écrit pour la Campaña Namakasia : « Campagne nationale et internationale pour la vie de la Tribu Yaqui, dont les objectifs sont le soutien de la lutte afin d'arrêter le vol de l'eau qui appartient à la tribu Yaqui, le renforcement des projets autonomes de la nation Yaqui, la diffusion de la parole et les actualités provenant de l'autorité traditionnelle de la nation Yaqui. Toujours dans une démarche autonome, non partisane et autogérée »


Auteur : Raquel Padilla, anthropologue et historienne, Université de Hambourg et docteure en Ethnologie, Etudes Mésoaméricaines. Professeur chercheuse du Centre INAH-Sonora.
Il se présente comme un soldat de troupe mais Fernando est aussi membre du kojtumbre, la coutume yaqui ; c’est-à-dire la milice religieuse, qui, en caractère liminal, commande le peuple durant la célébration du Carême. Pendant quarante jours une fois par an, sous le poste du chapayeka ou pharisien, Fernando dort par terre habillé en uniforme, sans couverture ni paillasse, encore moins un oreiller mais avec seulement un peu de braises ardentes près des pieds, par des températures proches de zéro degrés. Mais quand le soleil est au zénith, la chaleur est aussi une braise, puisqu’en territoire yaqui vers les dates du Carême, les nuits sont hivernales et les journées estivales.
Aussi, pendant le Carême, Fernando, de même que les autres chapayekas, doit rester silencieux la plupart du temps et faire des marches de 4 ou 5 lieues de village en village, supportant les nuits blanches les unes après les autres. Mais « Fernando est yaqui des quatre côtés », selon ce que m'a dit un yori (homme blanc) de Vícam, un de ses proches, et ce détail augmente son engagement et renforce ses vœux. Fernando est donc entraîné pour supporter la souffrance.
Son nom complet est Fernando Jiménez Gutiérrez. Il m’a expliqué que beaucoup de yaquis « ont changé leur nom de famille pour se protéger […] comme dans le cas de notre nom qui devrait être Jinabacaumea, pas Jiménez ». En jiak noki, la terminaison mea signifie « tuer », et le nom de Fernando veut dire « celui qui tua l’orateur », parce que « les noms de famille yaqui viennent des succès et expériences de guerre, j’imagine que mon ancêtre a tué un orateur d’une autre tribu ».
Fernando travaille comme topographe pour subsister mais il est membre du kojtumbr et il s'y connaît en histoire, dessin, loi yaqui et milice pour VIVRE, c'est-à-dire pour ETRE. Fernando comprend bien la différence entre le devoir et la dévotion, entre la convention et la conviction, entre l'obligation et le tekipanoa qu'est le travail rituel yaqui. Fernando fait partie du mouvement pour la défense de la rivière Yaqui depuis ses débuts en 2010, il s'est toujours distingué comme un opérateur habile, un ami fidèle et une personne à qui on pouvait confier des commissions compliquées. Il connaît bien les limites du territoire ethnique, il est doué pour la parole et pour les manœuvres risquées, il est comme un soldat d'infanterie.
Il y a quelques jours, Jiménez Gutiérrez a été arrêté dans une opération similaire à celle utilisée pour enlever le porte-parole du mouvement et secrétaire de l'autorité traditionnelle à Vícam, Mario Luna. A quelques détails près, bien sûr. Pendant quinze jours, Fernando est resté caché, en clandestinité, vivant de façon précaire et dormant là où il pouvait. Il a dû changer ses habitudes et ses trajets. Pour aller au travail, par exemple, il prenait un sentier dans la colline ou la voie ferrée. Le jour où il a décidé de traverser les rues de Vícam (symbolique 23 septembre), il a été détenu par la police judiciaire de l'Etat (de Sonora). Il sait qu'il a baissé la garde. Il était 6h30. Un ami qui passait à vélo a regardé la scène et a prévenu sa famille presque immédiatement.
Fernando a été cagoulé, on l'a insulté et menacé de mort. Pendant tout le trajet, dans une camionnette pick up, de Vicam à Hermosillo, il a été battu sur les côtes pour l'obliger à dénoncer ses camarades, leur dire la localisation de Tomás Rojo et parler de la participation des agriculteurs de Cajeme dans le mouvement. Fernando était conscient, preparé et fort, de sorte que quand ils ont voulu le convaincre que d'autres membres du mouvement l'avaient inculpé, il n'en a rien cru. La camionnette dans laquelle ils voyageaient était escortée par d'autres patrouilles à l'avant et à l'arrière, comme s'il s'agissait d'un capo de la mafia.
Le 23 au matin, Fernando portait un cadeau pour son fils qui porte le même nom que lui et qui allait avoir 14 ans. Il a protégé le cadeau plus que sa propre personne et il l'a remis à son avocat lorsque celui-ci est venu le voir au CERESO I (Centre de réhabilitation sociale) de Hermosillo. Hier, l'entrée a été interdite à sa mère et sa femme mais l'avocat a négocié pour pouvoir rentrer pendant 5 minutes.
Le jeudi, jour des visites, je suis allée voir mon ami Fernando. Au début on m'a empêché l'entrée sous prétexte « que le système était en panne », un argument bien connu depuis 1988. Lorsque le système a été rétabli, je suis entrée dans une petite salle, puis à un guichet on a pris mes coordonnées, ma photo et mes empreintes digitales. Quand ils ont appris que je venais rendre visite à Fernando de la Tribu Yaqui, la chargée a pris mon identification officielle et l'a montrée à un homme, qui semblait être le commandant. Il s'est approché de moi pour me dire que Jiménez ne pouvait pas recevoir de visites. J'ai alors demandé qu'il lui transmette un petit mot. « Je n'ai pas de contact avec Fernando », a-t-il répondu. J'ai ajouté « Vous aurez sûrement contact avec quelqu'un qui est en contact avec lui ; dites-lui que Raquel est venu le voir, c'est tout ».

