Extraits d'une série d'interview de Samuel Ruiz, Eveque du Chiapas,
Cet article présente un extrait d'une série d'interview faite à Samuel Ruiz il y a une dizaine d'année, Mgr Samuel Ruiz était Évêque de San Cristobal de 1959 à 2000, il contribua puissamment à la libération des peuples indigènes, partisan de l'option préférentielle pour les pauvres, c'est le plus fervent des défenseurs de la théologie de la libération au Mexique, il publia la Théologie Biblique de la libération en 1975. Il mit en place un vaste réseau de près de 8000 catéchiste indigènes ce qui permit d'aider les Mayas du Chiapas de s'organiser pour défendre leur droit. En 1974, pour les 500 ans de la naissance de Bartolomé de Las Casas, il organisa le premier congrès indigène du Chiapas qui lança la conscientisation des peuples indigène sur leur exploitation. En 1993 une vaste campagne contre lui sera lancée pour obtenir le renvoi de l'"évêque rouge".
En 1994, quant éclata le soulèvement zapatiste, il mit en place la Commission nationale d’inter-médiation, chargée de maintenir le dialogue avec elle. Il est mort le 24 janvier 2011.
Samuel Ruiz et le Massacre d'Acteal:
"Prenons l’exemple d’acteal : un ensemble de circonstance ont contribué à la création de ce sanctuaire international dédié à la mémoire des martyrs, d’abord, ce massacre de 45 personnes par des paramilitaires, en 1997, ne fut pas un fait isolé : il y avait eut 24 massacres au préalable qui n’ont pas eu l’ampleur de celui d’acteal, Mais qui ont été perpétré par le même mouvement paramilitaire paz y justicia, ce mouvement paramilitaire, qui secoua les communautés indigènes recrutait parmi les priista les hommes affiliés au PRI qui était alors le parti officiel, et également parmi des indigènes non catholique dans certains groupe évangélique.
Leur sentiment de distance vis-à-vis des catholiques fut un
bouillon de culture, pour que ce développe en eux une forte hostilité, il y avait
déjà) eut des affrontements dans cette zone, au sujet de la possession d’une
mine de sable, les autorités ayant attribué officiellement cette mine à deux
instances différentes de la communauté. Quand surgit le groupe paramilitaire,
ces conflits furent exacerbées et la polémique s’accrue à cette époque, les
indigènes étaient en train de constituer une coopérative de café et d’exportation
de miel et les priistas exigèrent que tous ces membres prennent partis contre
les zapatistes. Hors beaucoup d ‘entres eux tout en n’étant pas zapatiste
sympathisaient avec leur cause et ils refusèrent de militer, de façon
belliqueuse, au côté des paramilitaires, pour échapper à cette pression, ils
furent obligé de constituer une nouvelle coopérative autour de la société las
abejas, qui rassemblaient les indigènes ne prenant parti ni pour les
paramilitaires ni pour les zapatistes, ce qui leur valu des agressions
incessante de la part du mouvement paz y justicia, pleinement reconnu comme un
mouvement paramilitaire, avec une discipline et un entrainement spécifique. Le
CDH Frayba, appartenant au diocèse possède à ce sujet toute la documentation
qui le prouve. Ce centre fut même sollicité pour jouer les médiateurs dans ce
conflit, mais il constata dès le départ qu’il n’y avait aucune volonté de
dialogue de la part des paramilitaires et que cette médiation n’était qu’une
manœuvre dilatoire. Les membres de la coopérative las abejas étaient de plus en
plus en butte à des pressions à des menaces, même de mort. C’est alors que
cette communauté décida de rester en prière en jeun, en repentir pour demander
la paix. Le deuxième jour, le matin, alors qu’ils étaient dans la chapelle ils
furent massacrés.
