Professeur
Zapatista Galeano: Notes d’une
vie.
2
mai 2015
Compagnons
et compagnes de l’Armée
Zapatiste de Libération
Nationale:
Compagnons
et compagnes de la Sexta:
A
ceux qui nous rendent visite:
Je
dois maintenant vous parler du compagnon professeur Zapatiste
Galeano.
Parler
de lui pour qu’il vive
à travers la parole.
Vous parler de lui pour que, peut être
vous compreniez notre colère.
Et
nous disons « professeur
zapatiste Galeano» parce
que c’est le poste ou
la position ou le travail qu’il
occupait lorsqu’il a
été
assassiné.
Pour
nous, hommes et femmes zapatistes, le compagnon professeur Galeano
représente toute une
génération
anonyme du mouvement zapatiste. Anonyme pour l’extérieur,
mais protagoniste fondamental dans le soulèvement
et durant ces presque 20 ans de rébellion
et de résistance.
La
génération
qui, étant jeune, était
dans ce que l’on
appelle les organisations sociales et a connu la corruption et le
mensonge qui nourrissent ses dirigeants, s’est
préparée
à la clandestinité,
s’est soulevée
avec les armes contre le gouvernement suprême,
a résisté
à nos coté aux
trahisons et persécutions,
et a guidé la résistance
de la génération
qui est aujourd’hui en
charge des communautés
indigènes.
La
mort violente, absurde, implacable, cruelle, injuste l’a
rattrapé au poste de
professeur.
Un
peu plus et elle l’aurait
rattrapé en tant
qu’autorité
autonome.
Avant
ça elle l’aurait
rattrapé comme guide.
Encore
avant, la mort aurait tué le
milicien.
Beaucoup
de lunes avant, le mort aurait été
un jeune qui en savait suffisamment et le nécessaire
sur le système, et
cherchait, comme beaucoup d’autres
hommes et femmes encore, le meilleur moyen de le défier.
Il
y a un an, un trio de journalistes, à
la solde du gouvernement de Ario Velasco et sa court pourrie,
a émis un mensonge sur
son assassinat.
Celui
qui a pris les photos blessantes des sois-disant coups, soigneusement
bandés, des assassins,
est allé en récompense
promener à New York
d’autres photos
mercenaires.
Ceux
qui ont gobé toute crue
la merde gouvernementale et l’ont
diffusée en première
page, ont fait écho à
ceux qui maquillent les informations et présentent
son assassinat comme le résultat
d’un affrontement.
Les
complices qui se sont tu par intérêt économique
ou calcul politique continuent de simuler qu’ils
font du journalisme et non de la publicité
mal dissimulée.
Peu
de jours avant la présente
convocation, nous avons lu dans la presse payée que « l’héroïque »
« la dévouée »,
« la
professionnelle »,
« l’impeccable »
police du district fédéral
à Mexico, avait eu un
« affrontement »,
c’est le terme employé,
avec un groupe de personnes non-voyantes. Les satanés
aveugles s’en sont pris
avec leurs « armes »,
leurs cannes, aux pauvres policiers qui ne faisaient rien d’autre
que l’accomplissement
de leur devoir et ont dut répondre
à coups de matraques et
de boucliers pour faire voir, aux non-voyants, que la loi est la loi
pour ceux d’en bas, et
pas pour ceux d’en
haut.
Il
y a peu également, et
avec le prétexte des
spéculations
saisonnières qui
reviennent non seulement dans le milieu journalistique mais aussi sur
les réseaux sociaux,
quand on parle de quelque chose pour cacher qu’il
n’y a rien d’important
à dire ni à
informer, une journaliste, de celle qui revendique
« professionnalisme"
et « objectivité »,
écrivait sur la mort du
frère en lutte et
ramasseur de pluies, Eduardo Galeano, et sous entendait un lien
erroné entre le Galeano
écrivain et le Galeano
professeur, milicien et zapatiste.
En
citant le compagnon zapatiste Galeano, la journaliste corrompu
insistait sur le fait qu’il
était mort lors d’un
affrontement et réutilisait
les photos de son collègue,
le touriste de New York.
