Le Sous-Commandant Pedro ou
La Larga Vispera
"J'allume ma pipe et de la main
je fais signe vers les lointains. Pedro regarde dans la même direction, se lève
et dit, se dit, nous dit: -Oui, on commence à voir l'horizon."
Sous-Commandant Marcos
26 octobre 2003
Le Sub l'appelle
Mon Frère. En 2003, les femmes de La Realidad ne peuvent l'évoquer, dix ans
après son décès, sans que des larmes viennent leur troubler la vue, les
insurgés du 1er janvier 1994 parlent de lui avec un respect et une
tendresse non dissimulée. Les communiqués zapatistes lui rendent régulièrement hommage.
Le calendrier et la géographie
Mort le 1er
janvier 1994 lors du soulèvement zapatiste, il est l'un des six fondateurs de
l'EZLN, le 8 novembre 1983.
Héctor Ochoa, alias
Sous-Commandant Pedro, est né un 26 octobre (dixit le Sub), au DF. Sans doute
en 1963. Ou en 1962. Mais bon, il y a calendrier et calendrier, géographie et
géographie…
Alors qu'il
travaille pour la Pemex, la compagnie des pétroles mexicains, à Macuspana, dans
le Tabasco, il intègre le FLN (Frente de Liberación Nacional). C'est là sans
doute qu'il se forme aux mouvements de masse et aux tactiques de la guérilla.
Lors de la
"Larga Vispera" cette longue veille zapatiste qui s'étendit sur les
dix années précédant le soulèvement, et durant laquelle des hommes et des
femmes se sont organisés et ont lutté pour que le monde entende enfin ce qu'ils
avaient à lui dire, Héctor Ochoa, alias Sous-Commandant Pedro, concentre ses
efforts sur le territoire tojolabale, dans la région de Las Margaritas.
Désigné Chef de
l'Etat-Major et Commandant en Second lors de la rébellion, il a pour mission de
prendre le chef-lieu de Las Margaritas, puis de poursuivre par l'attaque de la
caserne de Comitán, à vingt kilomètres de là.
Alors que ses
troupes ont pénétré dans Las Margaritas, et que tout est calme sur la place
centrale de la ville, il sort, accompagné de deux hommes. Atteint par une balle
tirée par un homme embusqué, il ne survivra pas à ses blessures. La piqûre
d'adrénaline du lieutenant de santé Gabriela ne sera d'aucun secours contre la
gravité de l'impact.
Sous le passe-montagne
Enterré dans la communauté zapatiste de La
Realidad, le Sous-Commandant Pedro est une légende. Décrit comme grand fumeur
de Alas et amateur inconditionnel de café, il aimait jouer au football avec les
gamins des villages, leur apprenait le jeu d'échecs, portait une attention
respectueuse aux anciens.
Ceux qui l'ont
connu évoquent sa gaîté, son enthousiasme, la force qu'il était capable de leur
communiquer, et affirment qu'il adorait danser, notamment sur les notes du
"Cheval Blanc".
Les insurgés disent
qu'il aimait marcher, (mais mieux vaut aimer cela quand on est guérillero
zapatiste !) qu'il leur apprenait à se déplacer, la nuit, sans lumière, et
qu'il était d'une grande patience quand il s'agissait de donner des
explications. Mais aussi, clandestinité oblige, d'une sévère intransigeance sur
la sécurité et la discrétion lorsqu'il fallait aller d'un camp à un autre, ou
parler dans les villages.
On commence à voir l'horizon
"Qu'importe où
nous surprendra la mort, disait le Che. Qu'elle soit la bienvenue, pourvu que
notre cri de guerre soit entendu, qu'une autre main se tende pour empoigner nos
armes, et que d'autres hommes se lèvent." C'est fait, Pedro. Viva Marcos !
Viva Moise ! Les compañeros et compañeras n'ont jamais posé les armes. Et,
chose inattendue, des hommes se sont levés partout dans le monde, pour entendre
la parole zapatiste, la soutenir et lutter en apprenant d'elle. La Otra est
vivante dans ceux qui y adhèrent.
Marcos dit de Pedro
qu'il aimait regarder les cartes; et si c'était pour préparer le soulèvement,
ouvrir des voies dans la Lacandone ou les Altos, sans doute s'y penchait-il
aussi comme on se penche sur les possibles d'un Autre Monde.
Oui, on commence à
voir l'horizon. Et même très clairement. Jamais on ne l'avait vu aussi
distinctement. La grande machine du néo-libéralisme se fissure de tous côtés,
la brute craque; elle va bien finir par crever sous le poids de son orgueil
dément.
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