Le massacre avait sans doute été conçu comme un
avertissement aux communautés vivant autour de las abejas, pour diminuer leur
sympathie autour du mouvement zapatiste, même s’il n’y avait parmi elle de
membres actifs du mouvement cette tuerie faisait partie d’un plan mis en place
au moment du dialogue entre le gouvernement et les zapatistes, pour comprendre
cela, il faut retracer ce mouvement historique. L’armée occupait le nord de
l’état du Chiapas, la zone Chol’, les communes de Sabanilla, Tila, Tumbala…
hors elle s’occupait d’affaires qui ne lui incombait pas en tant de
dialogue : par exemple à sabanilla elle distribua des terres aux paysans,
ce qui n’est pas de son ressort mais de celui d’une commission spéciale chargée
de la réforme agraire. A Palenque, elle mit en prison des voleurs de bétail ce
qui incombe au ministère public, au juge. La contestation surgit aussitôt, car
si nous acceptions que l’armée s’occupe de ces affaires nous lui laissions, au
plan national, les mains libre pour agir arbitrairement.
La pression nationale et internationale obligea l’armée à se
retirer de ces lieux. Cependant, elle ne voulait pas quitter cette zone qui,
sans être à strictement parlé zapatiste, étaient néanmoins sympathisante de
l’EZLN, il y avait la les bases civiles des zapatistes. L’armée voulait donc
revenir coûte que coûte et devait créer une situation qui le lui permette.
C’est pourquoi elle affirma que le phénomène zapatiste avait un cadre
religieux, que les communautés évangéliques étaient en conflit avec les
communautés catholique et vice et versa.
Commença alors d’une manière absurde mais fatale l’agression
directe des priistas contre les maisons du côté de sabanilla. Cette agression,
qui avait été concertée par l’armée provoqua un exode. Elle allait de pair avec
une campagne étayant la théorie de la confrontation religieuse, à laquelle
participèrent notamment certains représentants du gouvernement assis à la table
de dialogue avec l’EZLN.
Je pu moi-même le constater car on m’appela personnellement
du ministère de l’intérieur pour me donner cette version des faits. Trois jours
après, j’appris qu’une des personnes qui avait conçu cette stratégie de
l’armée, également représentante du gouvernement à la table de dialogue,
accusait directement le diocèse de favoriser le rejet des évangéliques.
L’action du gouvernement à travers les priistas fut terrible. Au point que
cette zone du pays fut plongée dans une insécurité permanente.
Il était difficile à qui que ce soit de s’y rendre,
difficile pour les autorités elles-mêmes. Jour après jour, semaine après
semaine, nous avons informé, nous avons invité la presse pour démontrer la
version mensongère, officielle de la confrontation religieuse. Cela nous a pris
des mois. De sorte qu’au moment du massacre d’acteal nous n’avons pas eu de mal
à démentir les informations du gouvernement, et à montrer qu’il s’agissait d’un
plan d’agression contre les communautés indigènes, visant à justifier le retour
de l’armée.
C’est à cette même logique qu’obéissent les 24 petits
massacres qui précédèrent Acteal. Acteal eut alors un retentissement
international inouï et la protestation fut tellement puissante que le gouvernement
fut contraint de changer sa stratégie. Alors que j’étais déjà en route pour
acteal pour l’enterrement des 45 victimes, le gouvernement enleva les cadavres
et les emporta à tuxtla guitiérrez sous un prétexte fallacieux – les autopsier-
et dans une intention clairement politique retarder les réactions de
protestations. Comme si en enlevant les corps, on faisait disparaitre les
raisons de protester. Les autorités affirmèrent que les corps seraient rendus.
Elles mobilisèrent même des autocars pour leur transport mais avec un tel
retard que les cadavres ne purent être acheminés le jour même et ils restèrent
à Polho un village proche d’Acteal. Nous veillâmes durant toute la nuit,
l’enterrement ne put avoir lieu que le lendemain.
Mais la veille, le jour où les cadavres furent transportés
en autocar quelques parents des victimes vinrent me dirent qu’ils voulaient
creuser un tombeau collectif. Pas seulement à cause du travail que représentait
le creusement de 45 tombes en une seule journée ils voulaient élever un
monument à l’espérance, car ils savaient que ces frères et sœurs ressusciteraient.