Je
précise que c’est
une journaliste, non pas par misogynisme, mais pour la raison
suivante: comme il est courant dans les médias,
si courant que parfois on en parle même
pas, les meurtres de femmes sont également
maquillés de façons
à ce qu’elles
soient « mortes »
et non « assassinées ».
Prenons
n’importe quel exemple,
un foyer ou une rue n’importe
laquelle, un endroit n’importe
où, une date quelconque:
il y a une dispute, une bagarre, ou même
pas, parce que c’est
lui qui commande, l’homme
agresse la femme, la femme se défend
et parvient à le
griffer, l’homme la tue
sous les coups, à coups
de poings, à coups de
couteau, à coup de
balles, à coups de
mépris. L’homme
est soigné et les
griffures soignées et
bandées.
De
ce fait, la journaliste, « professionnelle
et « objective »,
comme elle dit l'être,
écrira la note suivante:
« une femme est
morte lors d’une
querelle avec son conjoint, l’homme
présente des blessures
dues à la bagarre. On
joindra des photos du pauvre homme blessé,
après avoir été
soigné par par
les services médicaux.
La famille de la femme auteur de l’agression
a refusé que son corps
soit photographié ».
Fin de l’article et à
l’encaissement.
Ainsi
sont les notes journalistiques de nos jours: des aveugles armés
de cannes affrontent des policiers armés
de boucliers, matraques et gaz lacrymogènes.
Des femmes armées
d’ongles affrontent des
hommes armés de
couteaux, de garrots, de pénis.
Voici
les affrontements couverts par les médias
corrompus, même si
certains se font passer pour des médias
libres, comme certains qui se sont inscrits ici, en pensant que nous
ne les identifierions pas et que nous ne les laisserions pas entrer
si ils étaient à
la solde d’intérêts
divers. Mais nous les identifions et ils sont là
et « couvrent »
cet événement.
Le
compagnon professeur Galeano n’est
pas mort lors d’un
affrontement. Il a été
séquestré,
torturé, vidé
de son sang, roué de
coups de bâtons, de
coups de machettes, assassiné
et balancé. Ses
agresseurs avaient des armes à
feu, pas lui. Ses agresseurs étaient
plusieurs hommes et femme, lui était
seul.
La
journaliste « professionnelle »
et « objective »
réclamera les
photos et l’autopsie,
et n’obtiendra ni les
unes ni l’autre. Parce
que si elle ne se respecte pas elle-même,
et qu’elle ne respecte
pas son travail, et que c’est
pour ça qu’elle
écrit ce qu’elle
écrit sans que personne
ne la questionne et en plus en se faisant payer pour ça;
nous Zapatistes, homes et femmes, si nous respectons nos morts.
Il
y a plus de 20 ans, durant la bataille de Ocosingo, qui a duré
4 jours, des combattants zapatistes ont étés
exécutés
par les fédéraux
après avoir été
blessés au
combat. Les armes à feu
des zapatistes ont été
remplacées par
des armes de bois. La presse avait alors été
appelée à
s’acquitter de
sa paye sous la surveillance des troupes gouvernementales. Apparu
ainsi le tissu de mensonges, répété
depuis jusqu’à en
vomir et aujourd’hui
encore, disant que les troupes de l’EZLN
s’attaquait avec des
armes de bois au mauvais gouvernement. Seulement le petit problème
c’est que quelqu’un
avait pris des photos des zapatistes qui une fois tombés
n’avaient rien entre
les mains. Et avait mis ses photos en opposition avec les photos
présentées
officiellement. Il y a eu beaucoup d’argent
versé pour que les
photos représentant la
vérité
ne soient pas diffusées.
Maintenant,
en ces temps modernes de crise économique
des médias à
la solde,
un art, la photographie journalistique, est devenue une marchandise
mal payée, qui parfois
ne provoque que des nausées.
je
ne vais pas vous donner les détails
de chacune des blessures du compagnon Galeano, ni vous montrer les
photos de son cadavre bafoué.
Je ne vous rapporterai pas le cynisme narratif avec lequel ses
assassins donnèrent des
détails du crime comme
si il s’agissait d’un
exploit.
