Communiqué de Las Abejas à 20 ans de la création de l’organisation et à 15 ans du massacre d’Actéal
14/12/2012
Pour plus d’informations, voir le blog de Las Abejas ici
Page spéciale pour les 20 ans des Abejas: ici
Organisation de la Société Civile “Las Abejas”
Terre Sacrée des Martyrs d’Actéal
Actéal, Chenalhó, Chiapas, Mexique.
10 décembre 2012
A l’opinion publique,
Aux moyens de communication de l’État, nationaux et internationaux,
Aux médias alternatifs,
A la sixième internationale,
Aux adhérents de l’autre Campagne,
Aux organisations indépendantes,
Aux défenseurs des droits de l’homme non gouvernementaux.
Frères et Sœurs,
C’était un jour comme celui-ci, il y a 20 ans, que naissait notre Organisation Las Abejas. Ce jour est également le jour de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Avec ces évènements historiques, nous venons donner notre parole…
Le 10 décembre 1992, 5 compagnons de la communauté de Tzajalch’en ont été emprisonnés injustement par le gouvernement municipal, complice du gouvernement de l’État du Chiapas, pour un homicide qu’ils n’avaient pas commis, leur unique délit était de critiquer le gouvernement, organiser le peuple opprimé, défendre la vie, la justice et les droits de l’homme. Á cette époque, comme aujourd’hui, les droits de l’homme n’étaient pas respectés. La violence et la violation des droits de l’homme étaient la loi du quotidien, et pire encore était le traitement fait aux peuples originaires.
Voyant la violence, l’injustice, l’expropriation de nos terres, territoires et ressources naturelles, et la violation des droits de l’homme contre notre peuple, nous nous sommes organisés, nous avons assemblé nos forces et nos cœurs, et avons donc créé le mouvement social « Las Abejas« . Dès le début nous avons décidé qu’il s’agirait d’une organisation pacifiste avec pour mission de défendre et protéger la vie, construire une vraie justice pour qu’existe la paix. Et exiger du gouvernement mexicain qu’il respecte les lois mexicaines, traités et écrits internationaux en matière de droit de l’homme, et par-dessus tout, le respect des peuples originaires du Mexique.
Aujourd’hui, à 20 de la lutte et du parcours des Abejas, nous demandons au gouvernement mexicain: comment va la situation actuelle des droits de l’homme au Mexique en comparaison avec celle d’il y a 20 ans? Nous voyons que la situation des droits de l’homme était différente il y a 20 ans, sur la manière dont étaient violés les droits de l’homme, aujourd’hui ces mêmes droits de l’homme sont violés d’une autre manière, mais bien pire et avec cynisme.
Il y a 20 ans, nous, Las Abejas, nous croyions en la démocratie institutionnelle (nous avions espoir que les gouvernants et les partis politiques nous écouteraient, afin que soient respectés les peuples indigènes).Cependant, tout cela fut une illusion. Mais nous avons appris beaucoup de ces mensonges et tromperies, et grâce à eux, nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui. Maintenant, nous ne croyons plus en aucun parti politique, ni en aucun gouvernement imposé depuis le haut. Les hommes et les femmes de Las Abejas que nous sommes, avons nos pensées et nos cœurs plus grands. Notre lutte et la construction de notre autonomie s’est accru et avance. Á 20 ans de la naissance de Las Abejas, nous ne demandons pas l’autorisation au mauvais gouvernement sur la manière dont nous voulons vivre, lutter, protéger notre Terre Mère, nos territoires et ressources naturelles.
Á 20 de Las Abejas, nous voyons qu’au Chiapas et au Mexique n’existent pas les [bonnes] conditions de vie, il n’y a pas un état de droit. Compagnes et compagnons, nous sommes tous gardiens de la mémoire, ayons tous à l’esprit que notre Mexique actuel saigne, que les responsables des guerres et des crimes sont libres, vivent dans l’impunité, sous couvert de l’État même. Il y a quelques jours Felipe Calderón est parti, laissant plus de 90 000 morts et 10 000 disparus à cause de sa « guerre contre le crime organisé », pour son crime et le saccage de notre pays, ce monsieur ne sera pas oublié par les fils et filles du Mexique afin qu’il soit jugé pour toute sa responsabilité. Et maintenant, qu’attendons-nous de l’actuel Président, Enrique Peña Nieto, imposé par Televisa, TV Azteca et d’autres corporations néolibérales, de ce monsieur qui est littéralement un pantin? Que peut-il offrir au peuple du Mexique, alors que l’on sait qu’il ne sait rien faire d’autre que réprimer et emprisonner les membres des mouvements et organisations sociales? Nous disons à Peña Nieto et à son cabinet, que le peuple a une mémoire, qu’Actéal n’oubliera jamais ce qui a eu lieu il y a tout juste 15 ans ce mois-ci, son équipe de gouvernement a beaucoup à se reprocher…
Le peuple mexicain est témoin de ce que nous disons, à peine Peña Nieto était-il critiqué que, comme le veut la coutume des mauvais gouvernements, pour « garantir la paix et la stabilité sociale », il a fait usage de la force publique de manière abusive, en réprimant les manifestants qui lui criaient « démocratie », « justice », etc. C’est avec cette violence systématique qu’il menace le droit de protester et interdit la libre expression. De plus, ce scénario de Peña Nieto du 1er décembre est un véritable avertissement pour le peuple mexicain et les organisations sociales anti-systémiques, sous son mandat, personne ne peut protester, qu’il n’est pas possible de s’opposer à son imposition et que nous devons nous soumettre à sa volonté.
