DOSSIER SPECIAL : Le Train Maya
“L’absence permanente de dialogue entre l’État et les peuples autochtones font de la consultation au sujet d’un projet d’investissement l’unique espace au sein duquel l’État prétend résoudre tous les problèmes de ces peuples. Cela fait ainsi peser beaucoup de pression sur les projets d’investissement”(6)Au milieu du mois de novembre de cette année, le gouvernement de la “Quatrième transformation” a convoqué les autorités et les institutions représentatives des municipalités et des communautés autochtones appartenant entre autres aux peuples Maya, Ch’ol, Tseltal et Tsotsil des États du Chiapas, de Tabasco, de Campeche, du Yucatán et de Quintana Roo, ainsi que la société civile de ces États, afin qu’ils et elles participent au Processus de Consultation Indigène et à la Journée d’Exercice Citoyen Participatif au sujet du “Projet de Développement Train Maya”. Ces communautés se trouvent dans la zone d’influence dudit “projet”.
La consultation des peuples autochtones prétend établir un espace de dialogue avec près de 3400 communautés indigènes. Il se décompose en plusieurs phases et en 15 assemblées régionales, visant à recueillir leur avis et à conclure avec eux des accords au sujet de leur participation au développement du projet et de la redistribution “juste et équitable” des bénéfices.
Le projet selon le point de vue du gouvernement
Selon les informations officielles, “le Train Maya consiste en un projet intégral d’aménagement du territoire, d’infrastructure, de croissance économique et de tourisme durable”. Il prétend connecter les principales villes et circuits touristiques des cinq états du sud-est mexicain de la région maya, via 1460 kilomètres de voie ferrée et 18 stations de train. L’objectif principal serait “le bien-être social des habitants de la Zone Maya”, grâce à la potentielle génération d’emplois, la croissance économique de la région et le développement d’infrastructures et de services de base capables d’améliorer la qualité de vie des populations y habitant.Selon le gouvernement, “le Train Maya sonne l’heure d’un nouveau paradigme du tourisme qui non seulement cherche à préserver les éco-systèmes, les sites touristiques et les cultures locales dans la mesure du possible, mais créera également un contexte favorable à la reconnaissance et au respect des peuples originaires et de l’environnement dans la région, tout en intégrant la population dans la dynamique de la croissance économique”.
Pendant la journée, la voie ferrée sera mise au service des passagers locaux et des touristes et, dans la nuit, elle sera utilisée pour transporter des marchandises. “Cela facilitera les flux commerciaux des produits locaux afin de satisfaire la demande régionale et à optimiser les coûts du transport”. La construction du train se décomposera en plusieurs étapes : ainsi, “au cours de l’année 2019, il s’agit de rénover les voies obsolètes reliant Palenque à Valladolid, ce qui représente à peu près la moitié de la route. En 2020, la construction des rails Selva et Caribe II commencera [dans la zone la plus à l’est, près de la Jungle Lacandone et de la Mer des Caraïbes]”. Le gouvernement souhaite mener la construction à terme en quatre ans, afin que le Train soit opérationnel d’ici 2024 (Voir annexe 1).
Le projet en lui-même bénéficie d’un investissement de 120 milliards de pesos. Le financement sera exécuté selon une logique de partenariat public-privé. Lorsque le gouvernement a annoncé le projet, il pensait à un financement public à hauteur de 10 % mais, au mois d’octobre de cette année, les sources officielles ont déclaré que ce montant serait probablement ramené à 40 % du total, le reste étant financé par l’investissement privé(1). En novembre, le président a par ailleurs déclaré qu’”au départ, on pensait à financer la construction du Train Maya en recourant à des crédits mais, grâce aux économies réalisées par son administration lors de sa première année de mandat, les travaux allaient pouvoir être financé par le budget de l’année 2020 afin de ne pas endetter davantage le pays”.
Le projet est soutenu par ONU-Habitat ainsi que par le Bureau des Nations Unies pour les Services d’appui aux Projets (UNOPS). Le secrétaire d’État au Commerce des États-Unis Wilbur Ross a déclaré que la république nord-américaine “est prête à investir et à soutenir la construction du Train Maya ainsi que d’autres infrastructures au sud-est [du Mexique]”.