Il
faudra du temps. Les confessions des bourreaux apparaîtront à
la lumière. On
aura les détails des
tortures, des célébrations
pour chaque goutte de sang, la beuverie de la mort cruelle,
l’euphorie qui suivie,
la gueule de bois morale et éthylique
des jours suivants,la culpabilité
qui les assaillait, la justice qui les rattrapait.
Les
communautés zapatistes
se souviendront du compagnon maître zapatiste Galeano, sans raffut
ni première page. Sa vie
et non sa mort apportera de la joie à
notre lutte pour des générations.
Des centaines d’enfants
des communautés
tojolabales, tzeltales, tzotziles, choles, zoques, mames et métisses
porteront son nom. Et il y aura bien la petite fille qui s’appellera
Galeana.
Les
3 membres de la noblesse médiatique,
qui ont appelé à la
guerre par la diffusion d’un
mensonge, ceux qui se sont tu par lâcheté,
et la journaliste « professionnelle
et objective »,
continueront d’être
médiocre, ils vivront
médiocres, mourrons
médiocre, et l’histoire
continuera son cours sans qu’ils
ne manquent à personne.
Et
juste pour en finir avec les stupides suppositions, le nom du
compagnon professeur zapatiste Galeano ne vient pas de l’infatigable
cueilleur des paroles d’en
bas que fût Eduardo
Galeano. Ce lien est une invention des médias.
Même
si cela a l’air bête,
le nom de lutte du compagnon vient du rebelle Hermenegildo Galeana,
d’ailleurs originaire
de Tecpan, dans ce qui est maintenant l’état
du Guerrero, et qui réussi
à être sous lieutenant
du chef de l’indépendance
José Maria Morelos y
Pavon. Hermenegildo Galeana faisait parti des troupes insurgées
lorsque, le 2 mai 1812, on mit fin au siège
que l’armée
réaliste maintenait à
Cuautla, anéantissant
au passage les troupes du général
Félix Maria Calera. La
résistance insurgée
écrivait alors une page
brillante de son histoire militaire.
Il
est commun chez les peuples zapatistes que hommes et femmes
appliquent les genres à leur
manière très
personnelle. Ainsi, par exemple « le »
plan devient « la »
plan. Le compagnon a masculinisé
le nom de famille Galeana en Galeano. Et ceci des années
avant notre apparition publique.
Il
n’y a pas grand chose
d’autre à
dire sur le compagnon professeur Galeano.
Ses
proches et ses compagnons hommes et femmes, qui nous honorent
aujourd’hui de leur
présence, le feront
mieux, de même que le
Sous-comandant Insurgé Moises.
Moi,
je souffre encore de son absence.
Je
ne m’explique toujours
pas la cruauté avec
laquelle on s’est
acharné contre lui, en
voulant le tuer avec des armes et avec des articles journalistiques.
Je
ne comprends toujours pas le silence complice et le désintérêt
de ceux qu’il avait
soutenu et aidé avec
générosité,
qui lui ont tourné le
dos à sa mort après
avoir profité de sa vie.
C’est
pour cela que je pense que, puisqu’il
s’agit de sa vie, c’est
mieux que ce soit le Compagnon Galeano qui vous parle.
Les
passages suivants que je vais vous lire, viennent du cahier de notes
du compagnon Galeano. Le cahier, avec ces écrits
et d’autres ont été
remis à la
direction Générale
de EZLN par la famille du compagnon que nous regrettons aujourd’hui.
Apparemment
les écrits débutent
en 2005 et les derniers datent de 2012.
Voici:
«
Pour tous ceux qui lisent cette brillante histoire et pour
qu’un jour mes enfants
et mes compagnons ne disent pas il a disparu.
J’écris
mes actions et mes pas dans la lutte, mais je suis aussi critique
pour que vous connaissiez aussi mes erreurs et que vous ne commettiez
pas les mêmes. Mais cela
ne veut pas dire que je ne suis pas un compagnon.
Bon
je vais commencer depuis ma jeune vie et de civil avant.
Quand
j’avais environ 15 ans
j’avais toujours
participé aux œuvres et
actions d’une
organisation appelée
« Unions communales
de la Jungle ».