Je ne sais pas si c'était par pitié, mais alors celui que je suppose être le commandant a décidé de me faire entrer. J'ai traversé ce labyrinthe matériel et symbolique qu'est la prison, j'ai traversé des zones aux regards intenses et tatouages sur la peau, des chambres de révision et des couloirs éternels, dans les coins guadalupéens et les grilles de la douleur. Fernando est sorti dans la cour des visites habillé d'une salopette orange, appelé chetín dans le milieu carcéral et qui est l'habillement que doivent porter les prisonniers dangereux. Cela l'avait beaucoup contrarié mais je lui ai dit que c'était mieux comme ça, pour que les prisonniers ne l'embêtent pas. Il m'a dit qu'il avait reçu un bon traitement en général, que la nourriture était horrible et que les VIP étaient appelés maiceros. Il partage l'espace avec des jeunes qui le nomment « le père » et l'appellent à tue-tête quand il passe au JT.
Sa cellule est la « carraca » 23 et comme l'indique son uniforme, il est le prisonnier numéro 26. Fernando sourit et est optimiste, il sait qu'il n'y a pas d'éléments juridiques pour le maintenir dans le CERESO mais il est conscient aussi que son affaire est un emprisonnement politique et qu'ils peuvent le garder là plus de temps pour déstabiliser le mouvement. Il m'a demandé un cahier et un stylo pour écrire, et que je l'aide à diffuser le message suivant :
« Je sais que mon sacrifice n'est pas vain, je sais que mon emprisonnement, comme celui de Mario, peut aider à recomposer et renforcer le mouvement. Il y a beaucoup de choses dont nous les yaquis nous devons sentir fiers, parmi elles il y a celle de notre histoire de défense du territoire yaqui et de l'eau. Personne ne peut arrêter la lutte ». Avec ceci je confirme que c'est en utilisant ses paroles que Fernando Jiménez ou Fernando Jinabacaumea peut tuer un orateur ou même un dirigeant politique. Et autant qu'il peut tuer, il peut donner vie à un mouvement indigène surgi pour la sauvegarde d'un peuple digne et persistant.
Source : masde131.com
Traduction : Ro Correction : Myriam

Communiqué de l'EZLN et du CNI
Convocation à une journée internationale de soutien

+ d'infos: Les Yaquis

Poema desde Francia
La libertad tiene alas de fuego
Y un corazon de plata
Ella signa en las nubes
Un mensaje de justicia
Y en los corazones amigos
Un guiño de complicidad
Libertad para nuestros comp@s !
Justicia para la tierra !
La lucha sigue !

Carole Radureau (08/10/2014)

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