Deuxième consultation sur la mise en route du projet
Le processus de consultation des peuples autochtones au sujet du Train Maya aura lieu un an après la consultation “générale” ou “citoyenne” à laquelle ont participé 946 081 personnes, 89,9 % d’entre elles votant en faveur du projet. À cette occasion, plusieurs communautés, organisations, activistes et universitaires ont critiqué l’absence d’une consultation spécifiquement autochtone.
Peu après cette consultation, AMLO a inauguré le 16 décembre 2018 la planification de la construction du projet, à l’occasion d’un rituel maya au cours duquel le président a demandé la permission à la Terre Mère. En mai 2019, le Fonds National pour la Promotion du Tourisme (Fonatur) a publié l’appel d’offre pour les services d’ingénierie basique du Train : c’est finalement le consortium composé notamment de SENERMEX Ingeniería y Sistemas, Daniferrotools, Geotecnia y Supervisión et Key Capital qui l’a remporté, pour un montant s’élevant à plus de 298 millions de pesos.
Plus tard dans l’année, le président s’est prononcé à plusieurs reprises sur le projet en le présentant comme un fait. En septembre 2019, il a ainsi déclaré :”il s’agit d’un projet accepté par la majorité des habitants des États du Yucatán, du Tabasco, du Chiapas, de Campeche et de Quintana Roo, il est donc bien accepté”(2). À l’occasion d’un événement à Campeche, il s’est par ailleurs exprimé en ces termes : “qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, que l’on crie ou que l’on râle, le Train Maya sera construit”. À d’autres moments, il a pourtant affirmé le contraire, en déclarant notamment au sujet de la consultation des peuples autochtones que “si les gens disent non, nous nous en tiendrons là: c’est le peuple qui commande”…
La Convention 169 de l’OIT : un instrument qui garantit en théorie – mais pas en pratique – la consultation des peuples autochtones au sujet du projet
Depuis qu’a été annoncé la construction du Train Maya, le directeur de l’Institut National des Peuples Indigènes (INPI), Adelfo Regino, a souligné à plusieurs reprises l’importance d’une consultation anticipée, libre et informée, conforme aux termes de la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cette Convention, relative aux peuples autochtones et tribaux, a été adoptée lors de l’Organisation Internationale du Travail en 1989 et ratifiée par le Mexique en 1990.
Elle définit la consultation comme un droit humain collectif spécialement adapté aux peuples autochtones. Il existe également d’autres lois et déclarations, telle que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, qui appuient aussi ces processus de consultation.
Tous ces textes font ainsi de la consultation des peuples autochtones un pré-requis obligatoire pour que le gouvernement mexicain puisse ensuite mettre en route un méga projet tel que le constitue le Train Maya. En novembre 2019, Adelfo Regino a signalé une fois encore que “la réalisation d’une consultation citoyenne [comprendre “indigène”] afin de pouvoir commencer la construction du Train Maya s’inscrit dans une volonté de se conformer à la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Or, dans l’idée d’écouter l’avis du peuple […], la Convention 169 de l’OIT stipule que le processus de consultation doit avoir lieu avant que des mesures administratives ou législatives relatives au projet et ayant un impact sur les peuples et les communautés autochtones ne soient adoptées”.
Un bref examen par le Commission Nationale pour le Développement des Peuples Indigènes (CDI – aujourd’hui INPI) du protocole relatif à la réalisation de consultation des peuples et communautés autochtones – conformément aux standards énoncés dans la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail sur les Peuples Autochtones et Tribaux de Pays Indépendants – rappelle qu’il est obligatoire que la consultation soit réalisée avant que toute mesure, autorisation, concessions, permis de construire ou autres actions, ne soient mise en route (elle doit donc avoir lieu pendant la conception du projet, pas après)(3).
Les critiques et les défis posés par les processus de consultation
Aussi bien dans ce cas qu’à l’occasion d’autres projets conçus par le gouvernement d’AMLO, plusieurs secteurs de la société civile ont exprimé leur inquiétude, dénonçant notamment “l’utilisation du processus de consultation pour donner une certaine légitimité à des décisions déjà prises, sans que les peuples concernés n’aient été consultés au préalable”.