Je
savais aussi que j’étais
exploité parce que le
poids de la pauvreté qui
pesait sur mes épaules
brûlées suffisait à me
rendre compte que l’exploitation
existait encore, et qu’un
jour quelqu’un
viendrait nous relever et nous montrer le chemin, pour nous guider.
Bon,
comme je vous l’ai dit
au début j’ai
participé à un tour que
nous avons fait (nombre illisibles) indigènes
pour essayer d’échanger
des idées de travail
productif. C’est comme
ça que s’appelait
ce programme qu’ils
avaient fait selon nos conseillers de cette Union, dans laquelle nous
militions.
Bon,
à moi cela m’a
servi pour apprendre beaucoup de choses. D’abord
je me suis rendu compte de comment ils ont essayé
de nous tromper ces maudits conseillers
Juarez et Jaime Valencia entre
autres. Nous sommes allés
jusqu’à Oaxaca, à
un endroit où il
y a des indigène comme
nous, qui avaient aussi une organisation appelée
X dirigés par un prêtre
qui était avec eux. Mais
qui connaissent la même
oppression que nous.
Bon,
nous avons donc parcouru plusieurs villes du pays. C’est
là que je me suis rendu
compte combien de gens mendient dans la rue, sans toit et sans avoir
à manger. Je me suis
vraiment rendu compte que ce devait être
notre objectif, échanger
des idées pour tenter de
voir comment exiger une vie digne pour tous ceux qui vivons dans des
conditions de pauvreté
humiliante à cause
des gouvernements.
Je
me suis aussi rendu compte de quelque chose que j’ai
détesté
et je n’ai plus
jamais été
dépendant de ces
hommes menteurs et manipulateurs qui font semblant d’être
avec ceux d’en bas. Ils
organisaient tous ces mouvements pour s’enrichir
sur notre dos, les cons que nous étions
croyaient en leur frauduleuse et fausse idée.
Pourquoi
est-ce que je dis ceci? Vous allez voir comment ça
s’est passé.
En fait ils faisaient la promotion de programmes du gouvernement pour
nous tromper, et qu’à notre
tour nous trompions les gens de nos communautés.
Pour ce tour, le gouvernement a versé
une subvention de 7 millions de pesos, ce qui à
l’époque était
une grosse somme parce qu’on
parlait en milliers, pas comme maintenant en pesos. A l’époque
on nous a dit que le gouvernement avait donné
7 millions, mais qu’on
ne nous donnerait pas tout, seulement 3 millions et que le reste
servirait pour les prochaines tournées,
et nous n’avons plus
jamais entendu parler de cet argent.
Évidement,
ils ne nous l’ont pas
dit, mais les maudits conseillers ont gardé
cet argent, pendant que nous mangions des chips avec un petit
morceau de fromage, la-bas à
Oaxaca, et que nous dormions dans le couloir de la préfecture
de Ixtepec dans l’état
de Oaxaca, eux où étaient-ils?
et bien devinez, ils dormaient dans de bons hôtels
et mangeait dans de bons restaurants. Et nous sommes revenus au
Chiapas.
Nous
sommes arrivés à
Puerto Arista. Là pour
couronner le tout ils ont acheté
des caisses de bières.
Les 3 millions qu’administraient
les responsables des dépenses
ce sont alors sois-disant terminés.
Ils nous ont dit que nous allions devoir manger des gâteaux
et des sodas parce qu’il
n’y avait plus
d’argent.
Mais
moi je savais que ce n’était
pas vrai, Que les trésoriers
nous faisaient croire qu’il
n’y avait plus
d’argent, mais qu’ils
avaient passé un accord
avec ces salauds de conseillers. Moi je leur ai dit que nous
refassions les comptes pour vérifier
si c’était vrai qu’il
n’y avait plus
d’argent. Mais ma
proposition n’a pas été
acceptée et ils
m’ont dit que la
campagne s’arrêtait
là, à
Motozintla. Ils m’ont
donné 40 mille pesos
(d’alors) pour rentrer
chez moi, parce qu’ils
avaient compté que
c’était ce que
j’allais dépenser
en transports jusqu’à
Margaritas puis jusqu’à
La Realidad, que je me débrouille
avec ça. J’en
ai chier, 40 mille anciens pesos que Salinas a converti en 40
nouveaux pesos. Et c’est
dans ces conditions que je suis rentré
dans mon village, triste et furieux à
la fois.
