Ce
mardi 7 mars 2017, vers 15h, près de 80 adolescentes, de 13 à 17
ans, ont forcé les portes pour s’évader de leur foyer d’accueil
“Hogar Seguro,Virgen de la Asuncion” (« foyer sûr, vierge de
l’ascension” situé à San Jose Pinula, à 10km à l’est de la
capitale du Guatemala. Elles ont tenté de s’évader afin de
dénoncer les mauvais traitements, violences et violences sexuelles
dont elles sont victimes au sein du foyer.
“La-bas, c’est l’enfer et l’enfer nous le vivons. Nous sommes violées chaque soir.” une voisine du foyer rapporte les paroles qu’une jeune fille à réussir a lui dire avant l’intervention de la police. Après quelques moments de heurts avec les forces de l’ordre, la Police National Civile a réussi à contrôler l’émeute et à faire entrer les jeunes filles dans le foyer. 19 d'entre elles auraient cependant réussi à s’enfuir mais nous sommes encore sans nouvelles ni traces d’elles. Selon le témoignage d’une des jeunes filles rescapée du drame, il semblerait que les 60 adolescentes qui ont été ramenées de force dans le centre ont été ensuite enfermées – portes et fenêtres à clés – dans une même chambre.
C’est de cette chambre, située dans l’aile féminine du “hogar seguro” que s’est déclenché l’incendie dans la matinée du 8 mars. Selon Abner Paredes, - la tête de la branche “Défense de la jeunesse” de l’institution gouvernementale “PDH”, Procureur des Droits Humains, l'incendie aurait été déclenché par l'une des adolescentes enfermées qui avait une boite d’allumettes et aurait mis le feu à un matelas.
19 jeunes filles sont mortes calcinées durant l’incendie, 18 ont succombé a leurs blessures dans les hôpitaux San Juan de Dios et Roosevelt dans la capitale. Plus de 40 adolescentes sont hospitalisées pour des brûlures aux deuxième et troisièmes degrés.
Pour l’instant, seulement 18 des 37 jeunes filles ont été identifiées.
Le centre de protection pour enfants et adolescents victimes d’abandons, de violences intra-familiales et de maltraitance avait déjà été au centre de plaintes pour violences et mauvais traitements.
En effet, le foyer qui héberge près de 800 mineures alors qu’il est habilité pour une capacité d'accueil d’environ 400 places a été poursuivi au cours de différents procès l’an passé, à la suite de plusieurs plaintes de parents suite aux témoignages de leurs enfants rescapés : privation de nourriture, séquestration, humiliations, sévices corporels et violences sexuelles; et à la suite de plus de 47 fugues de mineures, l’ancien directeur Miguel Angel Menera a été destitué de ses fonctions en novembre 2016.
Le mois suivant, le juge de la protection de l’enfance et de l’adolescence de la zone métropolitaine a condamné l’Etat du Guatemala pour outrage des droits humains au vue des conditions d'accueil du centre dont il a la responsabilité. Durant ce procès, on découvre l’existence d’une salle appelée “el gallinero” : le poulailler, qui serait équivalent d’une salle de torture où les mineures seraient enfermées, humiliées et violentées. Après la condamnation de l’Etat, une résolution de restructuration puis de fermeture progressive du centre est ordonnée, mais celle-ci ne sera pas appliquée.
Après les disparations sans suite de plusieurs dizaines de mineurs placés sous la responsabilité du foyer, Mareny Merida, secrétaire au Secrétariat d’Etat du Bien-être Social, suspecte que les jeunes soient utilisées dans des réseaux de prostitution infantile et des crimes organisés du narcotrafic. Le procureur de la PDH dénonce lui aussi la possibilité d’un réseau d’exploitation sexuelle : l'enquête sur les employés accusés de traite humaine est toujours en cours depuis 2016.
Ces enquêtes sont appuyées par le témoignage de parents dont les enfants ont été rescapés du centre avant l’incendie : une jeune fille de 16 ans, en état de choc post-traumatique, témoigne qu’une fois “une homme avec une fort accent étasuniens est entré dans le centre, accompagné d’un gardien, pour me violer.”
Cette même jeune fille raconte avoir vue une enfant se faire tabasser par les gardiens jusqu’à avoir les côtes cassées et vomir du sang.
Raquel Hoper, mère d’un garçon de 12 ans raconte que son fils ne voulait plus rester dans le centre car les éducateurs mangeaient la nourriture des enfants et qu’on leur servait juste du pain pourri. Plusieurs adolescentes témoignent avoir été enfermées nues dans les couloirs, attachées à leurs lits et violées par les gardiens.
Les parents dénoncent aussi l'impossibilité de voir leurs enfants sans pouvoir communiquer avec eux en dehors des rendez-vous téléphoniques surveillés par les gardiens. Selon la deputée Amilcar Pop, seulement 3 des 64 caméras de vidéo surveillance étaient en état de marche. Il semblerait que les 61 autres aient été désactivées volontairement.
Aujourd'hui, vendredi 10 mars 2017, les parents rassemblés devant le centre se plaignent de n’avoir aucune information et attendent toujours des explications et des nouvelles de leurs enfants. A part l’identité des 18 premières victimes, aucune information ne leur a été transmise.
Des doutes sont émis par les parents concernant la réaction des secours et de l'absence d'évacuation des adolescentes. En effet, un jeune garçon de 16 ans, rescapé de l’incendie, témoigne entre deux sanglots “On connaissait les filles qui étaient enfermées, on a voulu aller les aider mais ils nous en ont empêchés… On voulait les faire sortir mais les policiers nous ont bloqué l’entrée”.
Une enquête est ouverte pour découvrir la source de l’incendie et les conditions d'évacuation des mineures.
Hier soir, un rassemblement devant le Palais National a eu lieu à l’appel d’institutions de défense des droits humains et de collectifs autonomes pour se recueillir, “être la voix de celles qui n’en ont plus” et exiger justice.
Malgré les accusations à l’encontre du gouvernement, Jimmy Morales, le président du Guatemala a annoncé dans un discours 3 jours de deuil national, qu'il s'agit d'un “terrible accident” dont toute la société est responsable.
D’autres manifestations sont prévues en fin de semaine pour exiger l’ouverture d’une réelle enquête concernant les accusations d’exploitation sexuelle et de maltraitance du foyer, et pour dénoncer la responsabilité de tout les corps d’état impliqué dans la complaisance dans cette affaire comme réels coupables de la mort des jeunes filles et ainsi indemniser les familles et rendre justice.
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