Nous devons nous rappeler que, comme le montre un rapport régional effectué par l’OIT, “le manque de confiance existant entre les différentes parties en interaction dans les processus de consultation (États, peuples autochtones, organisations privées) constitue le principal obstacle à leur réalisation. Ce manque de confiance rend difficile le dialogue et empêche les parties d’arriver à un accord”.
Selon ce même rapport, les entreprises et les États ont mis du temps à comprendre qu’un processus de consultation ne consiste pas seulement à informer les gens et à proposer des mesures compensatoires, mais aussi à apporter beaucoup de changements au projet initial d’investissement en élargissant les bénéfices aux populations autochtones. De leur côté, les entreprises doivent comprendre qu’une consultation anticipée implique parfois que le projet ne soit pas accepté s’il n’est pas approprié au territoire sur lequel il prétend s’implanter. Concernant les aspects plus institutionnels, le manque d’infrastructures pour la consultation ainsi que l’absence de règles officielles et d’équipes formées pour la mener à bien constituent des obstacles de poids au processus de consultation(4)”.
Au Mexique, les consultations auprès des populations indigènes réalisées jusqu’à présent, telle celle relative au Programme pour le Développement de l’Isthme de Tehuantepec (Train Transisthmique), la Consultation au sujet de la Réforme Constitutionnelle et Légale sur les Droits des Peuples Indigènes et Afro-mexicains ou encore celle relative au Train Maya rencontrent les difficultés mentionnées plus en amont.
Ainsi, les organisations et communauté membres du Réseau de Défenseur-e-s communautaires des Peuples de Oaxaca (REDECOM) ont déploré une “consultation express” au sujet du Programme de Développement de l’Isthme de Tehuantepec : “nous considérons que la rapidité avec laquelle le gouvernement souhaite implanter ce projet empêche que les peuples et les communautés s’informent de manière appropriée et puissent utiliser adéquatement leurs propres formes d’organisation communautaire (telle que l’Assemblée communautaire) afin de trouver des accords”.
Le Réseau Mexicain des Personnes Affectées par la Mine (REMA) a affirmé de son côté que “les consultations ne sont pas informées” et qu’elles font l’objet de “manipulations”. “Dans les faits, il existe un déséquilibre dans les relations de pouvoirs qui lient les citoyens aux institutions, que l’information ne peut qu’être contrôlée par ces dernières. Ainsi, les cercles médiatiques institutionnels contribuent au lynchage et à la diffamation dont sont victimes les personnes opposées au projet, en générant des divisions et de la violence là où il n’en existait pas auparavant. De plus, l’information acheminée tant bien que mal vers les communautés demeure insuffisante et incompréhensible, si bien que celles-ci ne peuvent aucunement s’en servir pour prendre des bonnes décisions”.(5)
Dans sa “Note technique relative à la consultation et au consentement libre, informé et anticipé des peuples indigènes du Mexique” publiée en mars 2019, la Rapporteure Spéciale des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones Victoria Tauli-Corpuz a appelé le gouvernement à respecter les standards internationaux en matière de consultation des peuples autochtones au sujet des méga projets implantés sur leurs territoires. Elle a souligné que “les processus de consultation citoyenne mis en place pour l’ensemble de la population nationale ne garantit pas la préservation des droits des peuples autochtones, eux-mêmes consacrés dans les textes internationaux au sujet des droits des peuples autochtones”. Il s’agit pourtant de droits spécifiques “qui dérivent du caractère particulier des modèles et des histoires culturelles des peuples indigènes”, “dans la mesure où les processus démocratiques traditionnellement utilisés ne suffisent généralement pas pour satisfaire les demandes particulières de peuples traditionnellement marginalisés par les acteurs de la sphère politique institutionnelle”.