C’est
en 89, que j’ai connu
un vrai conseiller, un homme qui se faisait passer pour un humble
travailleur vendeur de perruches. Nous étions
presque devenus amis, mais bien que nous nous connaissions bien, il
ne m’avait jamais dit
qui il était ni ce qu’il
voulait et faisait réellement.
Nous nous retrouvions souvent au Cerro Quemado, nous discutions, je
voyais qu’il avait son
sac à dos « plein »,
comme nous les appelons ici, et enveloppés
il avaient ses outils de travail. C’est
ce que me disait mon ami. Combien d’autres
comme moi connaissait l’histoire
de mon ami sans savoir la vérité,
restait encore à découvrir
combien de mensonges racontait mon ami de l’époque.
Des mensonges pour faire la vérité,
des mensonges pour faire la Réalité,
des vrais mensonges. C’était
mon pote, et moi si maladroit je ne comprenais pas ce qu’il
se passait.
Jusqu’au
jour où j’ai
revu mon ami, mais cette fois il n’était
pas habillé comme un
humble travailleur, ni portait de sac à
dos et n’avait
pas non plus de cage à oiseaux.
Que
portait-il alors? Vous voyez, mon ami était
là, mon pote, tout en
noir et marron, avec sac à dos
et chaussures, et arme à
l’épaule. Mon
ami était en fait un
courageux guerrier et soldat du peuple. j’étais
étonné
et je suis rentré,
triste et sans comprendre ce qu’il
se passait.
Ce
fût mon erreur, ne pas
comprendre rapidement ce que voulait cet homme.
Comme
il a compris que je l’avais
reconnu, ils m’ont fait
venir à la maison de
sûreté avec mes parents
et mes frères. Mais
finalement mon père n’a
pas voulu s’enrôler,
mes frères non plus,
mais moi je n’avais
rien d’autre à
faire ni à dire.
C’est comme ça
que je suis vraiment entré dans
l’organisation. Ils
m’ont emmener pour
m’entraîner. A l’époque
ils étaient presque tous
zapatistes. Nous sommes allés
nous entraîner. Ensuite on m’a
nommé caporal et ainsi
jusqu’à ce que
s’enrôlent
tous mes proches.
Jusqu’au
jour où j’ai
su qui était et comment
s’appelait mon
véritable ami menteur:
Il était à
l’époque le
Capitaine insurgé Z. Il
était là
cet homme qui avait dût
parcourir tous les villages indiens du Chiapas, toutes ses
montagnes,ses fleuves et ses vallées.
Il marchait la nuit en tant que guerrier; le jour comme un simple
travailleur, en semant petit à
petit la graine de la liberté
jusqu’à ce
qu’elle pousse et donne
des fruits.
Sa
souffrance a été
grande, mais il a récolté
de jolis fruits qu’il
a emmené. Et il a obtenu
avec orgueil le grade de Major grâce
à son intelligente et
courageuse action et préparation.
Mais
il n’y avait pas que
lui, Il y avait un autre grand homme courageux et inoubliable
révolutionnaire dans
l’histoire de notre
clandestinité, le nommé
et cher Sous-commandant Insurgé Pedro, « l’oncle »
surnommé ainsi
avec respect par tous les compagnons de notre lutte. Aimé
par tous parce qu’il
était un véritable
exemple qui a partagé son
savoir révolutionnaire.
Il a été
un véritable
maître en discipline et
compagnonnage.
Exemplaire
parce qu’il disait
qu’il irait aux fronts
lors des combats, et que si c’était
nécessaire de mourir
pour notre peuple, il le ferait.
Le
28 décembre (1993) Le
compagnon Sup I. Pedro m’a
dit, Tu vas à Margaritas
pour acheter l’essence
et les piles dont nous avons besoin, dit au compagnon Alfredo qu’il
prenne « l’Ami »,
c’est à
dire la voiture de la communauté,
mais ne lui dit pas que la guerre va commencer.