On ne peut rien attendre de ces gouvernements, c’est pour cela que pour nous, comme nous l’ont dit nos frères et sœurs zapatistes, ce sont des « mauvais gouvernements ». Il n’y a pas de dignité de volonté et encore moins de respect en eux.
Ce que nous faisons et construisons dérange et incommode le mauvais gouvernement qui s’énerve, et quand il s’énerve, il envoie ses messagers déguisés d’une « peau de mouton » et nous offrent de l’argent, des couvertures usées, des petites maisons, etc. Leur objectif est d’empêcher d’exiger justice pour le massacre d’Actéal. Le mauvais gouvernement en retour, veut l’effacer de notre mémoire car il a honte de son crime d’État qui a massacré des femmes enceintes, des enfants pacifistes et innocents. En 2008, il a essayé de diviser notre organisation en achetant la conscience de certains de nos compagnons, mais malgré tout, nous l’avons surmonté. Et aujourd’hui, nous dénonçons catégoriquement qu’à quelques jours de la commémoration du XVè anniversaire du Massacre d’Actéal, jeudi 6 décembre de cette année, un paramilitaire qui se fait maintenant passer pour un représentant des survivants d’Actéal, Juan Oyalté Paciencia (qui devrait être en prison pour sa participation dans les faits qui ont précédés le massacre d’Actéal, mais grâce à la complicité des autorités judiciaires dans la guerre de contre-insurrection, aucun mandat d’arrêt ne fut appliqué contre lui), a ramené du matériel de construction avec l’aide d’un fonctionnaire d’État, et ils ont déchargé une partie du matériel au pied de la colonne de l’infamie d’Acteal Terre Sacrée. Immédiatement, près de 30 personnes, enfants, femmes et hommes, ont posé devant la colonne pour se laisser prendre en photos alors qu’ils sont en majorité des priistes, paramilitaires des communautés de Tzajalukum, Quextik, et Actéal Alto, qui se font passer pour des survivants du massacre d’Actéal, mais ils ne le sont pas.
Ce fait récent nous indigne c’est un affront au sang de nos frères massacrés. En même temps cela nous attriste de voir que nos propres frères et sœurs se laissent manipuler par le mauvais gouvernement, comme ils s’étaient laissés manipuler par les paramilitaires en 1997 lors du massacre d’Actéal.
Á 20 ans de la naissance de Las Abejas et à 15 ans du massacre d’Actéal, le mauvais gouvernement cherche à contrer notre commémoration et notre lutte, c’est pour cela qu’il leur est urgent de se prendre en photos à Actéal, pour faire croire que le gouvernement prend soin des survivants. Mais cela, il n’y arrivera jamais.
Nous savons que le gouvernement continuera avec sa politique de la peur, de contre-insurrection, de répression etc. Et nous devons être préparés et nous unir davantage entre mouvements et organisations sociales, c’est pour cela que nous vous rappelons que ce 20, 21 et 22 décembre nous avons rendez-vous à Actéal: leaders sociaux, défenseurs des droits de l’homme, autorités communautaires, collectifs indépendants, représentants des peuples originaires, étudiants, professeurs, et la société civile organisée, pour participer à la rencontre « Face à la Guerre d’Usure Intégrale à partager les processus organisationnels de lutte pour la défense de la vie, de la Terre et du Territoire. »
Avant de terminer, nous nous solidarisons avec les compagnons et compagnes réprimés et enfermés dans la ville de Mexico et de Guadalajara pour avoir protesté contre l’imposition d’Enrique Peña Nieto et nous exigeons leur liberté immédiate et inconditionnelle à toutes et tous!
Ainsi s’achève notre parole, (mais il y en aura plus dans le communiqué du XV anniversaire d’Actéal)
Vivent les 20 de lutte des Abejas et la construction de l’autonomie
Vivent les peuples autonomes
Vive la résistance civile et pacifiste
Cordialement,
La voix de l’Organisation Société Civile « Las Abejas »
Pour la Table Directive
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