À cet égard, il est préoccupant de constater qu’au moment même où a lieu la consultation des peuples autochtones concernés par le projet du Train maya, une consultation citoyenne est réalisée dans le but de “faciliter le contrat social qui contribue à maintenir les conditions de l’unité et de la cohésion sociale” et “promouvoir le renforcement des institutions de gouvernement ainsi que la gouvernance démocratique”. En effet, l’avis des peuples autochtones au sujet du méga-projet risque d’être perçu comme étant “minoritaire” et, par conséquent, “pas indispensable”.
Quelles sont les personnes qui doivent être consultées ?
La Convention 169 stipule que les peuples autochtones doivent être consultés via leurs propres instances représentatives. En tenant compte des caractéristiques du pays, des spécificités propres aux peuples autochtones mais aussi la thématique et l’ampleur de la consultation en question, il est possible d’identifier ces instances représentatives adéquates. En fonction des circonstances, l’instance appropriée peut être représentative aussi bien à l’échelle nationale que régionale ou communautaire ; elle peut par ailleurs faire partie d’un plus vaste réseau national d’instances représentatives ou au contraire être propre à une seule et même communauté. Dans tous les cas, la représentativité des peuples autochtones consultés doit être déterminée par ces peuples eux-mêmes – en d’autres termes, ce sont eux qui doivent choisir la ou les instances dignes de les représenter. À cet égard, le rapport régional de l’OIT fait d’ailleurs état des défis posés à la consultation par le fonctionnement même des instances représentatives des peuples autochtones : le rapport indique en effet en citant différents cas que “les organisations indigènes et leurs représentants sont constamment mis en cause par leurs pairs, si bien qu’il est difficile d’accéder à des accords durables”.Comment les peuples autochtones doivent être consultés et comment vont-ils l’être ?
À en croire le chronogramme du processus de consultation au sujet du Train Maya publié par le gouvernement (voir Annexe 2), nous pouvons remarquer que, comme pour le cas la consultation indigène ou plus communément appelé processus des “Assemblées Régionales Consultatives au sujet de la création du Programme de Développement de l’Isthme de Tehuantepec”, chaque étape de la consultation est répartie sur un mois. Une des raisons pour laquelle plusieurs communautés et organisations ont parlé d’une “consultation express” à Oaxaca est que chaque assemblée n’a duré qu’un seul jour.À l’occasion d’une de ses conférences de presse matinales, le président a fait remarquer que, lors des assemblées régionales consultatives, la population de Juchitán a voté à main levée en faveur du Programme de Développement de l’isthme. Or, en vertu de ce qui a déjà été mentionné auparavant, une consultation conforme à la Convention 169 ne peut se limiter à un vote qui cherche simplement à savoir “qui est pour ou qui est contre”. Plus encore, le REMA a souligné que “les consultations n’ont pas valeur d »accord contraignant’. En d’autres termes, la décision de la communauté consultée n’a pas réellement d’impact sur le futur du projet, dans la mesure où la consultation ne constitue qu’une simple nécessité administrative pour des projets déjà avancés dans leur conception et dans les intérêts qu’ils génèrent”.
Officiellement, la consultation réalisée au sujet du train maya a commencé le 15 novembre dernier, avec une “étape informative”. Les 29 et 30 novembre, 15 Assemblées Régionales Informatives se sont ainsi tenues avant que ne soit déclarée ouverte la phase délibérative du processus, au cours de laquelle des réunions et des assemblées pourront avoir lieu dans les communautés afin de réfléchir sur les informations reçues et ainsi formuler des propositions ou des suggestions au sujet du projet. 15 autres Assemblées Régionales Informatives se sont ensuite tenues les 14 et 15 décembre afin que ces propositions soient recueillies, bien que celles-ci puissent l’être également par voie postale via les installations de l’INPI ou encore par e-mail.
À la différence des consultations antérieures, celle réalisée au sujet du Train Maya se rapproche un peu plus des standards définis par la Convention 169, dans la mesure où elle respecte davantage le fait que le gouvernement “doit donner suffisamment de temps aux peuples autochtones afin qu’ils organisent leurs propres processus décisionnels et qu’ils participent de manière efficace à des décisions adoptées en accord avec leurs traditions culturelles et sociales”.