Et
je suis parti. Nous avons partagé
des grains de mais pour endormir le
chauffeur, parce qu’il
était
urgent de partir et comme ça
il ne se douterait pas de ce qu’il
allait arriver. Mais il savait, comme un ragot, que la guerre allait
commencer, et il posait des questions, mais je ne lui ai rien dit,
c’était
les ordres, et je les ai respecté
bien que ce soit mon compagnon. Même
à
mes parents je n’ai
pas dit ce qu’il
allait arriver, parce que eux vivaient déjà
à Margaritas. Nous avons roulé
toute la nuit et toute la journée.
Le
29 ( décembre
1993) nous sommes rentrés
vers 4 heures de l’après-midi
à la
Réalidad.
J’avais
accompli ma première
mission. je suis allé
au rapport et il m’a
dit: Prépare
toi parce que nous allons nous battre, en une demi heure les
policiers de Margaritas se seront rendu. Cela est resté
gravé
pour toujours. et d’autres
exploits du Sup C. I. Pedro.
Encore
aujourd’hui
le 30 (décembre
1993) sorti à
Margaritas. Il y a eu aussi beaucoup
d’accidents
en chemin. L’avancée
de nos troupes a été
incroyable. Sans que l’ennemi
ne s’en
rende compte, nous avancions comme des fantômes
au milieu de la nuit noire, seulement éclairés
par les phares des voitures et des bus zapatistes.
Avant
d’arriver
à
Margaritas, il y a un endroit, avant
d’arriver
à
Zaragoza. Prés
de ce village on nous a réparti
nos taches révolutionnaires:
premier groupe, prise de la préfecture;
second groupe, prise et barrage de la route Margaritas - Comitan;
troisième
groupe, prise et barrage de la route San Jose Las Palmas -
Altamirano, quatrième
groupe, route Indépendencia
- Margaritas; cinquième
groupe, prendre la radio Margaritas.
C’était
le matin de ce glorieux 1 janvier, quand nous n’étions
plus des fantômes
sortis de la nuit, nous étions
enfin le EZLN à
la lumière
du jour. Tout le monde nous regardait avec étonnement
et respect pour notre action courageuse.
C’est
comme ça
que le SUP C. I. Pedro est tombé
au combat contre les policiers. Il
est mort comme un grand courageux, en tuant plusieurs policiers. Il
les a juste affronté.
Sa rage contre les assassins du peuple était
si grande que sa vie n’importait
pas, il a ainsi tenu sa parole: mourir pour le peuple ou vivre pour
la patrie.
Quelle
a été
ma surprise lorsqu’on
nous a prévenu
que notre bien aimé
chef était
tombé.
J’ai
ressenti une douleur si grande, mais il avait accompli sa mission,
et avait bien préparé
sa succession aux commandes. Parce
qu’il
savait qu’il
allait se battre et que pendant une guerre il peut se passer ce genre
de choses.
C’est
alors que prend les commandes et que l’on
voit de nouveau en action ce courageux guerrier, mon ami le Major
Insoumis Z. Nos missions, malgré
la douloureuse perte de notre grand
chef, étaient
dirigées
par le Major I. Z. Un groupe est allé
prendre la finca
du General Absalon Castellano Dominguez, l’ont
fait prisonnier et l’on
amené
jusqu’aux
montagnes, pour après
le juger pour tous les crimes commis durant son gouvernement, il en
était
l’auteur
intellectuel. Malgré
tout ce qu’il
traînait, sa culpabilité
et d’être
l’assassin
de tant d’enfants,
de femmes et de vieux à
Wololchan, on respecta ses droits
comme prisonnier de guerre. Il n’a
jamais été
torturé.
Au contraire, ce que mangeait les troupes, il en mangeait aussi.
Ainsi notre compagnon prouva une fois de plus son éducation,
et la bonne formation militaire reçue
pendant sa clandestinité.
Le respect des vies de ceux qui sont fait prisonniers pendant une
guerre doit être
respecté.