Je me suis réjoui de cette idée : « c’est magnifique mes frères que
vous le vouliez ainsi ». Après quoi un groupe du Danemark, qui construit des
monuments contre l’ignominie pour commémorer des violations de droits de
l’homme, des tortures… offrit à la communauté d’Actéal un monument de ce genre.
Je leur dit : « Regardez les indigènes ont une
autre idée. Ils ne veulent pas faire un monument contre la violence, ou
commémorer les violations des droits de l’homme, ils veulent un monument à
l’espérance. » Mais les membres du groupe danois insistèrent ils
cherchèrent la communauté et lui apportèrent ce monument, que, forte
heureusement, ils plantèrent sur la route, en haut de la terre sacré d’Acteal.
Si bien qu’il faut passer devant avant de retrouver, en descendant la montagne,
l’espérance de la résurrection, représenté par ce tombeau collectif sur lequel
se dresse la chapelle. Les indigènes ont très bien assimilé la situation :
lors des visites ils organisent une halte au pied du monument contre
l’ignominie pour qu’on se souvienne de la violence, puis ils descendent vers le
tombeau. Dès le début ils ont eu une conscience très nette qu’il ne s’agissait
pas seulement d’une mort injuste mais d’une mort dans l’espérance, un chemin
vers le futur. Et ce en raison des circonstances concrètes qui entourèrent le
massacre : ils priaient, ils jeunaient, ils étaient à genou dans la
chapelle quand ils furent assassinés.
Je me rendis donc à l’enterrement sur une route bondée où
les voitures roulaient au pas, la mienne, celle de la presse, et aussi celle de
madame Rocati du centre national des droits de l’homme. Les voitures qui voulaient
avancer en sens contraire étaient obligées de s’arrêter au bord de la route
pour nous laisser passer. Tout à coup, je vis devant moi deux véhicules arrêtés,
un camion de transport et une camionnette, contentant des effectifs de la
police, et je vis aussi certains de ceux qui transportaient les cadavres se
diriger vers ces véhicules et à monter dedans. J’ai d’abord pensé que c’était
des personnes qui avaient veillé toute la nuit à Polho et qui, fatigué,
voulaient rentrer chez elle dans ce camion qui repartait d’Acteal. Je me
trompais. Elles avaient reconnu les gens du camion, c’était ceux qui avaient participé
au massacre. Quand elles montèrent dans le camion, ceux qui étaient à bord se cachèrent
le visage. Mais ils furent assaillis, tirés par les cheveux et obligé de
descendre du camion. Je sorti de ma voiture je parlais avec les hommes en
colère et leur dit : « mes frères ils faut les livrer aux
autorités. », mais quelles autorités ? L’armée ? Les policiers,
qui l’accompagnait et avait contribué à l’opération en couvrant les assassins
et en allant avec eux voler les maisons des victimes pour leur voler de la
nourriture, des pièces d’artisanat à vendre, tout ce qu’elles avaient ? A
ce moment-là, Madame Rocati, du centre des droits de l’homme, descendit à son
tour de la voiture et demanda à la police d’arrêter les assassins. C’est ainsi
que cette même police qui couvrait la fuite des paramilitaires, et transportait
le butin volé chez les victimes, cette même police dut les arrêter ! Une
situation délicate pour les policiers, qui étaient complices du massacre, n’est-ce
pas ? Mais ils furent contraints de se soumettre à la demande d’une
autorité nationale en matière de droit de l’homme
Ces épisodes restent à fleur de peau de la communauté
d’acteal, qui, sans oublier sa souffrance, la transcender. Les personnes ayant
compté le plus de morts dans leur famille ont accéder ensuite à des postes de
responsabilité dans la communauté. Maria, la catéchiste, la sœur d’Alonso, le
catéchiste mort avec sa femme et 5 de ses enfants, Maria qui adoptait les 5
autres enfants du couple. Ou la petite fille qui a reçu une balle dans la tête
et est resté presque aveugle, avec son sourire d’ange, et qui a grandi dans la
souffrance. La réaction de la communauté a été de sentir que les morts
n’étaient pas seulement des victimes, mais des martyrs. Des témoins d’espérance,
des témoins de la Paix. "
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