Toutefois, l’ancien membre de la Commission Nationale des Aires Naturelles Protégées (CONANP) Ernesto Enkerlin Hoeflich a récemment déploré la rapidité de la consultation lors d’une interview accordée au journal El Universal : “du point de vue du consentement libre et informé, la consultation pourrait éventuellement être une réussite mais, sachant bien le manque de considération et l’ignorance qui caractérisent ces processus vis-à-vis des cosmovisions et des fonctionnements propres aux communautés indigènes, je ne pense pas qu’il soit souhaitable de réaliser la consultation sur un laps de temps si court”.
Le Train Maya : un projet vert et durable ?
L’autorisation d’Impact Environnemental (AIA) fait partie des autres conditions légales requises pour que le projet puisse se développer. À cet égard, le Centre Mexicain sur le Droit Environnemental (CEMDA) a effectivement fait remarquer que “tout projet de ce type nécessite une autorisation en matière d’impact environnemental de la part du Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles (Semarnat). Dans le cas des voies ferrées, une Déclaration d’Impact Environnemental à échelle régionale doit être présentée”. Concernant le Train Maya, ces conditions requises n’ont pas été rassemblées dans leur totalité et il semble difficile qu’elles le soient avant que n’ait lieu la consultation des peuples autochtones, ce qui demeure préoccupant(6). Cela peut sembler paradoxal pour un projet qui se revendique comme “durable” et qui prend place près de ou à l’intérieur de plusieurs Aires Naturelles Protégées (ANP).Plusieurs études d’impact environnemental ont cependant été publiées par des universitaires, parmi lesquelles une étude de l’impact du projet sur les ANP Calakmul et Balam-kú à Campeche. Celle-ci conclue sur le fait qu’”aussi bien la construction du Train Maya que le développement urbain et touristique promu par FONATUR auront des effets négatifs sur les fonctions écologiques des ANP de Calakmul et Balam-kú (…), tel que la fragmentation de l’habitat, le déplacement de personnes ou les nuisances sonores (bruit et vibrations)”(7). Le gouvernement a annoncé pour sa part que “des voies de circulations déjà existantes seraient utilisées, que des passages pour la faune seraient aménagés et que les couloirs biologiques seraient protégés”(8). Ces mécanismes visant à minimiser l’impact du projet sur l’environnement sont également mentionnées dans les études d’impact réalisées par les universitaires. Toutefois, elles précisent que “malgré la mise en place de ces mesures, certains dommages causés par le projet ne pourront être réparés par des mesures compensatoires, notamment la construction de la rame Los Laureles Constitución qui, entre autres, contribuera à détériorer une grotte habitée par des chauve-souris. Aussi, la principale fonction écologique des ANP dans cet endroit – qui permet de donner une certaine continuité à la flore et à la faune de la région – est incompatible avec le projet actuel de développement urbain et touristique découlant de la construction du Train Maya”. Dans le cas des Réserves de la Biosphère de Calakmul, de Sian Ka’an et Los Petenes, “il est par ailleurs interdit de changer l’utilisation qui est faite du sol, de fonder de nouveaux centres de population et de mener à bien des projets de développement, dans la mesure où la finalité de ces zones est précisément la conservation de leurs caractéristiques environnementales”, a déclaré le CEMDA.
Projet de Réaménagement Territorial du Sud-Sud-est
Le projet du Train Maya est corrélé au Programme Sembrando Vida et ce, pas uniquement dans le cadre de la politique de reforestation visant à réparer les dégâts environnementaux causés par ledit projet. AMLO a ainsi expliqué que le Train Maya, le projet de Corridor Transisthmique et le Programme Sembrando Vida, entre autres projets, serviront d’”aimants” afin de “capter le flux migratoire existant” jusqu’aux États-Unis afin “d’ancrer ceux qui fuient la pauvreté” dans ces régions du pays.Selon les chercheurs de Geocomunes, le Train Maya fait partie d’”un projet beaucoup plus vaste et beaucoup plus complexe : le Projet de Réaménagement Territorial du Sud-Sud-est. Il s’agit d’un grand projet régional réunissant de nombreuses initiatives (parmi lesquelles le Train Maya, Sembrando Vida, les Zones Économiques Spéciales (ZES) et le corridor transisthmique), et qui concourt à la réalisation d’un objectif de longue haleine, encore inachevé : le contrôle, la répartition et l’instrumentalisation néo-libérale des territoires et des peuples de la péninsule”(9). Ce plus vaste projet peut paraître bien abstrait aux communautés autochtones, pour autant qu’elles disposent de cette information.