Et nous rappelons à
tous ceux qui nous lisent que le
respect se gagne en respectant ceux d’en
bas, mais aussi ceux d’en
haut si ces derniers respectent ceux d’en
bas. Merci. Mourir pour vivre. Galeano. »
(il
continue)
« A
Margaritas je faisais parti du barrage de la route Margaritas San
José
las Palmas. De là
nous sommes sommes allés
à la
route Margaritas-Comitan. Nous sommes resté
là
toute la nuit du 1er janvier jusqu’à
ce qu’on
nous donne l’ordre
de prendre l’entrepôt
de la Conasupo qui était
à
Espiritu Santo. Avec d’autres
compagnons insoumis nous sommes allés
prendre des vivres pour les troupes. Puis nous avons reçu
l’ordre
de retrait vers les montagnes et nous sommes allés
à
Guadalupe Tepeyac en faction. Nous
étions
en embuscade de La Realidad au kilomètre
90 du Cerro Quemado, puis on m’a
envoyé
récupérer
un véhicule
3 tonnes qui appartenait à
un type appelé
J. de Guadalupe Los Altos.
Je
ne savais pas bien conduire. Je ne connaissais que la théorie
de la conduite, et là
je suis passé
à la pratique et j’ai
bougé
le véhicule.
J’ai
fait tout le chemin jusqu'à
La Realidad en première.
J’étais
attendu, et la compagne capitaine L et d’autres
insurgés
m’ont
dit « Allez
Galeano »,
mais je leur ai répondu
« j’ai
jamais conduit et encore moins des poids lourds ».
Mourrir
pour vivre. Galeano »
(entre 2005 et 2009)
(Il
continue)
« C’est
pas grave, à
la guerre tout est permis »,
m’a
répondu
la compagne et nous sommes parti, mais après
le Cerro Quemado, j’avais
pris confiance, j’ai
commencé
à aller plus vite, mais dans un
virage j’ai
trop tourné
le volant et je suis sorti de la
route et me suis retrouvé
dans les plantes à
15 mètres
de la route. Mais bon, j’en
suis sorti comme j’ai
pu et j’ai
continué
pour accomplir ma mission.
A
partir de ce jour, j’ai
conduit tous les jours, jusqu’à
ce qu’un
hélicoptère
nous voit et nous mitraille. Il m’a
tiré
dessus pendant 10 ou 20 minutes,
mais j’étais
bien caché
sous une pierre. Seuls la poussière
et l’odeur
de la pierre et de la poudre arrivaient jusqu’à
moi. J’ai
attendu que cesse le feu et que l’hélicoptère
s’en
aille pour sortir de ma cachette et continuer ma mission. La mission
consistait à
aller chercher miliciens qui étaient
à
Momon. Je suis allé
et venu avec mon ami et chef
militaire le compagnon Major Insurgé
Z. Nous avons toujours été
ensemble pendant la guerre, même
les jours de cessez le feu.
Dans
les missions du premier Aguascalientes à
Guadalupe Tepeyac, j’étais
à la
fouille des gens qui venaient à
la Convention Démocratique.
On me forma pour être
garde du corps, et j’étais
garde du corps de nos dirigeants.
Puis,
le jour de la trahison de Zedillo, le 9 février
nous avons mis des obstacles sur la route à
Cerro Quemado. L’armée
était
déjà
à Guadalupe Tepeyac. Mais nous
avancions quand même
dans l’obscurité
et on creusait des tranchées,
on coupait des arbres pour barrer la route à
l’armée
fédéral
vers La Realidad.
Nous
sommes restés
dans les montagnes plusieurs jours, jusqu’à
ce que le peuple du Mexique et du
monde se mobilise de nouveau et freine la persécution
de nos dirigeants et des troupes de l’EZLN.
Après
plusieurs jours et nuits de campement dans les montagnes, nous sommes
rentrés
dans nos villages.
J’ai
participé
à toutes les rencontres que notre
groupe organisa. J’ai
été
garde du corps de nos chefs
militaires. j’ai
participé
à la marche des 1 111 Zapatistes à
la ville de Mexico.
Dans
toutes les marches j’ai
voyagé
avec orgueil comme chauffeur du
« Conejo »,
du « Tata »,
du « Chocolate ».
Emmenant toujours nos compagnons aux marches pour exiger l'accomplissement deos revendications. Quand
tous les sergents se sont dégonflés
et que je suis resté
on m’a
nommé
sergent. J’ai
participé
aux groupes juvéniles
régionaux
dans la clandestinité
et en temps de guerre. De plus de
mille façon
nous avons fait la guerre à
l’ennemi,
même
si le mauvais gouvernement en a fait autant.
Nous
devons reconnaître le long chemin parcouru peu importe les
sacrifices et les privations.
C’est
ce qui nous a rendu forts et me maintient sur le chemin de la lutte,
jusqu’à
obtenir la liberté
dont notre peuple a besoin. Il y a
encore du chemin à
parcourir, parce que déjà
qu’il
est long et difficile, peut-être
près,
peut-être
loin, mais nous triompherons.
Ensuite
on a organisé
les réunions
du Bon Gouvernement, et j’ai
été
choisi comme chauffeur du premier
camion qu’a
eu le Conseil du Bon Gouvernement. Il s’appelait
« Le
Diable ».
J’ai
été
enlevé
avec un autre compagnon, et ils nous
ont emmené
attachés
dans le camion à
la CIOAC-Historica. Je suis resté
attaché
plusieurs heures avant d’être
transféré
dans une prison à
Saltillo. Puis à
Justo Sierra, sans manger, attaché,
sans communication. Ils voulaient que j’exige
la libération
d’un
délinquant
mais je n’acceptais
pas d’être
échangé
parce que moi j’étais
innocent et lui un voleur de ceux qui pullulent toujours dans les
organisations sociales.
J’ai
été
prisonnier 9 jours jusqu’à
ce qu’ils
rendent compte qu’il
allaient avoir des problèmes
avec les droits de l’homme
et avec l’EZLN.
Ils ont rendu le camion au bout de 3 mois. On lui a ensuite changé
de nom (au camion) et on l’a
appelé
le « kidnappé
historique ».
A ainsi commencé
la labeur des Conseil du Bon
Gouvernement et de l’autonomie.
Mourir pour vivre. Galeano. (24 janvier 2012).
C’est
la dernière
date indiquée
dans son cahier. Avec cette brève
autobiographie il y a quelques poèmes,
sans doute de lui, et quelques chansons d’amour
et choses comme ça.
De
mon coté,
Je n’ai
rien à
ajouter sauf que le compagnon
professeur zapatiste Galeano était
comme n’importe
quel compagne ou compagnon zapatiste, Quelqu’un
qui vaut bien la peine de mourir pour le faire vivre de nouveau.
En
terminant ces lignes, peut-être
y a t-il une réponse
à une
question latente. Une question semée
à la
moitié
de l’histoire
et qui ne s’écrit
pas avec des mots:
Quoi
ou qui a rendu possible qu’un
espace de lutte soit le lieu de rencontre entre le philosophe
zapatiste et l’indigène
zapatiste?
Comment
sans cesser d’être
professeur, le philosophe est devenu zapatiste, et l’indigène,
sans cesser d’être
zapatiste, est devenu professeur?
Il
se passe des choses dans le monde qui rendent possible cette
absurdité
et d’autres.
Pourquoi,
pour vivre, lègue-t-on
aux siens une pièce
cachée
du puzzle de son histoire?
Pourquoi,
pour ne pas partir, nous a-t-il laissé,
en lettres, un regard vers lui-même
et son histoire avec nous hommes et femmes zapatistes?
C’est
ce à
quoi nous tentons de répondre
chaque jour, à
chaque heure, partout.
Au
moment de mettre le point final à
ces mots, il me vient que la
réponse,
ou au moins en partie, est assise à
cette table, elle est en tous ceux
qui sont derrière
et devant moi, elle est dans les mondes qui rejoignent le notre par
la lutte de ceux, qui avec une fierté
secrète,
se font appeler zapatistes, professionnels de l’espoir,
transgresseur de la loi de gravité,
des gens qui sans sursaut à
chaque pas se répètent:
POUR VIVRE NOUS MOURRONS.
Depuis
les montagnes du sud est mexicain
Sou
Commandant Insurgé
Galeano
Mexique,
2 mai 2015
Je
passe la parole à
la compagne auditrice zapatiste
Selena.
No hay comentarios.:
Publicar un comentario