Un projet touristique en faveur du développement ?
Conformément au Projet National 2018-2024 du parti Morena, “les sites archéologiques de la culture maya et les communautés alentours doivent être intégrés au développement national afin de mieux se préserver et d’améliorer la compétitivité” de “l’offre touristique” du Mexique. Au mois d’octobre dernier, la Fonatur a annoncé via le journal Reforma que la mise en place de fidéicommis des biens immobiliers construits dans le cadre du projet de Train Maya sera retardée. Ce retard est notamment du à la difficulté des négociations avec les propriétaires terriens actuels en charge de six fidéicommis sur les terrains des stations de Escárcega (Campeche), Izamal et Valladolid (Yucatán), Cobá (Quintana Roo) et Palenque (Chiapas). Nous tenons à souligner que ces nouveaux accords au sujet de la mise en place de ces nouveaux titres de propriété ont été conclus avant même qu’une consultation aux peuples autochtones concernés n’ait eu lieu.Malgré les réserves émises par différents fonctionnaires à ce sujet, les autorités espèrent une augmentation exponentielle du nombre de touristes dans la région. Il conviendrait cependant de se demander ce que cela impliquerait pour les communautés et la population concernées.
Plusieurs habitant-e-s ont d’ailleurs exprimé leur inquiétude face à ce projet, en rappelant ce qu’il est advenu des populations autochtones vivant dans les alentours de zones touristiques telle que Cancún, à l’occasion d’une interview réalisée par Animal Político : “les habitant-e-s mayas ont seulement obtenu de ce développement touristique de mauvais emplois, en plus d’avoir perdu leurs terres. La pauvreté et les inégalités restent pour eux monnaie courante, les zones concernées sont devenues des foyer de violence et le tourisme a apporté plusieurs problèmes dans la région, tels que le narcotrafic ou la traite de personnes”.
Horizons futurs
Nous ne pouvons que constater qu’il existe de sérieux doutes quant à la manière adéquate de mener un processus de consultation tel que celui réalisé dans le cadre du projet de Train Maya. Il apparaît clairement que les étapes antérieures à la consultation ont omis de respecter certaines lois, traités et conventions ratifiés par le Mexique dans le but de reconnaître et protéger ses populations autochtones. Le fait que le gouvernement n’ait toujours pas fait d’efforts pour remplir les conditions requises afin de valider la construction d’un tel projet – entre autres, une étude de marché et/ou d’impact environnemental – est très préoccupant, à l’heure où la phase informative du projet est déjà en cours. Nous pouvons également craindre que les bénéfices générés par le projet n’aillent pas aux mains des communautés concernées. Par ailleurs, ce dernier pourrait accentuer davantage les divisions déjà existantes entre les communautés autochtones, aussi bien au fil du processus de consultation qu’au moment où le projet se concrétisera : le projet bénéficiera ainsi à certaines populations au détriment des autres, pour ainsi porter atteinte aux valeurs de communauté et de solidarité qui relient les peuples entre eux depuis des temps immémoriaux. C’est également en prenant en compte cet effet potentiel qu’il convient de mesurer la pertinence d’un tel projet.- Voir le rapport régional : Convention 169 de l’OIT sur les Peuples Indigènes et Tribaux de Pays Indépendants (Colombie, Costa Rica, Guatemala, Chili) et la consultation anticipée des peuples autochtones dans le cadre de projets d’investissement
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- Protocole pour la mise en place de consultation des peuples et communautés autochtones conformément aux standards internationaux de la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail sur les Peuples Indigènes et Tribaux de Pays Indépendants
- Voir le rapport régional : Convention 169 de l’OIT sur les Peuples Indigènes et Tribaux de Pays Indépendants (Colombie, Costa Rica, Guatemala, Chili) et la consultation anticipée des peuples autochtones dans le cadre de projets d’investissementel
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